D. RÉFORMER LE RÉGIME « CATNAT »
1. Le projet de réforme en cours d'élaboration
Le système actuel d'indemnisation des catastrophes naturelles, qui permet une couverture large de la population contre les dommages pour un coût modéré, a représenté un incontestable progrès. À l'usage, on s'aperçoit, cependant, qu'il mériterait d'être corrigé sur plusieurs points .
L'uniformité des primes additionnelles qui financent le régime n'incite pas l'assuré à la prévention. Il couvre même les biens construits en violation des règles de prévention et de construction.
Son cadre juridique , dont la complexité rallonge les délais d'indemnisation, est accusé, comme on l'a vu, d'être trop imprécis et donc interprétable par l'assureur. L'article L. 125-1 du code des assurances est ainsi rédigé : sont indemnisables « les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises ». Mais qu'est ce qu'un événement d'« intensité anormale » ? D'où un traitement variable de situations identiques 127 ( * ) . En fait, c'est la prise ou non de l'arrêté déclarant l'état de catastrophe naturelle qui en décide.
Les assureurs, qui n'entendent pas pour autant remplacer le régime assurantiel actuel par un mécanisme de solidarité - ce qu'il est pourtant essentiellement - s'interrogent aussi sur l'équilibre financier du régime sur le long terme, dans un contexte d'accroissement de la sinistralité et d'aggravation annoncée des catastrophes naturelles.
Le projet de loi adopté en Conseil des ministres le 3 avril 2012 128 ( * ) vise à clarifier le cadre juridique du régime « catnat » 129 ( * ) et à moduler les primes en fonction du risque encouru selon les zones à risque, pour les seules entreprises et les seules collectivités locales dans le but de les responsabiliser. Il rompt donc avec le principe de solidarité, sans entraîner une quelconque responsabilisation, ce qui serait le cas si la prime était modulée, non pas en fonction de l'endroit où on habite, mais des efforts faits pour limiter les conséquences de l'événement calamiteux, dans la mesure de ses moyens.
Par contre, l'idée d'exclure le risque « sécheresse », pour ce qui est en fait un « risque construction », réductible par la recherche d'une plus grande résistance des immeubles, va dans le sens d'une responsabilisation de l'assuré. Dans cette perspective, pour les immeubles nouveaux, seuls les dégâts de ceux qui ont été construits selon les normes correspondant au sol où ils sont fondés pourraient relever du régime « catnat », en cas de situation exceptionnelle 130 ( * ) . Cela permettrait de faire porter par le droit commun des assurances les faiblesses des bâtiments qui pourraient être évitées au stade de leur construction.
La mission s'étonne que le projet ne prévoie aucune obligation d'assurance pour les propriétaires. Ils sont certes peu nombreux à n'être pas assurés, environ 2 %, mais l'obligation d'assurance leur éviterait de découvrir après la catastrophe qu'ils ne sont pas assurés, tout en renforçant le versant solidarité du régime.
Elle croit possible de renforcer le dialogue entre l'assuré et son assureur pour le choix du régime d'indemnisation, dès lors que le sinistre représente un faible montant.
Elle propose enfin d'exclure de la garantie « catnat » les biens construits illégalement 131 ( * ) et de faire apparaître explicitement le prélèvement affecté au fonds « Barnier » sur les primes « catnat » de manière à sensibiliser les particuliers et les entreprises aux objectifs de prévention.
- Rendre l'assurance habitation obligatoire pour tous les propriétaires - Exclure de la garantie « catnat » les biens construits illégalement - Externaliser le prélèvement sur les primes « catnat » au profit du fonds « Barnier » |
* 127 Face à la sécheresse de 2003, l'État s'est ainsi trouvé dans une situation instable, comme en témoignent ses hésitations dans la gestion de la catastrophe. Le rapport du groupe de travail du Sénat sur les sinistrés de la sécheresse de 2003 illustre ces difficultés. Outre ce rapport, il convient de relever que les travaux de 2005 de la mission d'enquête sur le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles recommandaient également une évolution du cadre juridique du régime « catnat ».
* 128 Projet de loi n° 491 portant réforme du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, enregistré à la Présidence du Sénat le 3 avril 2012.
* 129 Il précise en effet le périmètre d'intervention du régime et améliore le fonctionnement et la transparence de la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle :
- en prévoyant la fixation d'une liste des phénomènes éligibles au régime et la définition de la méthodologie permettant aux experts scientifiques d'apprécier l'intensité anormale des agents naturels qui sont causes de ces phénomènes ;
- en actualisant les conditions du bénéfice de la garantie contre les effets des catastrophes naturelles à l'encontre des biens construits et activités exercées sur des terrains classés inconstructibles par un plan de prévention des risques naturels prévisibles.
* 130 Le projet de loi instaure des règles de prévention en matière de construction sur des terrains exposés aux risques de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols, afin de réduire le plus possible, voire de supprimer, les sinistres causés par ce phénomène, et complète les énonciations que doivent comporter les contrats de construction de maisons individuelles en indiquant parmi tous les travaux d'adaptation au sol ceux rendus nécessaires pour la prévention des risques de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols.
* 131 Seuls deux cas de figure expressément prévus par la loi conduisent au retrait de la garantie ; il s'agit des biens ou activités implantés :
- dans des zones inconstructibles, postérieurement à la publication d'un PPR ;
- en violation des règles administratives en vigueur lors de leur mise en place et tendant à prévenir les dommages causés par une catastrophe naturelle.
D'ailleurs, en dehors de ces exceptions, lorsque la personne qui doit s'assurer se heurte au refus de plusieurs assureurs, elle peut avoir recours au Bureau central de tarification (BCT).