B. PLUTÔT QU'UNE EXCEPTION VAROISE, UN RETARD DANS LA PRISE EN COMPTE DU RISQUE INONDATION

Il ressort de ce qui précède que la réponse à la question « y a-t-il une exception varoise ? » est : oui et non.

Oui , en ce que le Var présente d'incontestables carences s'agissant de prise de conscience collective de l'importance du risque inondation, en matière d'élaboration, mise en place et mise à jour des outils réglementaires prévus pour y faire face, en matière de connaissance du comportement de ses fleuves côtiers et d'équipement de suivi et de prévention des crues, de connaissance et de suivi du ruissellement urbain ; que le Var est cruellement en retard dans la mise en place des établissements publics de coopération susceptibles de porter la politique collective de prévention de l'inondation dont le département a besoin par les investissements et les entretiens appropriés.

Impossible non plus de cacher les méfaits d'une urbanisation débridée qu'un contrôle de légalité à intermittence semble s'être résigné à ne pas pouvoir endiguer (Voir plus haut, rapport du CGEDD/IGA d'octobre 2010 et rapport de la Cour des comptes de juillet 2012).

Non , en ce que tous les autres départements méditerranéens, où s'est rendue la mission, ont connu, avant la catastrophe fondatrice, une situation très comparable. Même l'installation des centres de secours en zone inondable, comme à Nîmes et Sommières, ou la construction des centres pénitentiaires dans le lit majeur des rivières et des fleuves, comme à Beaucaire ou Arles où, en décembre 2003, 194 détenus ont dû être évacués pour faire face à la montée des eaux, n'est pas une spécialité varoise, tant s'en faut ! Et que dire de la construction de la préfecture des Alpes-Maritimes et du centre administratif inondés en 1994 lors de la grande crue du fleuve Var ?

Donc, plutôt que « d'exception » faudrait-il parler de « retard » varois. Ce qu'il faut souhaiter, c'est qu'il soit rapidement rattrapé et que ce qui s'est passé en juin 2010 et en novembre 2011 joue ce rôle. Car, comme nous l'avons montré, le Var n'est pas seulement exposé aux grands incendies de forêts, calamité présente à tous les esprits et contre laquelle il s'est mobilisé, il l'est aussi aux inondations meurtrières et ravageuses. Cette expérience, cette « culture du feu », pour reprendre le jargon à la mode, s'est même révélée précieuse en juin 2010 quand l'initiative locale a dû suppléer la paralysie des moyens d'interventions terrestres en principe préposés aux secours. Cette précieuse expérience qui a su s'institutionnaliser au niveau départemental, municipal et associatif est un atout qu'il ne faudra pas oublier.

Non , en ce que les difficultés de mise en place d'une politique de prévention de l'inondation efficace dans le Var sont aussi celles rencontrées sur l'ensemble du territoire.

Ainsi, le rapport de la Cour des comptes de juillet 2012 a fait pour la Charente-Maritime et la Vendée, qui ont subi une submersion marine en février 2010, les mêmes constats que pour le Var. Les informations réunies par la DGPR, à l'occasion du bilan effectué dans le cadre du plan interministériel submersions rapides, montrent que les résultats obtenus sont nationalement décevants et que, dans certains départements, la mise en oeuvre de la politique de prévention n'a été qu'à peine esquissée.

S'agissant de l'efficacité du contrôle de légalité, la délégation aux collectivités territoriales du Sénat en a déjà révélé les insuffisances dans de nombreux domaines. Son rapporteur, M. Jacques Mézard, en parlait même comme d'une « passoire » 104 ( * ) .

Partout, la politique de prévention fonctionne par à coups au gré des impulsions de la commande politique au lendemain d'un sinistre grave, trouvant des points d'appui territoriaux plus ou moins efficaces selon que le département a été sinistré ou pas.

Ce constat nous amène à poser la question qui nous sert de fil rouge : pourquoi est-il si difficile de mettre en place une politique de protection efficace contre l'inondation alors que personne n'en conteste la nécessité ?

Nous tenterons d'y répondre en deux temps : dans un premier temps, conformément à l'usage habituel, les améliorations possibles de cette politique, en restant dans le cadre du dispositif juridique et technique existant et tel qu'il fonctionne. Ce sera l'objet du Titre IV qui suit.

Dans un second temps, moins classiquement, nous reprendrons le problème autrement, répondant à la question par une autre : est-ce que les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de la politique de prévention relèvent toutes du même traitement ou de traitements différents, certaines pouvant être réglées par une amélioration du dispositif, d'autres n'ayant aucune chance de trouver une solution satisfaisante sans remettre en cause sa logique ?


* 104 Sénat - Rapport d'information n° 300 (2011-2012) de M. Jacques Mézard , au nom de la délégation des collectivités territoriales, Prendre acte de la décentralisation : pour une rénovation indispensables des contrôles de l'État sur les collectivités territoriales.

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