CONCLUSION
Selon vos co-rapporteurs, il faut redonner toute leur portée aux deux principes fondateurs de la loi pénitentiaire : d'abord, la peine d'emprisonnement ferme reste un « ultime recours » en matière correctionnelle ; ensuite l'exécution de la peine doit être orientée vers la réinsertion de la personne détenue.
Ils estiment que la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l'exécution des peines assortie d'un programme de construction de 20 000 places supplémentaires a marqué une profonde rupture avec l'inspiration générale de la loi du 24 novembre 2009.
En 2013, à l'issue du programme « 13 200 places » réalisé dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, le parc pénitentiaire devrait s'élever à 61 200 places (contre 57 236 au 1 er janvier 2012).
Comme le gouvernement l'avait indiqué lors de l'examen de la loi de finances pour 2009, 30 % des cellules des maisons d'arrêt du programme « 13 200 » seront des cellules doubles. Cette proportion permet de répondre au principe de l'encellulement individuel, compte tenu des dérogations prévues par le législateur, dès lors que le nombre de détenus écroués demeure stable -objectif réaliste au regard de la priorité donnée par la loi pénitentiaire à l' aménagement des peines .
Dès lors, la décision prise en 2011 de porter la capacité du parc pénitentiaire à 80 000 places à l'horizon 2017 alors que le nombre de personnes détenues écrouées atteignaient 65.262 au 1 er décembre 2011, aurait pour effet d'accroître les capacités nettes de détention.
Vos rapporteurs craignent que ces perspectives ne nourrissent le « cercle vicieux entre l'accroissement du nombre de détenus et l'augmentation des capacités d'accueil en prison » 55 ( * ) pourtant dénoncé en 2000 par les commissions d'enquête du Sénat et de l'Assemblée nationale sur les prisons.
Par ailleurs, la mise en oeuvre de ce programme immobilier risque de concentrer de nouveau les moyens sur la seule création d'emplois de personnels de surveillance au détriment des emplois de conseiller d'insertion et de probation, et partant des mesures d'aménagement de peine.
Vos co-rapporteurs jugent que la priorité est à l'aménagement des peines et non à l'extension du parc pénitentiaire. Ils estiment en outre que le nombre actuellement très élevé de personnes sous écrou (près de 67 0000) ne sauraient servir d'indicateur au nombre de places nécessaires en détention sauf à considérer que les possibilités ouvertes par les alternatives à l'incarcération ou les aménagements de peine sont épuisées.
Comme le rappelait votre rapporteur de la loi de programmation relative à l'exécution des peines, l'évolution du taux de détention en Allemagne peut servir de point de comparaison éclairant 56 ( * ) : entre le 1 er septembre 2001 et le 1 er septembre 2009 le nombre de personnes détenues en Allemagne est passé de 78 707 à 73 263 (- 6,9 %) et le taux de détention de 96 à 89 pour 100 000 habitants tandis que, sur la même période, le nombre de détenus en France passait de 47 005 à 61 787 (+ 31 %) et le taux de détention de 77 pour 100 000 à 96 pour 100 000. L' augmentation de la population carcérale n'est pas une fatalité .
Les marges de manoeuvre dégagées par le gel de la construction des 20 000 places pourraient permettre de concentrer l'effort financier, d'une part, sur la rénovation des cellules et la mise en place d'équipements tels que les portiques à onde millimétrique et, d'autre part, sur un recrutement plus équilibré entre les personnels de surveillance et les personnels d'insertion et de probation.
Les conditions de réalisation des objectifs de la loi pénitentiaire pourraient ainsi être réalisées.
Enfin, la réussite ou l'échec de la loi pénitentiaire n'engage pas seulement la responsabilité de l'administration pénitentiaire mais celle de la société tout entière. En d'autres termes, la mise en oeuvre et l'approfondissement des orientations adoptées en 2012 impliquent la mobilisation de tous les acteurs : services publics de l'Etat, collectivités locales, entreprises, représentants de la société civile et citoyens.
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* 55 « La France face à ses prisons », commission d'enquête sur les prisons françaises, MM. Louis Mermaz, président, Jacques Floch, rapporteur, rapport n° 2521 de l'Assemblée nationale, p. 25.
* 56 Rapport consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l11-302/l11-302.html