B. LA PROCHAINE ÉTAPE : AMÉNAGER LA GOUVERNANCE TERRITORIALE DU DALO
1. Mieux prendre en compte le rôle des intercommunalités
a) Un éclatement des compétences
Très centrée sur l'État, la loi DALO n'a pas tiré toutes les conséquences de l'éclatement des compétences en matière de politique du logement.
Paradoxalement en effet, rendant l'État seul responsable de l'obligation de résultat, la loi DALO a distingué deux aspects qui ne devraient pas l'être compte tenu du système de répartition des compétences progressivement instauré dans le cadre de la décentralisation : d'une part, la construction des logements, de l'autre, leur attribution.
Les outils indispensables à la conduite de politiques de l'habitat permettant d'ajuster l'offre aux besoins sont aujourd'hui détenus par les collectivités territoriales : urbanisme, délivrance des permis de construire, droit de préemption urbain, action foncière. Depuis la loi n°2004-809 du 13 août 2004, la politique de l'habitat incombe, à titre principal, à l'échelle intercommunale, chargée de la concevoir dans le cadre du programme local de l'habitat (PLH). Aux termes de l'article L.302-1 du code du CCH, ce dernier « définit, pour une durée de six ans, les objectifs et les principes d'une politique visant à répondre aux besoins en logements et en hébergement, à favoriser le renouvellement urbain et la mixité sociale et à améliorer l'accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées en assurant entre les communes et entre les quartiers d'une même commune une répartition équilibrée et diversifiée de l'offre de logements ». Le département intervient à titre complémentaire, à travers la gestion du fonds de solidarité logement (FSL) intégralement décentralisée en 2005 et, surtout, du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD), élaboré conjointement par les conseils généraux et l'État.
b) Une dilution des responsabilités
Le système retenu dans le dispositif DALO, ayant contraint l'État, qui ne possède pas tous les leviers d'action pour agir sur la politique du logement, à repartir à la reconquête de contingents préfectoraux, aboutit, de fait, à une dilution des responsabilités, les collectivités territoriales n'étant pas parties prenantes de l'obligation de résultat .
La possibilité ouverte par la loi de recourir à un dispositif expérimental de délégation à certains EPCI de la garantie du droit au logement n'a pas été utilisée.
La mise en place du DALO a généralement permis d'enclencher une dynamique positive sur les territoires où, historiquement, des partenariats avaient été noués à l'échelle intercommunale. A l'inverse, sur les territoires où la politique du logement se caractérisait par un cloisonnement des instances et des compétences, l'absence de responsable véritable a parfois accentué les dysfonctionnements de procédures existantes, le DALO jouant le rôle d'un instrument curatif.
Dans ces conditions, vos rapporteurs estiment qu'il est nécessaire de clarifier la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales au regard du DALO . L'échelle de l'intercommunalité, au plus près des bassins d'habitat, paraît la plus adaptée pour articuler efficacement l'offre de logement avec les besoins. Celle de l'État est la plus adéquate pour définir les grandes orientations de la production sociale dans un souci d'équité territoriale et pour garantir le financement par la solidarité nationale. La nécessité de clarifier les règles de gouvernance territoriale avait d'ailleurs été mise en lumière dès avant la consécration du DALO, par le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées dans son avis sur le projet de loi (octobre 2007).
2. Le cas particulier de l'Île-de-France : privilégier l'échelon régional
La région Île-de-France correspond à un grand bassin d'habitat sur lequel interviennent près de 1 400 collectivités territoriales. La crise du logement y revêt des caractéristiques exacerbées : prix immobiliers prohibitifs, difficultés d'accès au logement pour la plus grande partie des ménages, décalage entre le nombre de ménages susceptibles de se réclamer du DALO et les possibilités de relogement sur le parc locatif social, et surtout, forte ségrégation spatiale. Une minorité de communes concentre la plus grande partie des logements sociaux, et Paris comprend plus de 60 % de l'offre d'hébergement totale. L'importance de ces enjeux appelle une réponse régionale.
Une première étape vers l'inter-départementalisation des relogements a été franchie par la loi n°2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion. En vertu de son article 75, le périmètre déterminé pour le relogement par le préfet peut s'étendre sur des territoires situés dans d'autres départements de la région après consultation du préfet compétent. L'inter-départementalisation concerne aussi le parc privé conventionné ANAH dès lors que le bailleur s'est engagé à accepter des personnes reconnues prioritaires au titre du DALO.
Vos rapporteurs estiment indispensable d'aller plus loin par la mise en place d'une véritable gouvernance au niveau régional. Ils appellent à doter une autorité organisatrice francilienne des moyens d'arbitrage nécessaires à la conduite d'une politique du logement efficace. Ils s'associent ainsi aux recommandations formulées en la matière tant par le comité de suivi de la mise en oeuvre du DALO que par le Conseil économique, social et environnemental dans son rapport de 2010. Pour remédier aux velléités locales, la responsabilité de l'attribution de logements aux « prioritaires DALO » ne devrait relever que de la seule compétence d'un préfet de région.
Une autorité organisatrice du logement pour la région Île-de-France « Les intercommunalités en Île-de-France - 37 communautés d'agglomération, une seule de plus de 300 000 habitants - ni a fortiori les 1 281 communes que compte la région, ne correspondent à des bassins d'habitat pertinents. De même qu'il existe un opérateur régional pour les transports collectifs, le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), le Conseil économique, social et environnemental propose d'étudier la création d'un Syndicat du logement en Île-de-France (SYLIF), qui aurait vocation à regrouper toutes les collectivités publiques ayant un rôle à jouer dans le domaine du logement pour coordonner l'ensemble des actions nécessaires. Le SYLIF pourrait recevoir l'ensemble des moyens nécessaires à la coordination des politiques de l'habitat à l'échelle de la région. On ne peut pas se contenter par ailleurs d'un objectif quantitatif global sur l'ensemble de la région, il faut le localiser, faute de quoi aucune collectivité territoriale ne se sentira suffisamment concernée, surtout si elle ne veut pas de logement social ». Source : extrait du rapport du Conseil économique, social et environnemental « Évaluation relative à la mise en oeuvre du droit au logement opposable », 2010 (p. I-11). |