D. UNE RÉFORME DONT LA MISE EN oeUVRE NÉCESSITE DES AJUSTEMENTS COMPLÉMENTAIRES
1. La « descente » au niveau communal du taux départemental de taxe d'habitation
Dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, la part départementale de la taxe d'habitation a été transférée au bloc communal . Ce transfert a posé plusieurs problèmes techniques, détaillés par la commission des finances du Sénat lors de l'examen de la loi de finances pour 2011.
a) Les conséquences du transfert de la part départementale de la taxe d'habitation
En application de la loi de finances pour 2010, la part départementale de taxe d'habitation est, à compter du 1 er janvier 2011, transférée à l'EPCI à fiscalité propre, lorsqu'il existe, et à la commune isolée, en l'absence d'EPCI.
Les modalités prévues pour ce transfert entraînaient deux effets pervers à la fois pour le contribuable et pour les communes et les EPCI bénéficiaires.
En effet, la loi de finances pour 2010 avait prévu que le seul taux de taxe d'habitation départemental « descendrait » vers l'échelon communal. L'assiette de taxe d'habitation à laquelle s'applique ce taux est, en revanche, l'assiette communale. Or, les départements, comme les communes, étaient libres de déterminer des politiques d'abattements de taxe d'habitation, dans le cadre fixé par la loi.
Il résulte de ces dispositions que la « descente » du taux de taxe d'habitation départemental n'emporte pas « descente » de la politique d'abattements du département. En l'absence de toute délibération spécifique de la commune ou de l'EPCI qui se voit attribuer le taux de taxe d'habitation du département, le transfert de la taxe d'habitation départementale entraîne donc une modification de la charge fiscale pesant sur les contribuables, d'autant plus importante que l'écart entre les politiques d'abattement du département et de la commune était important .
S'y ajoute un second effet pervers, qui concerne à la fois les communes et les EPCI.
Les départements étaient libres de mettre en place des politiques d'abattements spécifiques sur la taxe d'habitation. Pour cela, ils votaient des taux d'abattements. Afin de déterminer le montant de la réduction d'impôt pour le contribuable, ces taux d'abattement sont rapportés non à la valeur locative de chaque logement mais à la valeur locative moyenne (VLM) des logements du département. Ainsi, par exemple, pour une VLM de 600 et un taux d'abattement de 5 %, le contribuable bénéficie d'une réduction du montant de sa taxe d'habitation de 30.
Or, la loi de finances pour 2010 a prévu que c'est le seul taux de taxe d'habitation départemental qui « descend » vers l'échelon communal et que l'assiette à laquelle s'applique ce taux est en revanche l'assiette communale. La VLM prise en compte pour le calcul des abattements n'est donc plus la VLM départementale mais celle des communes. Or, au sein d'un département coexistent des communes où les VLM sont très différentes.
Par conséquent, le maintien par la commune ou par l'EPCI de la politique d'abattements départementale peut, dans certains cas, ne pas être neutre pour le contribuable puisque le taux d'abattement ne s'applique plus à la même VLM .
b) La correction des effets pervers du dispositif
L'ampleur des effets pervers résultant du transfert de la taxe d'habitation départementale n'avait pas été anticipée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010. Rien n'avait donc été prévu pour y remédier. En effet, dans la très grande majorité des cas, les écarts d'imposition résultant de la réforme sont très faibles.
Les premières délibérations des EPCI et des communes sur les abattements de taxe d'habitation pour l'année 2011 ont toutefois montré que certaines collectivités se trouvaient dans une situation difficile du fait de la réforme .
L'Assemblée nationale a donc adopté, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2011 et avec l'avis favorable de sa commission des finances, un amendement proposé par le Gouvernement visant à neutraliser les effets décrits ci-avant .
Le dispositif proposé, techniquement complexe, conduit à ce que, si la commune ou l'EPCI ne prend aucune délibération spécifique pour intégrer ou reprendre les abattements départementaux préexistants, les contribuables acquittent en 2011 le même montant de taxe d'habitation que celui qu'ils ont acquitté en 2010.
Ainsi, à taux constant, les contribuables ne verraient pas leur charge fiscale évoluer du fait de la réforme et toute décision relative aux abattements prise par la commune ou l'EPCI l'impactera comme si elle était prise hors du contexte spécifique de la réforme de la taxe professionnelle.
c) Certaines difficultés demeurent
Malgré l'adoption de ce dispositif complexe, votre mission a été interpellée sur des effets pervers pouvant demeurer lors de la mise en oeuvre du transfert au bloc communal du taux départemental de taxe d'habitation.
Ces effets semblent se traduire par des modifications de la pression fiscale subie par les contribuables indépendamment des choix auxquels les intercommunalités et les communes ont procédé . Les intercommunalités situées sur le territoire de plusieurs départements , semblent, en particulier, avoir subi des conséquences dommageables lors de la descente du taux départemental de taxe d'habitation.
Sans qu'il ait été possible, en l'absence des données fiscales détaillées portant sur chaque intercommunalité, d'analyser les causes de ces effets pervers, votre commission formule le souhait que cette question soit traitée par l'exécutif . En effet, le Sénat a poursuivi, lors de l'examen de la réforme de la taxe professionnelle et dans la mesure du possible, l'objectif que cette réforme se fasse à droit constant, tant pour les collectivités territoriales que pour les contribuables. Il convient donc que ce transfert de taxe d'habitation ne s'opère pas au détriment des contribuables concernés.
Proposition n° 19 : Remédier, pour l'ensemble des communes et des EPCI, aux effets pervers résultant du transfert de la part départementale de la taxe d'habitation |
2. Une répartition de la CVAE inadaptée aux caractéristiques des groupes
a) Le problème posé par la répartition de la CVAE des groupes
Votre rapporteur préconise un second ajustement, relatif à la répartition de la CVAE lorsque plusieurs entreprises appartiennent à un groupe redevable unique de l'impôt sur les sociétés .
A l'heure actuelle, le produit de CVAE d'une société mère appartenant à un groupe 65 ( * ) bénéficie intégralement à la commune, au département et à la région sur les territoires desquels la société mère est implantée. Or, la valeur ajoutée des sociétés mères résulte souvent, pour une part non négligeable, de refacturations de prestations intragroupe. Cette valeur ajoutée ne reflète donc pas la charge supportée par la collectivité d'implantation, qui se résume souvent à des outils de production limités.
Cette question n'est pas d'une importance limitée. En effet, d'après les informations fournies à votre mission, au titre des exercices clos en 2006, les 73 000 entreprises environ (sur près de 2,9 millions) appartenant à un groupe fiscal au sens de l'impôt sur les sociétés ont réalisé plus de la moitié de la valeur ajoutée nationale. Par conséquent, non seulement les groupes représentent une part déterminante de la valeur ajoutée nationale mais les sociétés mères de ces groupes sont fortement concentrées sur le territoire national, notamment en région parisienne et dans les grandes métropoles.
Les décisions d'organisation juridique des groupes déterminent donc, de fait, la répartition d'une part déterminante de la valeur ajoutée nationale .
b) Le dispositif proposé par votre rapporteur
Une des possibilités envisagées pour remédier à ce problème serait une répartition du produit de CVAE, calculé au niveau de la société mère, entre l'ensemble des territoires de la société mère et de ses filiales, au prorata des valeurs locatives et des effectifs de l'ensemble des structures du groupe . Schématiquement, cela reviendrait à appliquer aux groupes la même clef de répartition de la CVAE que celle prévue pour les entreprises multi-établissements.
Exemple Soit un groupe constitué d'une société mère et de deux sociétés filles, les trois structures ne disposant pas d'établissement : |
- dans la commune A, se trouve la société-mère, abritant le siège de la direction, d'une valeur locative de 50 et employant 10 salariés ; |
- dans la commune B, se situe une entreprise du groupe d'une valeur locative de 100 et employant 200 salariés ; |
- enfin, dans la commune C, se trouve la seconde entreprise du groupe, d'une valeur locative de 120 et employant 190 salariés. La société-mère réalise une valeur ajoutée qui génère un produit de CVAE de 100. En l'état du droit, la CVAE calculée sur cette valeur ajoutée est attribuée en totalité à la commune A. Au niveau du groupe, les valeurs locatives sont de 270 (50 + 100 +120) et l'effectif est de 400 salariés (10 + 200 + 190), soit 670. Dans l'hypothèse d'une répartition du produit sur la base des valeurs locatives et des effectifs du groupe, le résultat serait le suivant : |
- la CVAE revenant à la commune A serait de 100x(50+10)/670 = 9 (contre 100 en l'absence de répartition) ; |
- la commune B, qui représente 49 % des valeurs locatives et salariés restants, bénéficierait de 49 % du produit de CVAE restant de la société-mère, soit 49 %x((100+200)/610) de 91, donc 45 ; |
- la commune C percevrait le reste de la CVAE de la société-mère, représentant 51%x((120+190)/670) de 91, soit 46. |
c) Une solution qui reste à trouver
La question de l'inadaptation de la législation actuelle de répartition de la CVAE aux caractéristiques des groupes a été évoquée, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, lors des débats parlementaires sur le projet de loi de finances pour 2012.
Valérie Pécresse, ministre du budget, avait alors indiqué que « nous ne disposons aujourd'hui d'aucun élément nous permettant d'affirmer que la structure économique d'un groupe intégré favoriserait certains territoires ou en pénaliserait d'autres. Vous recevrez toutes les informations sur les montants de CVAE collectés, les déclarations des groupes et la répartition entre collectivités, de manière agrégée. Cela permettra aux commissions du Sénat et de l'Assemblée nationale ainsi qu'au Comité des finances locales de vérifier, à l'occasion de leur analyse de leur contribution à la valeur ajoutée, si les grands groupes ont bien tenu compte de la création de valeur ajoutée dans les régions ».
Comme cela a été indiqué ci-avant, les données agrégées auxquelles la ministre du budget faisait référence ne sont toujours pas disponibles. Il conviendra, dès que nous disposerons de l'ensemble des informations nécessaires, d'approfondir la piste d'une meilleure répartition de la CVAE des groupes de sociétés .
Proposition n° 20 : Adapter les modalités de répartition de la CVAE aux caractéristiques des groupes dès la loi de finances pour 2013 |
3. Les ajustements préconisés par votre mission commune d'information
Sans jamais préconiser un retour à l'ancien régime de la taxe professionnelle, plusieurs pistes d'évolution ont été évoquées par les personnes rencontrées par la mission . Elles peuvent être regroupées en deux catégories : la première série de propositions est axée sur le renforcement de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, la deuxième vise à assurer une plus juste répartition des ressources, tant fiscales que budgétaires, sur le territoire.
a) L'autonomie fiscale des collectivités territoriales
(1) Les inconvénients d'une modulation du taux de CVAE
La première piste évoquée pour redonner aux collectivités davantage de pouvoir de modulation des taux de fiscalité locale serait de leur permettre de moduler, dans certaines limites, le taux de CVAE applicable sur leur territoire . Ainsi, par exemple, les collectivités pourraient prévoir que le taux de 1,5 % soit majoré, dans la limite par exemple de 1,6 %.
D'après les informations transmises par François Baroin, ministre de l'économie, le relèvement du taux de CVAE de 1,5 % à 1,6 % « apporterait un supplément de CVAE de 1,012 milliard d'euros, dont 573 millions d'euros à la charge des entreprises et 439 millions d'euros à la charge de l'Etat » 66 ( * ) . La partie prise en charge par l'Etat se décompose en :
- 377 millions d'euros au titre du dégrèvement barémique de la CVAE ;
- 4 millions d'euros au titre des exonérations de CVAE compensées ;
- et 58 millions d'euros du fait du dispositif de plafonnement à la valeur ajoutée.
Afin d'éviter cette prise en charge par l'Etat et de garantir que le relèvement du taux de CVAE de 1,5 % à 1,6 % serait supporté exclusivement par les entreprises, il pourrait s'accompagner d'un relèvement du plafonnement de la CET actuellement fixé à 3 % de la valeur ajoutée des entreprises . Toujours d'après le ministre du budget, un relèvement de 3 % à 3,5 % 67 ( * ) de ce plafonnement transfèrerait 254 millions d'euros de charge fiscale de l'Etat vers les entreprises.
Toutefois, votre rapporteur insiste sur les avantages d'un taux d'imposition uniforme de CVAE sur l'ensemble du territoire . Il favorise en effet la stabilité de l'implantation géographique des entreprises. Par ailleurs, sous l'ancien régime de la taxe professionnelle, certains territoires, relativement pauvres en bases, étaient conduits à augmenter fortement leurs taux de fiscalité afin de produire des recettes fiscales et se rendaient donc peu compétitifs au niveau national pour attirer de nouvelles entreprises.
Laisser des marges de manoeuvre aux collectivités territoriales conduirait inévitablement à un alignement du taux de CVAE sur le taux plafond. Cela n'apporterait donc pas de réelle autonomie supplémentaire pour les collectivités et se ferait au détriment des entreprises. Cette piste n'a donc pas été retenue par votre rapporteur .
(2) L'instauration éventuelle d'un versement transport en faveur des régions
Les régions françaises sont la catégorie de collectivités territoriales qui a le plus souffert de la réforme de la taxe professionnelle en termes d'autonomie fiscale. Comme cela a été rappelé ci-avant, elles ne peuvent plus moduler que 14 % de leurs recettes fiscales et voient donc leurs marges de manoeuvre particulièrement réduites.
C'est ce constat qui a conduit l' ARF, lors de son audition par votre mission, à préconiser la création d'un versement transport régional , dont le taux se composerait :
- d'un taux additionnel au versement transport existant dans les périmètres de transport urbain (PTU), plafonné à 0,2 % ;
- ou d'un taux simple sur les zones hors PTU de la région, plafonné à 0,3 %.
Cette idée, avancée par l'ARF, se justifierait par les compétences en matière de transport dévolues à la région. Votre rapporteur n'est pas fermement opposé à cette proposition. Toutefois, il convient, dans un premier temps, de prendre le temps d'évaluer l'ampleur de la contrainte budgétaire qui pèsera sur les régions . Les budgets des régions souffrent en effet moins du poids des dépenses de guichet, telles que celles du revenu de solidarité active, qui grèvent les budgets départementaux.
Proposition n° 21 : Evaluer l'ampleur de la contrainte budgétaire pesant sur les régions avant d'envisager la création d'un versement transport régional |
(3) La nécessaire indexation des tarifs de l'IFER
Votre rapporteur est en revanche favorable à la mise en place d'un dispositif d'indexation du tarif des IFER, qui porterait sur l'ensemble des composantes de cette imposition .
Cette proposition se justifie pour plusieurs raisons. Tout d'abord, économiquement, la fixation d'un tarif fixe pour chacun des IFER est inopportune. L'inflation aura pour effet de rendre le poids de cette imposition de plus en plus faible pour les entreprises qui l'acquittent, sans justification. Il est donc inévitable que le débat sur l'évolution des tarifs de l'IFER se pose à l'avenir. Or, chacun a pu constater l'âpreté des discussions ayant porté sur la fixation de tel ou tel montant pour chacun des IFER. Une indexation légale automatique aurait le mérite d'éviter, chaque année, de revenir sur cette question.
Par ailleurs, l'absence d'indexation risque de rendre l'implantation des installations soumises aux IFER de moins en moins intéressante fiscalement pour les collectivités qui les accueillent. Or, ces installations sont pour une partie d'entre elles mal acceptées par les populations locales et l'avantage fiscal procuré par leur présence joue donc un rôle majeur dans leur acceptabilité.
Enfin, il est à craindre que les bases d'une grande partie des IFER ne soient pas particulièrement dynamiques 68 ( * ) . Par conséquent, le caractère figé de leur tarif s'accompagnera d'une évolution très lente de l'assiette fiscale et grèvera donc le dynamisme de la ressource que ces impositions procurent aux collectivités territoriales.
Pour l'ensemble de ces raisons, votre mission vous propose donc d'indexer le tarif de l'ensemble des IFER sur le taux de revalorisation des valeurs locatives, lui-même proche du taux d'inflation annuel . Un amendement en ce sens avait d'ailleurs été adopté de manière consensuelle par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2012 mais la disposition ainsi créée avait été supprimée par l'Assemblée nationale.
Proposition n° 22 : Indexer le tarif de l'ensemble des IFER sur le taux de revalorisation des valeurs locatives |
b) Assurer une juste répartition des ressources sur le territoire
Plusieurs pistes doivent être explorées pour assurer une plus juste répartition des ressources sur le territoire français , entre les collectivités locales.
(1) Le maintien d'une incitation à accueillir les industries porteuses de risques
Votre mission a eu l'occasion, au gré de ses auditions et de ses déplacements, de constater l'inquiétude des collectivités territoriales industrielles quant aux effets de la réforme de la taxe professionnelle.
Le secteur industriel a été le principal gagnant de la réforme. Le corollaire de ce gain est que les collectivités accueillant de nombreuses entreprises industrielles ont vu le montant de leurs recettes fiscales fortement diminuer . Ces pertes sont, certes, compensées par le dispositif, décrit ci-dessus, de compensation à l'euro près des effets de la disparition de la taxe professionnelle.
Mais cette compensation est figée sur les ressources fiscales de l'année 2010 et ne prend donc pas en compte les nouvelles implantations à compter de l'année 2011. A l'avenir, le risque est donc grand que les collectivités territoriales soient réticentes à l'accueil des établissements porteurs des risques industriels les plus importants, puisque le retour fiscal de ces implantations sera considéré comme faible par rapport aux nuisances subies.
La problématique des établissements Seveso Les communes et établissements publics de coopération intercommunale accueillant des sites industriels « Seveso » ont fait part à la mission de leurs fortes inquiétudes quant aux conséquences de la réforme de la taxe professionnelle. Ces collectivités voient leurs ressources fiscales directes diminuer, parfois jusqu'à 70 %, et jugent que la compensation apportée par les mécanismes de la DCRTP et du FNGIR leur est défavorable, compte tenu de son caractère non évolutif. En outre, la réglementation concernant ces sites est instable et pourra susciter de nouvelles dépenses à la charge des collectivités territoriales, qui ne seront pas compensées. Pour ces sites existants, plusieurs solutions sont parfois évoquées : modification des critères de répartition de la CVAE, création de nouveaux IFER ou introduction de critères dans le dispositif de péréquation, autres modes de compensation des contraintes nouvelles. La mission d'information n'a pas tranché ce sujet et s'est accordée en revanche sur un dispositif en direction des nouveaux établissements. |
Votre mission estime qu'il est essentiel de maintenir une incitation fiscale à la hauteur des risques encourus par les collectivités qui s'engagent dans une politique d'accueil des établissements soumis aux directives « Seveso ». C'est pourquoi elle préconise, pour les nouvelles implantations, que la règle de répartition de la CVAE soit modifiée afin de davantage orienter la ressource fiscale vers les territoires accueillant des établissements industriels à risques ou polluants .
Ce choix permettra d'allier l'objectif d'allègement de la charge fiscale pesant sur le secteur industriel, poursuivi par la réforme de la taxe professionnelle, et la nécessité de conserver une incitation fiscale à l'accueil des industries porteuses des risques les plus grands.
Proposition n° 23 : Modifier la règle de répartition de la CVAE pour favoriser les implantations nouvelles d'établissements classés « Seveso » |
(2) L'intangibilité des dotations de compensation de la réforme
Votre mission souhaite insister sur une autre nécessité : celle de préserver le montant des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle que sont la DCRTP et le FNGIR.
La stabilisation en valeur de l'enveloppe des concours financiers de l'Etat est aujourd'hui obtenue en compensant l'augmentation des dotations qui progressent par une diminution de certains prélèvements sur recettes, qui constituent les variables d'ajustement de l'enveloppe normée. Au fur et à mesure que le montant de ces variables d'ajustement s'amenuise, l'Etat est conduit à élargir leur périmètre, afin de continuer à garantir la progression des autres dotations.
L'article 7 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 69 ( * ) a bien prévu d'exclure les dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle du périmètre de l'enveloppe normée. Il dispose ainsi que « pour chacune des années 2011 à 2014, est stabilisé en valeur, à périmètre constant, l'ensemble constitué par :
1° Les prélèvements sur recettes de l'Etat établis au profit des collectivités territoriales, à l'exception du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle ;
2° La dotation générale de décentralisation de la formation professionnelle inscrite sur la mission « Travail et emploi » ;
3° Les dépenses du budget général relevant de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Votre mission rappelle l'impérieuse nécessité du maintien de l'exclusion des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle de l'enveloppe normée des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales .
Proposition n° 24 : Maintenir l'exclusion des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle de l'enveloppe normée des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales |
(3) Poursuivre la révision des valeurs locatives
Enfin, votre rapporteur rappelle son attachement à ce que le processus de révision des valeurs locatives soit mené à bien, tant pour les locaux professionnels que pour les locaux d'habitation .
Cette question n'est pas sans lien avec la réforme de la taxe professionnelle. En effet, la disparition de la principale ressource fiscale des collectivités territoriales renforce le poids relatif de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe d'habitation dans les budgets des communes, intercommunalités et départements. Or, ces impôts restent assis sur des valeurs locatives obsolètes puisqu'elles datent de 1970. Par ailleurs, l'impératif budgétaire d'une limitation de la progression des dotations de l'Etat au profit des collectivités territoriales va nécessairement conduire à modérer le poids de la péréquation verticale par rapport à celui de la péréquation horizontale dans les années à venir. Or, les potentiels fiscal et financier utilisés dans les différents dispositifs de péréquation (FPIC et fonds départemental et régional de péréquation de la CVAE) créés à la suite de la réforme de la taxe professionnelle sont calculés à partir de ces bases obsolètes. Enfin, les nouvelles impositions créées pour se substituer à la taxe professionnelle sont également dépendantes des valeurs locatives cadastrales. La CFE est assise sur ces valeurs et la CVAE des entreprises multi-établissements est répartie notamment en fonction des valeurs locatives imposées à la CFE.
La justice du nouveau système fiscal local mis en oeuvre à la suite de la réforme de la taxe professionnelle est donc dépendante de l'achèvement du processus de révision des valeurs locatives des locaux professionnels et d'habitation .
L'article 34 de la quatrième loi de finances rectificative pour 2010 70 ( * ) a entamé le processus de révision des valeurs locatives des locaux professionnels, en prévoyant une expérimentation dans cinq départements : l'Hérault, le Pas-de-Calais, le Bas-Rhin, Paris et la Haute-Vienne. Un rapport 71 ( * ) a été remis au Parlement pour rendre compte de cette expérimentation et nos collègues François Marc et Pierre Jarlier, rapporteurs spéciaux de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », se sont saisis du sujet dans le cadre d'un contrôle budgétaire mené au nom de votre commission des finances. Il est essentiel que leurs travaux aboutissent afin qu'une révision effective de l'ensemble des valeurs locatives puisse être mise en oeuvre dans les meilleurs délais .
Proposition n° 25 : Mener à bien le chantier de la révision des valeurs locatives |
* 65 Au sens de l'article 223 A du code général des impôts.
* 66 Réponses aux questionnaires transmis par votre mission commune d'information.
* 67 Taux appliqué sous l'empire de l'ancien régime de la taxe professionnelle.
* 68 L'IFER est composée de neuf éléments :
1) sur les éoliennes terrestres et « hydroliennes » ;
2) sur les usines de production d'électricité nucléaire ou thermique ;
3) sur les usines de production d'électricité photovoltaïque ou hydraulique ;
4) sur les transformateurs électriques ;
5) sur les stations radioélectriques ;
6) sur les installations d'acheminement et de stockage du gaz naturel ;
7) sur les répartiteurs principaux de téléphonie ;
8) sur le matériel roulant ferroviaire ;
9) sur le matériel roulant utilisé sur les lignes de transport en commun en Île-de-France.
* 69 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010.
* 70 Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010.
* 71 Rapport au Parlement sur les conséquences de la révision - Résultats de l'expérimentation menée en 2011, Direction générale des finances publiques, janvier 2012.