C. UNE RÉFORME QUI DEVAIT S'ADAPTER À LA TAILLE DES ENTREPRISES
1. Un objectif recherché par les dispositifs mis en place
a) Un seuil à 2 millions de chiffre d'affaires
Si la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par la CET ont conduit à une réduction globale de la fiscalité des entreprises, celle-ci a bénéficié en priorité aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI).
Le tableau suivant présente la répartition des gains et pertes par tranche de chiffre d'affaires.
Répartition des gagnants et des perdants par tranche de chiffre d'affaires
Chiffre d'affaires |
Gagnants |
Stables |
Perdants |
Baisse de la cotisation dans le secteur |
Part du gain sur le total tous secteurs confondus |
|
% |
% |
% |
M€ |
% |
% |
|
Inconnu |
41 % |
29% |
31% |
-381 |
-47% |
5% |
<152500 |
59% |
12% |
29% |
-430 |
-42% |
6% |
152500<250000 |
79% |
7% |
14% |
-405 |
-64% |
5% |
250000<500000 |
86% |
5% |
9% |
-685 |
-70% |
9% |
500000<750000 |
81% |
1% |
18% |
-441 |
-68% |
6% |
750000<1M |
83% |
1% |
17% |
-319 |
-69% |
4% |
1M<2M |
84% |
0% |
16% |
-786 |
-68% |
10% |
2M<3M |
74% |
0% |
26% |
-370 |
-52% |
5% |
3M<4M |
69% |
0% |
31% |
-237 |
-46% |
3% |
4M<5M |
65% |
1% |
35% |
-167 |
-42% |
2% |
5M<6M |
60% |
0% |
40% |
-123 |
-37% |
2% |
6M<=7,6M |
56% |
0% |
44% |
-143 |
-32% |
2% |
>7,6M |
63% |
0% |
37% |
-3016 |
-16% |
40% |
Total |
60% |
14% |
25% |
-7502 |
-28% |
100% |
Source : ministère de l'économie
Il fait apparaître deux lignes de partage au-delà de 250 000 euros et en-deçà de 2 millions de chiffre d'affaires . C'est dans cet intervalle que l'on trouve le plus grand pourcentage d'entreprises bénéficiaires.
Cette appréciation nationale est confortée par les observations locales. Ainsi, une étude réalisée dans le département de Seine-Maritime à l'initiative du Medef confirme que les entreprises dont le chiffre d'affaires est situé entre 500 000 et 2 millions d'euros ont enregistré le plus fort taux de « gagnants », soit 63 %.
b) La progressivité du taux de cotisation et l'abattement de 1 000 euros
Le ciblage sur les entreprises moyennes et intermédiaires est la conséquence des mécanismes même du nouvel impôt.
Il résulte en premier lieu de la progressivité du taux effectif de CVAE pour les entreprises ; en effet, si le taux est fixé à 1,5 %, en pratique, l'Etat prend en charge tout ou partie de l'imposition des entreprises de moins de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires.
Taux effectif de CVAE
Si le montant du CA HT est : |
Le taux effectif d'imposition est égal à : |
< 500 000 € |
0 % |
500 000 € = CA = 3 000 000 € |
0,5 % × (montant du chiffre d'affaires - 500 000 €) / 2 500 000 € |
3 000 000 € < CA = 10 000 000 € |
0,5 % + 0,9 % x (montant du chiffre d'affaires - 3 000 000 € ) / 7 000 000 € |
10 000 000 € < CA = 50 000 000 € |
1,4 % + 0,1 % × (montant du chiffre d'affaires - 10 000 000 € ) / 40 000 000 € |
> 50 000 000 € |
1,5 % |
Source : ministère de l'économie
Il tient également à l' abattement de cotisation due à hauteur de 1 000 euros pour les entreprises réalisant moins de 2 millions de chiffre d'affaires. Ce dégrèvement complémentaire est pris en compte pour le calcul des acomptes et du solde de CVAE.
La réforme de la taxe professionnelle a donc bien été, au total, favorable aux petites et moyennes entreprises qui soutiennent l'activité économique et l'emploi sur l'ensemble du territoire.
Votre rapporteur est attaché à cette orientation et souhaite qu'elle ne soit pas remise en cause par des mesures de rendement fiscal qui seraient très pénalisantes pour ce type d'entreprises.
Proposition n°6 : Préserver les mécanismes de dégrèvement favorables aux petites et moyennes entreprises |
2. Des mécanismes à adapter aux situations extrêmes
a) Les TPE et la question de la base minimale de CFE
Les petits redevables, dont le chiffre d'affaires ou de recettes est inférieur à 100 000 euros , et qui seraient exonérés de CFE selon les règles du droit commun, peuvent être imposés sur une base minimale (article 1647 D du code général des impôts), selon un système issu de la transposition de cotisation minimale de taxe professionnelle.
La cotisation minimum de cotisation foncière des
entreprises
Chaque redevable doit contribuer pour un certain montant à la couverture des charges de la collectivité ; une cotisation minimum a donc été établie au lieu du principal établissement. Cette cotisation est établie uniquement lorsque la base nette de la cotisation foncière des entreprises est inférieure à une base minimum communale. Les redevables concernés Une cotisation minimum de cotisation foncière des entreprises est due par tous les contribuables, y compris par ceux dont les bases d'imposition sont très faibles (exemples : loueurs de fonds de commerce ou loueurs en meublé non exonérés). Les redevables qui bénéficient d'une exonération totale de CFE, de plein droit ou facultative (articles 1449 à 1466 E et 1518 A du CGI), ou dont l'établissement principal est exonéré de CFE pour l'année de création ou qui ne sont assujettis qu'au seul droit fixe de la taxe pour frais de chambres de métiers et de l'artisanat, ne sont pas concernés. Montant de la base minimum Le montant de la base minimum est fixé par le conseil municipal ou par l'établissement public de coopération intercommunale et doit être compris entre 200 € et 2 000 €. L'article 108 I Q de la loi de finances pour 2011 permet au conseil municipal de fixer un montant de base minimum dont le montant (en 2012) doit être compris entre 206 € et 2 065 € pour les contribuables dont le montant du chiffre d'affaires ou des recettes hors taxes est inférieur à 100 000 € et, pour les autres contribuables, entre 206 € et 6 102 € . Ces montants sont revalorisés chaque année. Pour les redevables exerçant leur activité à temps partiel ( et pour les assujettis dont le montant hors taxes des recettes ou du chiffre d'affaires au cours de la période de référence définie à l'article 1467 A est inférieur à 10 000 €) , le montant de la base peut être réduit de moitié au plus sur délibération de l'organisme concerné. À défaut de délibération, le montant de la base minimum est égal à la base minimum de taxe professionnelle 2009, déterminée comme suit : La base minimum de la taxe professionnelle 2009 est déterminée à partir de la taxe d'habitation théorique de l'année précédente : |
- d'un logement de référence retenu par le conseil municipal après avis de la commission des impôts directs (1) ; |
- ou à défaut de décision du conseil municipal, d'un logement dont la valeur locative est égale : * aux 2/3 de la valeur locative moyenne des habitations de la commune (généralité des redevables), * au 1/3 de la valeur locative moyenne des habitations de la commune (redevables exerçant leur activité à temps partiel ou pendant moins de 9 mois par an). Source : ministère du budget et mission d'information |
La loi de finances rectificative pour 2011 a autorisé les communes et EPCI à réduire le montant de base minimum pour les redevables réalisant moins de 10 000 euros de recettes ou de chiffre d'affaires. Cet aménagement reste cependant insuffisant et une faculté de modulation plus importante pourrait être mise en place au-delà des deux seuils de 100 000 et 10 000 euros.
Votre rapporteur préconise plus généralement que l'Etat place au rang de priorité l' assistance des communes sur ce sujet difficile , en explicitant par voie de circulaire les différentes options qui leur sont ouvertes et en leur donnant les éléments statistiques nécessaires à l'évaluation des conséquences de leurs décisions.
Proposition n°7 : Expliciter par voie de circulaire le dispositif de la base minimum de CFE et renforcer les possibilités de modulation en fonction du chiffre d'affaires des entreprises |
b) Le cas des auto-entrepreneurs
Comme sous le régime de la taxe professionnelle, les auto-entrepreneurs bénéficient, en vertu de l'article 1464 K du code général des impôts, d'une exonération de CFE (et de CVAE) de plein droit et de manière temporaire. L'exonération s'applique, en effet, durant les deux années suivant celle de la création de leur entreprise et concerne ceux qui ont opté pour le versement libératoire prévu à l'article 151-0, ainsi qu'à compter des impositions dues au titre de 2010, les contribuables ayant opté pour le régime micro-social prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale.
Ces aménagements sont la preuve de « l'attention particulière » portée aux auto-entrepreneurs par les initiateurs de la réforme, comme le soulignait François Baroin devant votre mission.
Mais comme l'a relevé Jean-Marc Fenet, directeur adjoint chargé de la fiscalité à la direction générale des finances publiques, il est nécessaire de rester très vigilant sur la sortie de ce régime transitoire car beaucoup de ces entreprises, créées en 2009 et 2010, sont en passe d'en sortir pour rentrer dans le droit commun.
S'ajoute à cette inquiétude, une confusion liée au fait, relevé par Pierre-Antoine Gailly, Président de la CCIP, que certains auto-entrepreneurs, n'ayant pas opté pour le versement libératoire, ont reçu des avis d'imposition alors qu'ils croyaient échapper à cet impôt qui se cumule, en outre, avec la taxe d'habitation.
Proposition n°8 : Prévoir une entrée « en sifflet » dans le régime de droit commun pour les auto-entrepreneurs |
c) La question encore prématurée mais sous-jacente de l'optimisation fiscale
Comme pour tout nouvel impôt, il est à craindre que les entreprises, particulièrement les plus importantes, ne développent naturellement des stratégies d'optimisation fiscale afin de réduire leur contribution à la CET par le biais de la modification de leurs structures juridiques, ou des choix d'implantation.
Interrogée à ce sujet par votre mission, Marie-Christine Lepetit, alors directrice de la législation fiscale, a modéré les risques, sans toutefois les écarter totalement : « Sur les questions d'optimisation, il est encore trop tôt pour établir un bilan pertinent. La définition de l'optimisation a été précisée. Plusieurs dispositions ont été adoptées afin d'éviter que des restructurations d'entreprises aboutissent artificiellement à une minoration du montant de l'impôt, d'où la nécessité de surveiller le caractère déclaratif des informations transmises. Il est nécessaire de disposer de plus de temps pour analyser les remontées des services suivant ces questions ».