Table ronde : associations spécialisées dans la lutte contre les violences faites aux femmes
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Présidence de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes -
Au cours d'une seconde réunion tenue l'après-midi, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente . - Nous avons l'opportunité d'apporter une meilleure protection aux victimes de harcèlement sexuel. C'est pourquoi nous sommes désireux de connaître vos réflexions sur le sujet.
Mme Maya Surduts, Collectif national pour les droits des femmes . - Notre collectif a joué, parmi d'autres associations, un rôle dans l'élaboration de la loi du 9 juillet 2010 et il est fort regrettable que le Sénat n'ait pas suivi l'Assemblée nationale sur la définition que nous avions alors proposée pour le harcèlement sexuel ; cela nous aurait évité cette abrogation, car nous aurions alors disposé d'une disposition pénale satisfaisante. Entretemps, la majorité sénatoriale a changé, tout le monde est aujourd'hui conscient de l'urgence qu'il y a à combler un vide juridique, tant mieux.
Mme Suzy Rojtman, Collectif national pour les droits des femmes . - Le retour aux définitions de 1992 ou de 1998 est-il souhaitable ? Non, car le harcèlement sexuel n'était pas défini, or c'est précisément le reproche formulé par le Conseil constitutionnel ; le délit se limitait aux personnes ayant autorité, cette mention a depuis lors été supprimée de l'article 222-33 du code pénal.
Les définitions des directives de 2002 et 2006 satisfont-elles aux exigences du Conseil constitutionnel ? Oui. Quelles précisions introduire dans la définition ? Les propositions de loi Kaltenbach, Dini ou celle du CRC-SPG comportent toutes les précisions nécessaires. La proposition de loi Courteau présente l'inconvénient de placer la définition du point de vue de l'agresseur ; rien n'est dit sur le consentement de la victime, rien sur l'environnement. Et la rédaction reprend la formule inadéquate de « faveurs sexuelles ». Quant à la rédaction de M. Anziani, elle ne définit pas le harcèlement sexuel. La proposition de loi de Mme Dini ne prend pas en compte le fait isolé - par exemple le chantage effectué lors d'un entretien d'embauche - mais uniquement le fait d'habitude.
Ne serait-il pas opportun d'ajouter des éléments concernant la formation des médecins du travail, afin que ceux-ci sachent mieux détecter le harcèlement sexuel ? Il faudrait compléter les articles L. 4624-1 et R. 4623-1 du code du travail. Le médecin du travail peut prendre des mesures individuelles, mutation, transformation du poste de travail, pour des motifs d'âge, de résistance physique, etc. A la liste de ces motifs il conviendrait d'ajouter les violences faites aux femmes, dans l'entreprise ou en dehors. Et instaurer dans la formation des médecins mais aussi des contrôleurs du travail un enseignement portant sur les violences faites aux femmes.
Enfin, comment va-t-on aider les femmes qui ont porté plainte mais qui se heurtent aujourd'hui à la prescription des faits ? Tout le monde cherche une solution. Celle-ci est peut-être à puiser dans la loi du 10 juillet 1989 : le délai de prescription recommence à courir lorsque les victimes atteignent l'âge de la majorité. Ne pourrait-on s'inspirer de cet exemple pour les femmes qui ont engagé une procédure aujourd'hui interrompue ? La requalification des faits n'est guère satisfaisante : une plainte pour harcèlement moral occulte la dimension sexuelle, une plainte pour agression sexuelle a sans doute été écartée auparavant.
Mme Marie Quevreux, Collectif de lutte anti-sexiste contre le harcèlement sexuel dans l'enseignement supérieur (CLASCHES). - Hormis la proposition de loi de M. Kaltenbach qui s'aligne sur la directive, aucune de vos propositions de loi ne nous satisfait, le seul texte que nous soutenons est celui de l'AVFT.
Dans l'enseignement supérieur, il y a d'une part des étudiants et doctorants, d'autre part le personnel administratif et enseignant. Les spécificités du secteur appellent une réforme ciblée. Les agents de la fonction publique n'ont pas accès aux prud'hommes. Les étudiants et doctorants ne sont pas couverts par la protection statutaire assurée aux fonctionnaires et n'ont donc pas de recours. Le législateur a prévu une obligation de prévention du harcèlement dans les entreprises privées : on ne voit pas pourquoi l'employeur public en serait dispensé plus longtemps.
Les sections disciplinaires des établissements publics à caractère scientifique et technique doivent être réformées de fond en comble : la saisine doit être directe ou au moins ouverte au supérieur hiérarchique, chef du service, afin d'éviter le filtrage des plaintes. La composition de la section doit être paritaire, quels que soient le poste et le statut de la personne jugée - aujourd'hui, les professeurs ne sont jugés que par leurs pairs. Il s'agit de prévenir les enjeux de pouvoir et de domination. L'instruction et le jugement doivent être conduits par des instances distinctes, gages d'indépendance et d'équité. Les victimes doivent avoir accès au dossier au même titre que la personne mise en cause, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. La notification des décisions aux autorités consultatives de l'enseignement supérieur et de la recherche contribuerait à nourrir l'information sur les violences et discriminations dans la fonction publique. Les sanctions seraient équivalentes à celles inscrites dans le code pénal - et supérieures aux sanctions pour tricherie ou vol. Pourquoi ne seraient-elles pas inscrites dans le code de l'éducation ? Nous souhaitons la création d'un observatoire pour la parité et la lutte contre les violences sexuelles et les discriminations dans l'enseignement supérieur.
Concernant les doctorants, nous demandons la modification de deux arrêtés relatifs à la formation doctorale et à la charte des thèses. En effet, les procédures de médiation ne conviennent pas au cas de harcèlement sexuel, car il ne s'agit pas d'un conflit intellectuel ou d'un banal différend sur le fonctionnement d'un service. Aucune réparation n'est bien sûr prévue, aucune sanction. De telles procédures ne sauraient se substituer à un examen par une section disciplinaire. Les établissements d'enseignement supérieur et de recherche doivent prendre leurs responsabilités, quel que soit le statut de la victime ou de l'agresseur.
Mme Sabine Salmon, présidente de Femmes solidaires. - Notre mouvement national féministe d'éducation populaire compte 190 associations locales et 10 000 adhérentes. Nous luttons pour la mixité et l'égalité et nous combattons toutes les formes de domination et de discrimination. Nous sommes une association généraliste, au contraire de l'AVFT par exemple : nous nous intéressons à toutes les violences faites aux femmes et nous avons une vue d'ensemble sur tout le continuum des violences. Notre commission des droits dispose de cinquante permanences d'accueil et d'écoute. Nous nous portons partie civile dans certains procès, comme celui de M. Gérard Ducray qui est à l'origine de la QPC, et nous sommes aux côtés des victimes, qui ont parfois du mal à expliquer les rapports de domination dans lesquels elles se trouvaient.
En 2010-2011, sur 52 procédures pour harcèlement sexuel dans toute la France, 20 femmes ont déposé une plainte qui n'a pas prospéré par manque de preuves ; 23 ont renoncé à déposer plainte et ont préféré, lorsqu'il s'agissait de harcèlement sexuel dans le cadre professionnel, démissionner, demander leur mutation, ou prendre une retraite anticipée. Ce sont 43 victimes non reconnues, 43 auteurs non condamnés. Nous réclamons une loi suffisamment claire pour ne pas décourager les victimes. Dans les neuf procédures qui sont allées à leur terme, trois femmes ont gagné : l'une des trois avait osé parler, ses collègues l'ont soutenue, ont témoigné, deux autres ont alors révélé avoir subi les mêmes agissements. Dans ce cas, le comportement de l'accusé était connu dans l'entreprise. Il disait ainsi : « tu me plais, je veux te baiser », et se vantait auprès de collègues que « l'affaire allait se faire »... Dans deux autres procédures, les plaignantes ont été déboutées faute d'éléments probants et les auteurs de harcèlement ont été victorieux. Un des cas concerne une petite entreprise de six salariés, qui n'ont pas aidé la victime. Le chef d'entreprise a même soutenu l'auteur, lequel affirmait : « elle raconte n'importe quoi, d'ailleurs elle est instable et dépressive ». Oui, hélas, mais en raison du harcèlement sexuel qu'elle subissait. Elle a finalement été licenciée. Tous les matins, son harceleur déposait sur son bureau un magazine pornographique, faisait des commentaires déplacés, « je veux que tu me fasses ça », ou des gestes déplacés, avec sa langue et sa bouche. L'autre cas où la victime a perdu concernait une employée toujours seule avec son patron, un kinésithérapeute très connu dans sa ville, un notable. Il comparait ses seins à un gâteau appétissant, il faisait des sons obscènes en passant près d'elle, s'asseyait en face d'elle pour boire son café, la regardant avec insistance et léchant sa cuiller de façon suggestive.
Quatre femmes ont gagné un procès pour agression sexuelle, un acte unique mais précédé de longs mois de harcèlement sexuel. Donnons aux femmes les moyens d'agir avant l'agression. Toutes parlent de peur, d'angoisse, de paralysie, de malaise. On voit l'importance d'inclure dans la rédaction l'atteinte à la dignité ou la notion d'environnement dégradant, humiliant, offensant. En revanche il faut proscrire l'intention d'obtenir des « faveurs ». Quarante-trois procédures ont échoué parce qu'aucune preuve de cette intention ne pouvait être apportée.
L'abus de pouvoir devrait être considéré comme une circonstance aggravante, qu'il émane d'un supérieur hiérarchique ou d'un élu. Les élus qui seraient condamnés devraient être suspendus de leur mandat : comment peut-on prétendre voter la loi quand on l'enfreint ?
Nous menons des actions de prévention en milieu scolaire. Nous distinguons sept formes de violence - pour un temps, nous devrons ravaler notre panneau sur le harcèlement sexuel... Les adolescents harceleurs n'ont pas conscience de l'être, leurs victimes s'ignorent en tant que telles. La loi est importante pour encourager les femmes à parler mais aussi pour donner des repères dans le cadre des actions de prévention.
Mme Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis. - En Seine-Saint-Denis, la délégation départementale aux droits des femmes et la médecine du travail ont souhaité réaliser une enquête sur le harcèlement au travail ; 1545 femmes salariées ont été interrogées. A la première question, « avez-vous dans les douze derniers mois subi des avances sexuelles verbales, vous a-t-on imposé des propos que vous ne souhaitiez pas ? », 14% ont répondu que cela s'était produit, 6% que cela s'était produit plusieurs fois.
La deuxième question portait sur des attitudes insistantes ou gênantes, des gestes non désirés, comme toucher les cheveux ou la nuque : 13% des femmes ont côtoyé des personnes ayant ce genre d'attitude, 5% à plusieurs reprises. L'enquête a aussi montré que 8% des femmes avaient subi des avances sexuelles non désirées : 8% sur un an, mais 46% sur l'ensemble de leur vie professionnelle. Quant aux agressions sexuelles, elles concernent environ 1 000 femmes par an sur 150 000 salariées travaillant dans le département.
J'ai interrogé à l'époque le parquet : les statistiques pour 2005 révélaient dix-neuf plaintes, mais aucune poursuite. Les parquets de Seine-Saint-Denis ou de Strasbourg, que je viens d'interroger, confirment qu'aujourd'hui encore, les affaires se comptent sur les doigts d'une main. Et malgré cela, le délit de harcèlement sexuel dérange, comme en témoigne la décision du Conseil constitutionnel.
Parmi les femmes interrogées, ce sont les jeunes qui déclarent le plus de violences. En 2006-2007, en Seine-Saint-Denis, 37% des femmes de 18 à 21 ans interrogées disaient avoir subi dans les douze derniers mois des violences verbales, 64% des atteintes sexuelles, dans des lieux publics. Dans le milieu de travail, les chiffres étaient respectivement de 18% et 13%. Ce sont des chiffres importants.
Un fait unique suffisamment grave, si la victime proteste, peut avoir des conséquences durables, des atteintes à la dignité de la personne et à ses droits. Or l'atteinte aux droits est plus facile à prouver -droit à la formation, à la promotion, aux congés, etc...
Les peines prévues ne sont pas forcément prononcées, loin s'en faut, ce sont des peines maximales, mais elles constituent un affichage social fort. Les violences infligées par le conjoint et donnant lieu à moins de huit jours d'incapacité temporaire de travail (ITT) sont punies de trois ans d'emprisonnement ; la filouterie dans les transports, voyager sans ticket, de six mois ; et l'abus de confiance simple, une voiture prêtée et jamais rendue, de trois ans. Un an pour du harcèlement sexuel, c'est inaudible. L'échelle des peines est utile comme outil de prévention, ne l'oublions pas.
Mme Emmanuelle Piet, médecin départemental de PMI, responsable des planifications familiales, membre du Collectif féministe contre le viol. - Les viols, les agressions sexuelles au travail sont souvent requalifiées en harcèlement sexuel quand ils se produisent dans l'univers du travail. Je tiens à insister moi aussi sur le cas des jeunes filles, et plus précisément de celles qui étudient en alternance ou en apprentissage : le maintien dans la scolarité dépend de l'obtention ou de la poursuite d'un stage et nombre de petites jeunes filles en CAP sont importunées par leur employeur, mais ne sont pas écoutées quand elles reviennent au lycée d'où elles peuvent être exclues si elles ne conservent pas leur stage. Il y a lieu de créer une circonstance aggravante spécifique, d'autant que ces jeunes filles sont souvent des mineures.
Un dernier mot pour signaler que le Conseil constitutionnel a également supprimé la loi sur l'inceste. Il serait bon de faire quelque chose.
M. François Pillet . - La situation est délicate : la décision du Conseil constitutionnel a entraîné de profondes injustices, mais modifier la prescription pour couvrir à nouveau des faits antérieurs est une idée sans issue, car radicalement contraire aux principes constitutionnels. La technique est astucieuse, mais la loi pénale ne peut être rétroactive. Ce serait la censure immédiate ! Nous ne nous trouvons pas aujourd'hui dans une situation de non-droit. La Cour de cassation reconnaît depuis longtemps les violences psychologiques, dont celles à connotation sexuelle. Les peines sont définies en fonction des ITT, mais on peut être en ITT pour des raisons psychologiques -dépression en particulier. Et puis, même si la disposition pénale est abrogée, la victime conserve la possibilité d'intenter des poursuites civiles, de faire reconnaître ce qu'elle a subi, et d'obtenir indemnisation. La procédure peut intervenir dans le cadre de l'excellent article 1382 du code civil. Il y aura jugement et audience publique. Il suffit, pour les procédures en cours, de changer le support. Mais une modification du délai de prescription est, en revanche, je le répète, une voie sans issue.
Vous marquez toutes votre intérêt pour la rédaction de la directive européenne. Mais transcrite telle quelle, dans sa terminologie plus littéraire que juridique, en droit français, elle serait immédiatement censurée par le Conseil constitutionnel. C'est du reste l'avis de la Chancellerie comme des syndicats de magistrats. La rédaction doit être adaptée à notre droit.
La prévention est effectivement fondamentale, avec les mesures éducatives. Concernant la proportionnalité des peines, je rappelle que le Conseil constitutionnel vérifie l'échelle des peines. Les résultats de l'enquête citée sont très intéressants. Ils révèlent la peur de porter plainte. Vous m'avez ouvert les yeux sur certains aspects. En revanche le problème juridique est plus compliqué qu'on ne le pense.
Mme Chantal Jouanno . - La proposition de loi que je viens de déposer parle d'atteinte aux droits, introduit la circonstance aggravante d'abus de pouvoir, modifie le code du travail, assure à l'article 6 la protection des victimes et des donneurs d'alerte. Le texte sur les droits et obligations des fonctionnaires doit lui aussi être corrigé.
La loi pénale n'est pas rétroactive. Mais des procédures coûteuses ont été engagées. Je me demande si la responsabilité de la puissance publique ne pourrait pas être engagée. Une demande d'indemnisation me semble plaidable.
Si l'on modifie les sanctions de harcèlement sexuel, il faudra modifier par contrecoup celles applicables à tous les autres délits sexuels : gardons cela à l'esprit.
Les sanctions devraient également être rendues publiques, car c'est souvent cette publicité que craint le plus le harceleur.
M. Jean-Pierre Sueur , président de la commission des lois . - En français, le terme « harcèlement » implique la répétition, mais un acte ou une parole unique peut être tout aussi inacceptable. Ce cas de figure doit être pris en compte.
Il faut être sévère, mais juste. Dans notre pays, la séduction n'est pas réprimée par la loi. Toute la question est de savoir ce qui la distingue d'un harcèlement intolérable, et de trouver les mots pour tracer cette limite. La directive européenne met justement l'accent sur l'atteinte à la dignité de la victime, notion qui me semble fondamentale.
Mme Laurence Cohen . - Je ne suis pas d'accord avec M. Pillet. La nouvelle loi doit certes être juridiquement irréprochable aux yeux du Conseil constitutionnel, mais cela ne doit pas nous empêcher de faire évoluer les choses. Le harcèlement porte atteinte à la dignité de la victime, en effet, mais aussi à ses droits. Il faut aussi prendre en compte le contexte ou l'environnement, parfois si intimidant que des collègues n'osent pas témoigner. Nul risque de confondre séduction et harcèlement. Évitons le mot « faveurs », qui appartient à un vocabulaire suranné.
Le harcèlement implique-t-il la réitération ? Un acte ou une parole unique peut aussi avoir des conséquences graves. La proposition de loi du groupe CRC vise aussi ce genre de cas.
Enfin, je suis très sensible à la question de la prescription : des victimes se retrouvent sans recours possible. Faisons preuve d'imagination !
Mme Clara Chevalier, CLASCHES . - Le débat sur le caractère répété ou non des actes de harcèlement devrait être dépassé. La définition du harcèlement moral implique bien la répétition, mais pas celle du harcèlement sexuel, car il fallait réprimer les actes commis lors d'un entretien d'embauche, qui ne donnent généralement lieu à aucune poursuite.
Dans la nouvelle définition, il faudra proscrire le mot « faveurs », mais aussi faire preuve de la plus grande précision pour répondre aux exigences du Conseil constitutionnel : l'ancienne définition était tautologique. Celle que proposent Mme Jouanno et M. Kaltenbach, selon laquelle « constitue un harcèlement sexuel tout propos, acte ou comportement non désiré, verbal ou non verbal, à connotation sexuelle, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité d'une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, humiliant ou offensant », me semble excellente. Conforme au droit communautaire, elle couvre tous les cas de figure. Surtout, elle est suffisamment large, puisqu'elle prévoit que les actes constitutifs du harcèlement peuvent avoir « pour objet ou pour effet » d'attenter à la dignité et aux droits de la victime : de tels actes ne sont pas toujours commis dans l'intention d'obtenir des « faveurs » sexuelles, mais sont parfois une pure expression de domination.
Mme Emmanuelle Piet, Collectif féministe contre le viol . - J'entends dire que la loi pénale ne saurait être rétroactive, mais des procédures ont été annulées parce que l'avocat n'avait pas été présent dès la première heure de la garde à vue, avant même la modification de la loi ! Ce qui est possible dans un cas devrait l'être dans l'autre.
Mme Suzy Rojtman, Collectif national pour le droit des femmes . - Nous ne sommes pas au bout de nos peines. Je rappelle que la France n'a jamais pleinement transposé les directives de 2002 et 2006 : elle s'est contentée, avant de prendre la présidence de l'Union européenne en juillet 2008, de transposer à la hâte les dispositions relatives aux discriminations, sans modifier le code pénal ni le code du travail. Les associations féministes le réclamaient pourtant depuis longtemps déjà. Et voilà que le Conseil constitutionnel abroge l'article qui réprimait le harcèlement sexuel...
J'aimerais que l'on ne recommence pas les discussions qui ont déjà eu lieu au niveau européen et au sein des associations féministes sur la définition du harcèlement sexuel, le caractère isolé ou répété des actes en cause ou la notion de « faveurs ». La définition légale doit correspondre à la réalité : celle que propose M. Kaltenbach me paraît satisfaisante.
Enfin il faut donner aux personnes intéressées le droit de saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infractions.
M. Jean-Pierre Sueur , président de la commission des lois . - Souhaitons que cela figure dans le projet du Gouvernement, sinon l'article 40 de la Constitution pourrait nous être opposé.
Mme Suzy Rojtman, Collectif national pour le droit des femmes . - Parlons-en ! C'est à cause de l'article 40 que, lors de l'examen de la loi du 9 juillet 2010, les dispositions relatives à la prévention et à la formation des professionnels ont été supprimées du texte de la proposition de loi ! J'étais ici il y a deux ans, et j'ai l'impression que nous tournons en rond...
M. Jean-Pierre Sueur , président de la commission des lois . - Nous sommes nombreux à déplorer que l'article 40 bride l'initiative parlementaire...
Mme Suzy Rojtman, Collectif national pour le droit des femmes .. - J'ai cru comprendre que l'on compensait souvent par une taxe sur le tabac...
Mme Marion Charpenel, CLASCHES . - N'oubliez pas les abus dont sont victimes les usagers de l'enseignement supérieur, étudiants et étudiantes.
Mme Maya Surduts, Collectif national pour les droits des femmes . - Il est souvent difficile d'apporter la preuve de faits survenus entre deux personnes, sans témoin. Pourquoi ne pas renverser la charge de la preuve, et la faire peser sur le harceleur ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin , présidente . - Plusieurs propositions de loi ont été déposées : la pluralité des points de vue permet de cerner les problèmes et de progresser vers une nouvelle définition du harcèlement sexuel, qui soit à la fois constitutionnelle et plus protectrice pour les victimes.