M. Jean-Henri Pyronnet et Mme Brigitte Zago-Koch, bureau des relations individuelles du travail, ministère du travail
Mme Brigitte Gonthier-Maurin , présidente . - A la suite de l'abrogation par le Conseil constitutionnel de l'article 222-33 du code pénal, nous travaillons à une redéfinition du harcèlement sexuel qui devra être étendue au code du travail et aux dispositions de la loi de 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires : c'est pourquoi nous avons souhaité vous entendre.
M. Jean-Henri Pyronnet, Bureau des relations individuelles du travail . - Après que le Conseil constitutionnel eut rendu sa décision, le ministère du travail, en coordination avec la Chancellerie, a adressé des instructions à ses services de contrôle : la définition que le code du travail donne du harcèlement sexuel étant identique à celle du code pénal, cette infraction ne pourrait plus être invoquée dans un procès-verbal, et les enquêteurs devraient trouver une incrimination voisine - violences au travail, intimidation, abus de vulnérabilité... - pour que ces actes ne restent pas impunis.
Le ministère participe aussi à la lutte contre les discriminations et le harcèlement au travail. Comptant que le législateur rétablirait bientôt une incrimination des faits de harcèlement, nous avons invité nos services à se mobiliser pour faire en sorte que de tels actes soient aussi rares que possibles. Nous accueillons avec intérêt les initiatives parlementaires.
M. Jean-Pierre Godefroy . - Les dispositions du code du travail sur le harcèlement sexuel n'ont pas été abrogées. Pourquoi donc des poursuites ne pourraient-elles pas se fonder sur cette incrimination ? Les attendus de la décision du Conseil constitutionnel prévoient d'ailleurs qu'il n'y a pas d'inconstitutionnalité si l'on peut se référer à une jurisprudence bien établie.
M. Jean-Henri Pyronnet, Bureau des relations individuelles du travail, ministère du travail . - Après consultation de la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice, il est apparu qu'il n'y avait pas de jurisprudence suffisante pour poursuivre quelqu'un sur le fondement des articles L. 1153-1 et suivants du code du travail, dont la définition, je le répète, est un copier-coller de celle du code pénal. C'est pour éviter des relaxes que nous avons invité nos corps de contrôle à rechercher des qualifications voisines.
M. Jean-Pierre Sueur , président de la commission des lois . - Le Conseil constitutionnel n'a pas annulé les dispositions du code du travail relatives au harcèlement sexuel, dont il n'avait pas été saisi. Pourquoi les actions introduites sur cette base s'interrompraient-elles ? Il faudrait pour cela qu'une QPC soit déposée à l'occasion du procès.
M. Philippe Kaltenbach . - Le risque est grand : même un avocat médiocre y penserait ! Aussi est-il indispensable de modifier le code du travail en même temps que le code pénal.
M. Jean-Pierre Godefroy . - Au lieu d'avoir recours à des qualifications approximatives, pourquoi les victimes ne porteraient-elles pas plainte pour harcèlement sexuel sur le fondement de l'article du code du travail toujours en vigueur, l'affaire devant ensuite être jugée dans le cadre de la nouvelle loi ?
M. Alain Gournac . - Cela poserait un problème de rétroactivité.
M. Jean-Pierre Sueur , président de la commission des lois . - Aux termes de l'article L. 1153-1 du code du travail, introduit par l'ordonnance du 12 mars 2007, « les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits ». Cette rédaction ne prend pas en compte les conséquences éventuelles du harcèlement. Ne faudrait-il pas réintroduire les dispositions des lois du 2 novembre 1992 et du 17 janvier 2002, qui interdisaient de sanctionner ou de licencier un salarié pour avoir subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement d'un employeur ou de toute autre personne ?
Mme Brigitte Zago-Koch, Bureau des relations individuelles du travail . - Ces dispositions ont été maintenues.
M. Jean-Henri Pyronnet, Bureau des relations individuelles du travail, ministère du travail . - En effet : à la suite de la recodification, l'ancien article L. 122-46 est devenu l'article L. 1153-2 du nouveau code du travail.
M. Jean-Pierre Sueur , président de la commission des lois . - Je suis rassuré.
M. Alain Gournac . - Légiférer est nécessaire, mais cela ne protège pas toujours les femmes : j'en connais une dont la carrière a été bloquée parce qu'elle refusait de céder au harcèlement de son patron. D'autres sont même licenciées : on les accuse simplement d'arriver en retard, d'être trop souvent malades, etc.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin , présidente . - Les plaintes sont-elles toujours fondées sur le code du travail, ou le sont-elles parfois sur la loi du 17 mai 2008 qui a transposé les directives communautaires relatives à la lutte contre les discriminations ? Son article premier dispose que « la discrimination inclut (...) tout agissement à connotation sexuelle, subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »
M. Jean-Henri Pyronnet, Bureau des relations individuelles du travail, ministère du travail . - Les inspecteurs du travail ont pour mission de constater les infractions ayant une base légale dans le code du travail.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin , présidente . - Je vous remercie.