D. LES PRIX ALIMENTAIRES, UNE VARIABLE CRUCIALE

Le niveau des prix des produits alimentaires est souvent présenté comme une variable inégalement déterminante pour la consommation effective.

Dans les pays développés, il n'affecterait que médiocrement la dynamique de la demande alors que dans les pays en développement le niveau des prix serait nettement plus prédictif.

Ces observations paraissent refléter la réalité à condition d'ajouter que, même dans les pays développés, il existe des populations pour lesquelles les tensions sur les prix de l'alimentation se répercutent sur la demande effective à travers la désolvabilisation qu'elles font subir à certains ménages.

Les raisons pour lesquelles dans le futur c'est plutôt à une hausse des prix agricoles et alimentaires qu'il faut s'attendre sont détaillées dans le chapitre consacré dans le présent rapport à ce problème particulier.

Or, la mise en oeuvre du droit à l'alimentation passera demain comme aujourd'hui, par le maintien de prix effectifs permettant aux consommateurs de disposer d'un pouvoir d'achat alimentaire compatible avec cette mise en oeuvre.

Il faut donc s'attendre à ce que les moyens de défendre ce pouvoir d'achat soient une variable essentielle de l'équation alimentaire à l'avenir.

Évidemment, cette condition peut apparaître contradictoire avec l'objectif d'assurer un prix rémunérateur aux producteurs afin de favoriser l'essor de l'offre agricole16(*).

C'est une observation triviale que de souligner combien les actions publiques visant à assurer des prix de consommation accessibles aux urbains sacrifient souvent les intérêts des ruraux dans les pays en développement.

Il existe pourtant des voies de conciliation entre les deux objectifs a priori contradictoires, à savoir la mise en oeuvre d'instruments de redistribution ou (et) l'élévation de la productivité des exploitants.

Mais, les enjeux attachés au système de prix ne s'arrêtent pas là. Son fonctionnement peut poser problème au regard d'objectifs qu'il conduit à négliger, qu'ils soient environnementaux ou de santé publique.

Dans le système de prix tel qu'il fonctionne un certain nombre de coûts, qu'il s'agisse de dommages environnementaux ou d'effets sur la santé humaine, ne sont pas intégrés. À cet égard, il est par exemple, insupportable qu'alors que l'obésité ou des maladies « épidémiques » comme le diabète se répandent comme une calamité dont les liens avec l'alimentation sont particulièrement suspectés, rien n'ait été sérieusement entrepris pour utiliser les prix comme instrument d'intervention. Il est vrai que ce stade suppose une volonté politique et que soient formulées de véritables politiques publiques de lutte contre ces nouveaux fléaux qui manque en fait.

Mais, il paraît évident à votre rapporteur qu'un jour ou l'autre - le plus prochain sera le mieux - on remédiera à cette grave défaillance. Dans cette perspective, comme pour le tabac et l'alcool, il ne fait guère de doute que des taxes alimentaires seront appliquées, que préfigurent déjà les taxes sur les boissons sucrées ou, à leur manière, les cotisations que peuvent exiger certains assureurs des clients victimes des « affections alimentaires » qui se répandent.

Tout comme pour les taxes écologiques, il faudra traiter les effets contre-redistributifs de cette fiscalité.


* 16 Cette question est abordée par ailleurs dans le présent rapport.