DEUXIÈME
PARTIE :
UN POTENTIEL INCERTAIN
CHAPITRE I :
Y-AURA-T-IL DES TENSIONS SUR LES
TERRES ?
Dans la plupart des prospectives, les besoins alimentaires sont principalement couverts dans le futur par l'augmentation des rendements, ce que permet de visualiser le graphique ci-dessous.
Source : Centre d'études et de prospective du Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire - Analyse n° 28 Juin 2011
Seule la prospective Agrimonde 1, qui a précisément été conçue pour illustrer un scénario extensif26(*), voit une augmentation des surfaces mobilisées de plus de 20 %, tandis que les autres scénarios où ce processus occupe une place notable sont des scénarios d'échec des politiques agricoles.
Dans quatre prospectives, dont celle de la FAO, l'extension des surfaces ne dépasse pas 10 %.
Globalement, les prospectivistes semblent inspirés par une contrainte, qui n'est pas toujours explicitée, d'économie de la mise en culture de terres nouvelles.
Cette option implicite peut étonner alors que l'accroissement des surfaces cultivées en agriculture pluviale semble présenter un eldorado potentiel puisque la surface disponible est actuellement loin d'être cultivée en totalité.
La question se pose de savoir s'il en va bien ainsi.
À l'examen, la réponse est particulièrement incertaine et dépend d'un assez grand nombre d'hypothèses dont certaines sont d'ordre « géo-agronomiques » quand d'autres portent sur des questions socio-économiques ou relatives à certains conflits d'usage.
Mais, le problème des terres agricoles conduit aussi à envisager des thèmes plus transversaux :
- la perspective d'une « course aux terres » est-elle un vrai problème ?
- comment penser le couple « population-terres » dans le futur ?
I. LA CROISSANCE DE LA PRODUCTION AGRICOLE DES DERNIÈRES DÉCENNIES N'A REPOSÉ QUE MARGINALEMENT SUR LA MOBILISATION DE NOUVELLES TERRES
La croissance de la production agricole des années 60 à nos jours a été assurée moins par la mobilisation des terres que par l'élévation des rendements.
Évolution des surfaces agricoles
cultivées (1961-2003)
(en millions d'hectares)
1961 |
2003 |
Variation |
|
OCDE |
430 |
410 |
- 4,7 % |
Afrique subsaharienne |
140 |
200 |
+ 42,9 % |
AN-MO |
70 |
90 |
+ 28,6 % |
Amérique latine |
100 |
160 |
+ 60,0 % |
Asie |
370 |
460 |
+ 24,3 % |
Ex-URSS |
240 |
200 |
- 16,7% |
Total |
1 350 |
1 520 |
+ 12,6 % |
Globalement, de 1961 à 2003, les terres mobilisées pour les cultures ont augmenté de 12,6 %.
Mais, dans le passé le plus récent, les sols consacrés aux céréales ont rétrogradé de 28 millions d'hectares, principalement du fait de la diversification des usages des sols dans les pays développés et en Asie que n'a pas compensée l'extension des surfaces agricoles en Amérique latine et en Afrique subsaharienne.
En quarante ans, l'Asie est devenue le continent qui rassemble le plus grand nombre de terres cultivées juste devant l'OCDE, ces deux zones regroupant plus de la moitié des terres cultivées.
C'est pourtant en Amérique du Sud que celles-ci ont le plus progressé (+ 60 %) mais cette région ne réunit encore que 10,6 % des terres cultivées en 2003.
Au terme de ces évolutions, où l'on note le recul très net des terres cultivées sur les territoires de l'ex-URSS, le taux de mise en culture des surfaces potentiellement cultivables n'a que peu progressé.
Source : Agrimonde
Dans ce contexte, l'Afrique du Nord-Moyen-Orient et l'Asie se seraient rapprochées du niveau de quasi-saturation des espaces cultivables (du moins si l'on tient pour exactes les estimations qui en sont faites par l'étude GAEZ exposée plus en détail dans la suite de ce chapitre.
En revanche, pour les autres régions des marges importantes demeurent, notamment en Afrique subsaharienne et en Amérique du sud, alors même que les besoins alimentaires insatisfaits localement peuvent rester massifs (comme c'est particulièrement le cas dans la première zone mentionnée).
S'agissant du couple « hommes-terres », l'extension des surfaces cultivées a moins progressé que la population active agricole dans trois des six grandes régions (l'Afrique subsaharienne, l'AN-MO et l'Asie) si bien que la surface agricole cultivée par actif agricole y a diminué. Inversement, cette surface a légèrement augmenté en Amérique du Sud et connu des progressions beaucoup plus substantielles sur les territoires de l'ex-URSS et, surtout, dans la zone OCDE où, malgré une réduction des terres mises en culture, elle a presque triplé.
Source : Agrimonde
Ces évolutions très disparates révèlent quelques éléments structurels fondamentaux pour la question du développement agricole.
* 26 Ou, du moins, moins intensif que les autres prospectives.