B. LA RECONNAISSANCE D'UNE COMPÉTENCE « QUASI UNIVERSELLE » DES JURIDICTIONS FRANÇAISES POUR JUGER DES ACTES DE PIRATERIE
L'article 105 de la Convention de Montego Bay stipule que « Tout Etat peut, en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d'aucun Etat, saisir un navire ou un aéronef pirate, ou un navire ou un aéronef capturé à la suite d'un acte de piraterie et aux mains de pirates, et appréhender les personnes et saisir les biens se trouvant à bord. Les tribunaux de l'Etat qui a opéré la saisie peuvent se prononcer sur les peines à infliger, ainsi que sur les mesures à prendre en ce qui concerne le navire, l'aéronef ou les biens, réserve faite des tiers de bonne foi ».
La piraterie constitue ainsi l'une des rares infractions internationales, avec la traite des esclaves, à déroger à la loi du pavillon , d'après laquelle, en haute mer et dans les eaux internationales, l'ordre public obéit au droit de l'Etat de nationalité du navire.
Le principe de la « compétence universelle » s'applique à la répression de la piraterie .
On entend par compétence universelle, « la compétence reconnue à un État pour juger les infractions commises par des particuliers en dehors de son territoire, alors que ni l'auteur ni la victime ne sont ses ressortissants » .
Il s'agit là d'une dérogation aux règles habituelles de compétence des juridictions françaises fondées sur trois critères : l'infraction a été commise sur le territoire de la République, l'auteur ou la victime ont la nationalité française.
En droit français, la « compétence universelle » est régie par les articles 689 et suivants du code de procédure pénale.
Le champ d'application de cette compétence recouvre les actes de torture et de terrorisme, la protection et le contrôle des matières nucléaires, les actes contre la sécurité de la navigation maritime, les actes contre la sécurité de l'aviation civile, les actes de violence illicite dans les aéroports et la protection des intérêts financiers de la Communauté européenne. Cette compétence a également été étendue pour juger les violations graves du droit international humanitaire commises en ex-Yougoslavie et au Rwanda.
Toutefois, en droit français, la compétence pour juger des infractions commises hors du territoire est qualifiée de « quasi universelle » car son application est soumise à deux conditions :
- elle ne peut procéder que d'une convention internationale ;
- l'auteur présumé doit « se trouver en France ».
La loi du 5 janvier 2011 a introduit dans notre droit la possibilité de prévoir la compétence des juridictions françaises pour juger d'actes de piraterie commis hors du territoire national , y compris lorsque ces actes seraient commis par des ressortissants étrangers à l'encontre de navires battant un pavillon étranger et dont les victimes seraient d'une autre nationalité.
Toutefois, d'après le texte de loi, deux conditions doivent être réunies pour permettre la compétence des juridictions françaises :
- les auteurs doivent avoir été appréhendés par des agents français ;
- les juridictions françaises ne sont compétentes qu'à défaut d'entente avec les autorités d'un autre Etat pour l'exercice par celui-ci de sa compétence juridictionnelle.
La deuxième condition vise à prendre en compte le cas des accords conclus dans le cadre de l'opération Atalanta de l'Union européenne au large des côtes somaliennes, avec certains pays tiers comme le Kenya ou les Seychelles, qui ont accepté le transfert sur leur territoire des personnes suspectées d'avoir commis des actes de piraterie afin qu'elles soient jugées par leurs juridictions.
Elle peut également trouver à s'appliquer si un autre Etat s'estime mieux placé pour juger d'une affaire, notamment si le navire attaqué est de son pavillon ou si parmi les victimes se trouve un de ses ressortissants.
En outre, la compétence juridictionnelle pour juger les auteurs et complices de ces infractions reste, en tout état de cause, une simple faculté pour les autorités françaises.
Ainsi, cette loi a permis de reconnaître aux juridictions françaises une « compétence quasi universelle » en matière de lutte contre la piraterie maritime, dont la mise en oeuvre est toutefois encadrée par certaines conditions et qui demeure une simple faculté pour les autorités françaises.