EXAMEN EN COMMISSION
La commission s'est réunie le jeudi 16 février 2012 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par le rapporteur, M. Pierre Bernard-Reymond, le débat suivant s'est engagé :
M. Jean Bizet . - Je suis favorable à la création d'emprunts européens, afin de financer de grandes réalisations qui pourraient contribuer à faire aimer l'Europe. Nous en avons d'ailleurs parlé lors de la table ronde du 8 février organisée par la commission des finances, notamment avec M. Patrick Artus. Je n'ai d'ailleurs pas spécialement apprécié sa position sur le sujet.
Je suis tout à fait d'accord pour faire évoluer les ressources propres : on ne peut se contenter des 14 % actuels. La participation des Etats membres au budget européen est parfois vue moins comme un engagement que comme une obligation. En revanche, les 75 % que vous projetez pour 2027 pourraient déséquilibrer les relations entre le Parlement européen et les parlements nationaux. Si nous nous dirigeons vers un certain fédéralisme, il faut cependant conserver un équilibre entre les parlements nationaux et le Parlement européen, afin de favoriser la coopération et le travail en commun.
M. Aymeri de Montesquiou . - Pourquoi ne pas aborder la question sous l'angle de la subsidiarité ? Les enfants adultérins du non-respect de la subsidiarité sont des doublons qu'il convient de chasser. Il y a là une source d'économies importantes. Ainsi en est-il de la politique étrangère : chaque grand pays défend l'indépendance de sa diplomatie et pourtant l'Europe a nommé cette malheureuse Mme Ashton, ce qui génère des dépenses certaines. De même, pourquoi conserver des consulats à l'intérieur de l'Union ?
M. Jean Bizet . - C'est vrai !
M. Aymeri de Montesquiou . - Il faut tirer toutes les conséquences de la subsidiarité et mettre un terme aux doublons. Notre rapporteur nous a parlé de ressources et de dépenses supplémentaires, mais pas assez d'économies, ce qui est un tort.
M. André Gattolin . - Merci pour ce travail concret et prospectif. Je suis partisan de la TTF car elle s'inscrit dans une nouvelle lecture de l'économie : les flux l'emportent aujourd'hui sur les stocks. Je regrette que vos propositions complémentaires ne prennent pas en compte l'évolution de l'économie mondiale vers l'immatériel. Pourquoi ne pas chercher les ressources nécessaires à l'Europe dans les secteurs d'avenir ? Les taxes sur le tabac et l'alcool, déjà lourdes, développent les marchés gris.
Le marché de l'Union est le plus vaste au monde, avant celui de l'Amérique du Nord, de la Chine ou du Japon. Or, l'Europe, qui a adopté une politique très libérale sous l'impulsion de l'OMC, a ouvert en grand ses portes à la concurrence internationale. Peut-être des ressources pourraient-elles provenir d'une meilleure protection de ses brevets et ses licences.
Mme Bernadette Bourzai . - A mon tour, je félicite M. Bernard-Reymond. Comme lui, j'estime indispensable de mettre un terme à la notion de juste retour, qui n'est que le reflet d'un triste marchandage entre Etats, au détriment de la construction européenne. Lorsque des Etats ne veulent pas dépasser 1 % du RNB...
M. Simon Sutour , président . - Certains veulent même aller en deçà !
Mme Bernadette Bourzai . - ...tout en maintenant les politiques actuelles au même niveau, comment aller de l'avant, comment innover ? C'est tout simplement impossible !
Lorsque j'ai été au Parlement européen, j'ai été assez sensible au discours de M. Alain Lamassoure sur les perspectives financières. Il estimait qu'il fallait mettre fin aux doublons. Pourtant, la Commission européenne propose de créer une agence en faveur des droits de l'Homme. Quel gâchis alors que nous avons la chance d'avoir un Conseil de l'Europe ! Ce doublon serait inacceptable. Il faut rationaliser le partage des compétences entre les Etats et l'Europe et imposer le plus rapidement possible la TTF et la mutualisation des dettes souveraines des Etats. En outre, la capacité d'emprunt de l'Europe permettrait de lancer des programmes de grands travaux qui redonneraient du sens à la construction européenne.
M. Alain Richard . - Je serais assez tenté d'adhérer aux propositions du rapporteur. Mais je suis partagé entre le souhaitable et le possible. Moi qui suis fédéraliste, je ne vois pas de mouvement en ce sens aujourd'hui en matière financière ou économique. Les traités sur lesquels nous allons délibérer resteront adoptés à l'unanimité, ce qui est le contraire du fédéralisme. Pour l'instant, l'idée de transferts supplémentaires de pouvoirs de décision se heurte à de multiples obstacles.
La plupart des gouvernements sont obligés de plafonner leurs dépenses publiques. Si l'on transférait 1 % du RNB supplémentaire des budgets nationaux vers le budget européen, d'un point de vue keynésien l'impact serait nul ! Il n'y aurait pas un euro de plus de richesse de créé.
M. Pierre Bernard-Reymond . - Sauf pour les synergies et les économies d'échelle ! En outre, les agences de notation seraient obligées de tenir compte de cette évolution majeure.
M. Alain Richard . - Soit ! Le gain ne serait pourtant que de quelques dixièmes de points de croissance.
Sur l'affaire de l'endettement, je me demande si le plafond fixé à 3 % était vraiment nécessaire. M. Prodi, lorsqu'il était président de la Commission, n'avait-il d'ailleurs pas dit que la règle des 3 % était stupide ? Je ne le crois pas, mais c'est un simple outil qui permet d'éviter que le poids de la dette, qui est improductive par nature, n'augmente tendanciellement. Pour le reste, endettement de l'Europe ou endettement des Etats européens sont les deux visages d'une même réalité contre laquelle il convient de lutter.
M. Pierre Bernard-Reymond . - Je suis d'accord avec M. Bizet : les 75 % de ressources propres pour le budget européen en 2027 sont du domaine du voeu pieux. Où en sera l'Europe à cette date ? Nous n'en savons rien. J'avais voulu donner un objectif au-delà de 2020 et je voulais indiquer que les ressources propres n'atteindraient jamais 100 %. Par souci de consensus, je suis prêt à ne plus faire référence à ce taux ni à cette date.
M. Simon Sutour , président . - Nous ne discutons pas d'une proposition de résolution. Ceci dit, nous devrons autoriser la publication du rapport.
M. Pierre Bernard-Reymond . - Je suis sensible aux remarques qui ont été faites et j'éliminerai de mon rapport la référence à 2027. Si nous arrivions en 2020 aux 60 %, ce que je ne crois pas, ce serait déjà très satisfaisant.
Si nous augmentions le budget européen, monsieur de Montesquiou, il faudrait que chaque Etat se livre à une RGPP pour passer du niveau national à l'européen. Cela nous permettrait de savoir quelles seraient les dépenses qui, en passant à l'échelon européen, feraient gagner en économies d'échelle, en synergies, en productivité et en image auprès de nos concitoyens. Pourquoi ne pas supprimer les consulats en Europe et pourquoi ne pas avoir des consulats européens dans un certain nombre de pays ? Certains regroupements ont eu lieu, mais il s'agit plutôt de juxtapositions sous un même toit. Peut-être faudrait-il régulièrement se demander ce qui pourrait être mieux traité au niveau européen que national et en profiter pour couper les branches mortes, car il en existe aussi au niveau européen.
Je suis d'accord avec vous, monsieur Gattolin : peut-être faut-il prévoir de nouvelles taxes plus orientées vers les flux et les technologies nouvelles, même si j'ai la faiblesse de considérer que mes propositions restent valables. Faites-moi des propositions concrètes afin que je puisse les intégrer dans mon rapport.
M. Richard a prôné une approche réaliste, mais pour faire avancer l'Europe, une part d'utopie et de volontarisme est nécessaire. Il faut en revenir à l'inspiration des pères de l'Europe et ne pas trop se demander si ces rapports vont permettre de parvenir aux objectifs fixés, sinon, je crains de ne devoir mettre un terme à mes activités...
Les initiatives de M. Lamassoure vont dans le bon sens. Il faut tordre le cou à l'idée que l'Europe est une danseuse. Si l'on ne transgresse pas le réalisme, on n'avancera pas. En transférant des dépenses à l'Europe, celle-ci gagnerait en crédibilité auprès des grandes puissances. Kissinger disait : l'Europe, quel numéro de téléphone ? Il aurait également pu demander quel était le montant de son budget. Certes, l'unanimité est une barrière. Je me suis d'ailleurs exprimé pour la suppression complète de cette règle. La Commission et le Parlement européen doivent se saisir de ce problème. Il ne faut plus que des Etats prennent le prétexte de la crise pour réduire le budget de l'Europe. Par ce biais, on flatte les populismes, les nationalismes et les anti-européens pour de basses raisons politiciennes.
La RGPP européenne que je propose permettrait de lutter contre les doublons.
M. Simon Sutour , président . - Je vous félicite pour vos propositions courageuses : notre commission doit soutenir des objectifs ambitieux, c'est indispensable si nous voulons avancer un peu !
A l'issue du débat, la commission a décidé d'autoriser la publication du rapport.