2. Un succès à exporter : la télémédecine
On l'a vu, une partie de la population guyanaise vit dans des villages isolés, reliés uniquement par voie fluviale ou aérienne. Ces moyens de communication limités engendrent une inégalité d'accès aux soins pour ces populations de l'intérieur. C'est pourquoi le centre hospitalier de Cayenne a créé et gère vingt et un centres délocalisés de prévention et de soins, dont huit ne sont pas accessibles par voie terrestre. Quatorze d'entre eux ne bénéficient pas de la présence quotidienne d'un médecin.
A partir d'octobre 2000, une première expérimentation a permis de valider l'intérêt et la faisabilité du développement de la télémédecine pour faire face aux caractéristiques guyanaises ; elle concernait quatre sites (Maripasoula, Antécume Pata, Saint-Georges et Trois-Sauts) et trois spécialités (parasitologie, dermatologie et cardiologie). Le réseau a été étendu aux autres centres délocalisés et à trois nouvelles spécialités (ophtalmologie, gynéco-obstétrique et pédiatrie).
En pratique, le professionnel de santé présent dans le centre délocalisé dispose d' une valise de télémédecine contenant un ordinateur portable, un appareil photo numérique, un électrocardiogramme numérique, un microscope et une webcam. Il peut ainsi transmettre des photos ou des analyses faites sur place au Samu de Cayenne qui centralise les demandes ; ces informations sont alors soumises à un spécialiste pour qu'il puisse poser un diagnostic et proposer un traitement adapté.
Depuis dix ans, plus de trois mille téléconsultations et téléexpertises ont transité par le serveur informatique dédié, dont 477 pour l'année 2010. Cofinancé par le centre hospitalier, le centre national d'études spatiales, le ministère de la santé, des fonds européens et la Datar, ce projet a coûté 1,7 million d'euros entre 2001 et 2010 . Depuis 2010, une dotation au sein des Migac assure une part de financement.
Le réseau de télémédecine permet d'éviter des déplacements pour les patients et leur famille, des consultations, des hospitalisations, ainsi que des évacuations sanitaires. Une étude réalisée en mars 2011 estime les économies ainsi réalisées à 1,9 millions d'euros.
La télémédecine en Guyane a donc permis une amélioration sensible de l'accès aux soins pour les populations isolées pour un coût globalement équilibré par les économies réalisées.
Le centre hospitalier de Cayenne a lancé deux nouveaux projets de développement très intéressants :
- la télé-échographie pour réaliser en direct des échographies depuis le service de radiologie de l'hôpital sur des patients distants de plusieurs centaines de kilomètres, par l'intermédiaire d'un robot porte-sonde, manoeuvré à distance grâce à une liaison satellitaire ;
- la télédialyse pour pratiquer des dialyses rénales au centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Maroni sous surveillance continue visuelle des patients et de leurs constantes médicales par le service d'hémodialyse de Cayenne, grâce à un dispositif de visioconférence, conforté par la présence d'un médecin et d'un infirmier auprès du patient et en relation constante avec le néphrologue à Cayenne. Ce procédé innovant évitera aux vingt-cinq patients atteints d'insuffisance rénale chronique trois allers-retours par semaine entre Saint-Laurent et Cayenne, soit environ sept ou huit heures de route à chaque fois... Il permet ainsi des économies substantielles en transports sanitaires tout en procurant au patient une qualité de vie nettement améliorée .
La délégation a notamment visité la salle de régulation du Samu du centre hospitalier de Cayenne qui reçoit les demandes transmises par les centres délocalisés et qui en assure le suivi. Les techniques développées en Guyane, à l'initiative des acteurs locaux, révèlent le dynamisme des professionnels de santé et leur implication dans le territoire. La loi HPST 27 ( * ) a fourni une base légale à la télémédecine et a intégré son développement comme un programme dans les projets régionaux de santé. Il est certain qu'elle constitue une réponse à un certain nombre de questions actuelles d'accès aux soins et de répartition territoriale des professionnels ; la métropole aurait tout intérêt à suivre le modèle de la Guyane, particulièrement novateur et réussi .
* 27 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.