B. LA SANTÉ : UNE SITUATION INTOLÉRABLE

1. Une offre de soins nettement insuffisante pour des besoins croissants

Le projet régional de santé préparé par l'ARS dresse un état des lieux lucide, mais inquiétant, de la situation sanitaire et de l'offre de soins en Guyane.

Comparaison des taux de mortalité
de cinq principales causes de décès

Guyane

Métropole

Accident vasculaire cérébral

29,9

17,7

Accident (hors transport)

22,4

9,3

Infection périnatale

19,6

5,4

Sida

15,9

1,0

Diabète

14,1

6,6

Source : projet régionale de santé de l'ARS de Guyane,
taux standardisés exprimés pour 100 000 habitants
et calculés avec les décès intervenus entre 2005 et 2007.

L'examen comparatif des causes de surmortalité observée en Guyane identifie trois secteurs particulièrement sensibles : les maladies infectieuses, notamment le sida et les infections périnatales, les causes externes de traumatisme et les maladies vasculaires. En outre, certaines pathologies sont spécifiques par rapport à la métropole, ne serait-ce que par leur prévalence : drépanocytose, paludisme ou dengue.

On a rappelé, dans la partie relative à la Martinique, l'acuité du problème de la mortalité infantile en outre-mer : sur la période 2000-2008, elle est trois fois supérieure en Guyane par rapport à la métropole . Plus généralement, en raison du taux de natalité élevé et de l'importance des complications, 26,5 % des séjours à l'hôpital sont liés, dans ce département, à la grossesse ou à la périnatalité.

Qui plus est, la part des publics fragiles ou accédant tardivement aux soins , ce qui complique et alourdit la prise en charge, est plus importante qu'en moyenne nationale :

- les bénéficiaires de la CMU complémentaire constituent près du tiers de la population en 2010 ;

- les recettes liées aux patients couverts par l' aide médicale d'Etat représentent presque 21 % des recettes de l'hôpital de Cayenne et 40 % pour celui de Saint-Laurent-du-Maroni, où 40 % des arrivées aux urgences relèvent de l'AME. A cet égard, plusieurs professionnels ont fait part à la délégation des difficultés que la réforme de l'AME adoptée en loi de finances pour 2011 (instauration d'un forfait de 30 euros par an 25 ( * ) et apposition d'une photographie sur la carte du bénéficiaire) risque d'engendrer pour les hôpitaux de Guyane. La nouvelle tarification hospitalière applicable pour l'accueil des patients AME dès le 1 er décembre 2011, adoptée sans étude d'impact dans le récent collectif budgétaire 26 ( * ) , ne pourra que fragiliser encore les finances des établissements de santé guyanais.

Le système de soins est donc confronté à plusieurs handicaps : une population longtemps insuffisante pour permettre l'implantation d'une offre variée, notamment en spécialistes, une offre quantitativement insuffisante et des moyens inégalement répartis sur le territoire, concentrés sur Cayenne et Kourou.

? Les professionnels de santé

Même si on peut estimer qu'une population jeune a moins besoin de recourir à un médecin qu'une population vieillissante comme en métropole, la densité de médecins reste très faible en Guyane : 176 médecins pour 100 000 habitants en 2009 contre 339 en métropole. En outre, ces médecins sont peu spécialisés et certaines spécialités n'existent pas (certaines chirurgies, l'endocrinologie, la génétique, l'hématologie, la neurochirurgie, l'oncologie ou la radiothérapie...) ou quasiment pas (l'anatomie pathologie, la neurologie, la pneumologie, la rhumatologie...). Sur les 465 médecins inscrits à l'ordre départemental en 2011, 234 sont salariés, 163 libéraux et 68 possèdent un diplôme non européen.

Qui plus est, alors même que la densité est déjà faible pour satisfaire les besoins existants et que les difficultés de recrutement de professionnels de santé sont importantes, l'accroissement rapide de la population crée de nouveaux besoins.

Au-delà des seuls médecins, la densité des professionnels de santé est deux à cinq fois moindre qu'en métropole .

Comparaison de densité des professions de santé
(en 2009, taux pour 100 000 habitants)

Guyane

Métropole

Médecins généralistes

105

165

Médecins spécialistes

71

174

Pharmaciens

42

118

Chirurgiens dentistes

19

67

Infirmiers

426

803

Sages femmes

38

130

Masseurs kinésithérapeutes

27

108

Source : projet régional de santé de l'ARS de Guyane.

? Les établissements de santé

Le déficit est également patent pour les structures d'hospitalisation : le taux d'équipement en lits de médecine, chirurgie et obstétrique est inférieur de 38 % à celui de la métropole , 2,8 lits pour 1 000 habitants contre 4,07. Le nombre de lits autorisés est certes passé de 595 en 1990 à 647 en 2010, mais la population a crû dans des proportions bien supérieures.

En outre, les deux établissements publics (Cayenne et Saint-Laurent-du-Maroni) et les quatre privés, dont un participant au service public (Kourou), n'offrent pas l'ensemble des spécialités : par exemple, le département ne dispose pas d'unité de soins intensifs cardio ou neuro-vasculaires. Cette absence totale ou la faiblesse du nombre de praticiens participe de l'importance des coûts d'évacuation sanitaire.

Comme en Martinique, les différents responsables rencontrés ont mis en avant le nécessaire ajustement du coefficient géographique qui s'applique à une partie de la tarification hospitalière.


* 25 Article 188 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010.

* 26 Article 50 du projet de loi de finances rectificative pour 2011 (en cours d'examen par le Conseil constitutionnel).

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