2. Les collectivités territoriales, des partenaires incontournables
La mission souhaite que Pôle emploi resserre ses liens avec les communes et leurs groupements ainsi qu'avec les conseils généraux et les conseils régionaux.
a) Le bloc communal
Comme le rappelait Jean Marimbert dans son rapport de 2004, le maire est en « première ligne » face à ses administrés sur les questions d'emploi et « il ne saurait donner le sentiment de rester passif face à la montée du chômage dans sa commune ou à l'impact social d'une fermeture d'entreprise » 70 ( * ) .
Dans les communes où il n'existe pas d'agence de Pôle emploi, ni de bureau d'un organisme ayant conclu une convention avec Pôle emploi, les maires sont chargés de recevoir et de consigner les déclarations des demandeurs d'emploi et de les transmettre à ces organismes, comme le prévoit l'article L. 5322-1du code du travail. Les communes peuvent recevoir des offres d'emploi et réaliser des opérations de placement en faveur de leurs administrés à la recherche d'un emploi, après avoir conclu à cet effet une convention avec l'Etat et Pôle emploi (art. L. 5322-2 du même code).
Plus généralement, les communes et leurs groupements ont des responsabilités en matière de développement économique et sont informées de tous les projets d'implantation d'entreprises sur leur territoire, grâce à leurs compétences en matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme. Elles détiennent, de ce fait, des informations essentielles pour favoriser d'éventuels placements. Elles peuvent donc contribuer utilement à l'analyse des besoins et à l'élaboration de diagnostics locaux.
Une coopération avec les centres communaux d'action sociale (CCAS) est également requise pour assurer un travail efficace entre leurs équipes d'assistantes sociales et les conseillers de Pôle emploi.
Le dialogue avec les élus municipaux peut également favoriser la recherche de solutions innovantes pour développer un accès aux services de proximité. A Tarbes, une délégation de la mission s'est fait présenter le dispositif des visio-guichets, utilisé dans des communes isolées du département des Hautes-Pyrénées. Le demandeur d'emploi se rend à la mairie de sa commune où un guichet équipé d'un microphone, d'un écran et d'une caméra lui permet d'entrer en relation à distance avec son conseiller. Cette méthode permet de procéder aux entretiens de SMP sans que le demandeur d'emploi soit obligé de se déplacer. Les visio-guichets sont cofinancés par l'Etat, le conseil régional, le conseil général et l'Union européenne.
Une autre solution, sur laquelle Jacqueline Panis, sénateur de Meurthe-et-Moselle, a attiré l'attention de la mission peut consister en la création de « bus de l'emploi », qui peuvent assurer des tournées dans les zones rurales.
b) La coopération avec les départements pour le suivi des titulaires du RSA
Dans la deuxième partie de ce rapport, la mission a déjà souligné son intérêt pour les expérimentations tendant à apporter un accompagnement global aux titulaires du RSA, associant suivi social et suivi professionnel. Ce type de démarche suppose bien sûr un partenariat entre Pôle emploi et les départements. Plus généralement, la mission estime que de nombreux titulaires du RSA, souvent très éloignés de l'emploi, ont besoin d'un accompagnement renforcé. Or la mission constate que les relations entre Pôle et les conseils généraux se sont distendues depuis la création du RSA.
A la suite de la création du revenu minimum d'insertion (RMI), des conseils généraux avaient passé des conventions avec l'ANPE, par lesquelles ils s'engageaient à financer des postes au sein de l'agence, en contrepartie de quoi les titulaires du RMI bénéficiaient d'un accompagnement renforcé.
Lors de sa première audition, le directeur général de Pôle emploi a indiqué qu' « autrefois, une soixantaine de départements confiaient à l'ANPE le soin d'accompagner vers l'emploi les titulaires du RMI et finançaient, au sein de l'agence, 600 équivalents temps plein. Mais à la suite de la création du RSA, certains départements, qui connaissent par ailleurs des difficultés financières, ont considéré que le suivi individualisé des titulaires du RSA entrait dans nos compétences de droit commun et qu'il n'était pas besoin de nous subventionner à ce titre. Désormais, les départements ne financent plus que 400 équivalents temps plein à Pôle emploi et ils ne sont plus qu'une quarantaine à faire appel à nous. Je n'y verrais aucun inconvénient, s'ils faisaient appel à quelqu'un d'autre... Je crains que les moyens affectés à cette politique ne soient pas à la hauteur des besoins ; or l'encouragement au retour à l'emploi était l'un des objectifs essentiels de la création du RSA... » .
Ce relatif désengagement peut effectivement s'expliquer, dans bien des cas, par les contraintes financières qui pèsent sur les départements. Beaucoup d'entre eux n'ont pas trouvé d'autre issue que de réduire leur effort en faveur de l'insertion, alors qu'ils auraient au contraire souhaité en faire une priorité. D'autres conseils généraux ont mis en avant des considérations plus politiques : Pôle emploi devant assurer un accompagnement de qualité à tous les demandeurs d'emploi, il n'y a pas de raison que les départements soient mis à contribution pour que ce service de qualité soit offert.
A l'occasion de son déplacement à Tarbes, la délégation de la mission a constaté que des départements voisins ont parfois fait des choix opposés. Dans les Hautes-Pyrénées, le conseil général finance quatre postes de conseillers à Pôle emploi ; ces conseillers travaillent dans les locaux du conseil général 71 ( * ) , ce qui leur permet de coopérer plus étroitement avec les travailleurs sociaux du département, et suivent un portefeuille restreint de cinquante à soixante-dix demandeurs d'emploi titulaires du RSA. Dans le département du Gers, au contraire, le conseil général estime que l'offre de services de droit commun de Pôle emploi suffit. Pôle emploi participe seulement à la commission d'orientation qui décide si le titulaire du RSA relève d'un suivi social ou professionnel.
François Bonneau, vice-président du conseil général de l'Essonne, auditionné en tant que représentant de l'Assemblée des départements de France (ADF), a précisé que, dans les départements qui n'ont pas passé de convention avec Pôle emploi, les titulaires du RSA ne sont pas identifiés en tant que tel dans le système d'information de l'institution, de sorte que les départements ne sont pas informés de leur devenir et en particulier de leur taux de retour à l'emploi .
La mission comprend les motivations des départements qui sont réticents à contribuer au financement de Pôle emploi et n'ignorent pas la situation financière tendue de beaucoup d'entre eux. Elle considère cependant que le dossier du suivi des titulaires du RSA par Pôle emploi mérite d'être rouvert. Les départements ont un intérêt évident à ce que les titulaires du RSA retrouvent un emploi, en raison des effets positifs du retour à l'emploi sur le plan social mais aussi budgétaire. Un titulaire du RSA qui retrouve du travail fait faire une économie directe au conseil général sur le montant de son allocation. En outre, Pôle emploi n'a guère les moyens, aujourd'hui, d'apporter un accompagnement renforcé à tous les titulaires du RSA qui en auraient besoin.
La mission propose que l'Assemblée des départements de France (ADF) et Pôle emploi réexaminent les conditions du partenariat entre Pôle emploi et les conseils généraux et encouragent les bonnes pratiques. Il serait utile que Pôle emploi fasse valoir les résultats positifs d'un accompagnement renforcé afin que la discussion avec les départements s'engage sur la base d'un calcul coût-efficacité qui montre l'impact financier positif de l'investissement consenti.
La mission rappelle toutefois que les départements peuvent faire appel à d'autres opérateurs que Pôle emploi. Selon l'enquête citée par le rapport intermédiaire pour 2010 du comité national d'évaluation du RSA, les conseils généraux chargent presque systématiquement Pôle emploi de l'accompagnement vers l'emploi des bénéficiaires du RSA et pour un quart des départements, c'est même l'unique opérateur de ce type d'accompagnement. Toutefois, les conseils généraux font également appel à d'autres organismes : un quart sollicitent leurs propres services et plus fréquemment les plans locaux pour l'insertion et l'emploi (Plie) ainsi que les réseaux d'appui à la création d'entreprise.
c) La coordination avec les conseils régionaux dans le domaine de la formation
A l'heure actuelle, entre 80 % et 85 % de la formation des demandeurs d'emploi est financée par les régions et 15 % par Pôle emploi. Une complémentarité de leurs politiques de formation est donc indispensable.
Cette complémentarité existe déjà pour partie. D'abord, il convient de rappeler que les achats de formation sont effectués par les directions régionales de Pôle emploi et non au niveau national. Ensuite, Pôle emploi est plutôt spécialisé dans les formations d'adaptation au poste de travail, tandis que les conseils régionaux axent leurs achats davantage sur les formations qualifiantes. Dans certains territoires existent par ailleurs des plateformes partenariales sur la formation, qui permettent une coordination étroite, au quotidien, entre les services de Pôle emploi et ceux du conseil régional. Le président de la mission a visité une plateforme de ce type lors de son déplacement à Dunkerque.
Marc Picquette, directeur de l'orientation et de la formation à Pôle emploi, a également indiqué à la mission que dans deux régions, Bourgogne et Rhône-Alpes, les directions régionales de Pôle emploi ont constitué un groupement d'achats avec le conseil régional, qui devient alors l'unique acheteur de formations. Il a précisé qu'il serait possible d'en mesurer les effets à l'occasion du futur marché d'achat de formations par Pôle emploi.
Ces initiatives locales méritent maintenant d'être évaluées et, le cas échéant, généralisées afin que la coordination nécessaire des conseils régionaux et de Pôle emploi soit systématisée. Les auditions auxquelles la mission a procédé ont en effet montré que des redondances étaient encore observées. Gérard Navarro, vice-président du syndicat national des organismes de formation de l'économie sociale (Synofdes), a par exemple indiqué que le conseil régional et Pôle emploi ont ouvert chacun, en Ile-de-France, en mai 2011, un CAP petite enfance, ce qui n'était pas nécessaire au regard des besoins.
Pour renforcer encore cet impératif de coordination, la mission propose que Pôle emploi devienne signataire des contrats de plan régionaux de développement de la formation professionnelle (CPRDFP), institués par la loi du 24 novembre 2009 et dont les premiers ont été signées au plus tard le 1 er juin 2011. Ces contrats sont signés par le conseil régional, le préfet de région et le rectorat, Pôle emploi étant seulement associé à leur élaboration.
Par ailleurs, la mission souligne à nouveau l'intérêt d'élaborer un outil commun de consultation de l'offre de formation. Un outil de ce type a été conçu à Dunkerque. Le rapport Van Lerberghe indique qu'en Auvergne un outil unique mis au point par le Centre d'animation de ressources et d'information sur la formation -Observatoire régional de l'emploi et de la formation (Carif-Oref) 72 ( * ) , utilisé notamment par les conseillers de Pôle emploi, permet d'avoir une visibilité sur les formations disponibles, quasiment en temps réel (mise à jour à J+1).
La formation doit être organisée près du terrain. Marie-Laure Meyer, qui a représenté l'ARF au conseil d'administration de Pôle emploi pendant deux ans, a indiqué que 80 % des mobilités professionnelles interviennent à l'intérieur d'une région et que 80 % des formations suivies en-dessous du niveau IV 73 ( * ) le sont près du domicile. La mission rappelle toutefois que certaines formations pointues ne sont dispensées qu'en quelques points du territoire national. La régionalisation ne doit pas empêcher les demandeurs d'emploi d'y avoir accès, même s'ils résident dans une autre région. Or les témoignages que la mission a recueillis semblent indiquer que le passage d'une région à une autre n'est pas toujours aisé.
* 70 Cf. le rapport précité de Jean Marimbert, p. 144.
* 71 Dans d'autres départements, les conseillers financés par le conseil général travaillent dans les locaux de Pôle emploi.
* 72 Les Carif recueillent et mettent à disposition l'information sur l'offre de formation en région et animent les réseaux professionnels dans le champ de la formation professionnelle. Les Oref sont des outils d'analyse et d'étude sur la relation emploi-formation et les besoins de qualification dans les régions. Ces structures sont cofinancées par l'Etat et la région.
* 73 Soit le baccalauréat général, technologique et professionnel.