3. La relation avec les opérateurs de formation
Lors de la table ronde qu'elle a organisée avec des représentants des opérateurs de formation, la mission a constaté que ces opérateurs, qui répondent eux aussi à des appels d'offres passés par Pôle emploi, formulent des critiques très voisines de celles des opérateurs privés de placement.
Les organismes de formation ont signalé tout d'abord que la montée en puissance du dispositif d'achat de formations avait été assez lente. Quasiment un semestre a séparé la conclusion de l'accord cadre de juillet 2009 et la réception par les opérateurs de formation des premiers bons de commande. Le dispositif n'était donc pas opérationnel au moment où il était sans doute le plus utile qu'il le soit, c'est-à-dire au pire de la crise de l'emploi de 2009. Ceci étant, le mécanisme est désormais en place et fonctionne.
Les opérateurs de formation de Pôle emploi ont par ailleurs exprimé devant la mission deux sujets de doléances plus actuels, tout à fait comparables à ceux exprimés par les OPP.
Le premier tient au fait que Pôle emploi, de leur point de vue, met en oeuvre les règles de la commande publique de manière excessivement formaliste. Comme l'a souligné Laurent Boulanger, président de la commission sociale de la Fédération de la formation professionnelle (FFP), « les cahiers des charges sont exagérément centrés sur les moyens et les procédures. Ils laissent peu de place à la différenciation, à la singularité et à la plus-value des offres des différents prestataires. Nous devons décrire nos locaux par le menu, les fiches CV de nos formateurs sont entièrement modélisées et la prestation attendue est définie au quart d'heure près » . Par ailleurs, ce contrôle strict des procédures implique, comme pour les marchés conclus avec les OPP, un travail de reporting important.
Ceci étant, il faut garder à l'esprit que Pôle emploi, à travers ces marchés, délègue une mission de service public et finance son accomplissement. Il est donc tout à fait normal qu'il définisse des exigences claires et rigoureuses pour ses opérateurs de formation : il en va de la qualité et de l'efficacité du service. C'est d'ailleurs ce dont a convenu Michel Clézio, président de la Fédération nationale des unions régionales des organismes de formation : « la procédure d'achat actuelle a un caractère technocratique. Cependant, elle présente l'avantage d'empêcher des opportunistes de remporter des marchés, sur un fondement déclaratif, en étant ensuite incapables d'assurer les prestations promises. »
Il faut être conscient en outre que la pratique de la commande publique est un exercice complexe, qui bénéficie d'effets d'apprentissage importants. L'usage qu'en a fait Pôle emploi n'a donc probablement pas été très souple dans les premiers temps, mais l'opérateur public possède des marges de progrès dans la maîtrise de l'outil. Comme l'a indiqué Philippe Caïla, directeur général de l'Afpa, « les modalités d'achat des prestations de formation par voie d'appel d'offres n'ont pas encore atteint en France un degré de maturité suffisant » . Cependant, les opérateurs de formation reconnaissent eux-mêmes que les choses ne peuvent que s'améliorer, comme l'a souligné Laurent Boulanger : « Il est toujours difficile, au début, pour une institution, de se servir du code des marchés publics. On observe qu'il est souvent appliqué, dans un premier temps, de manière excessivement rigide, mais cela s'arrange généralement par la suite. Les régions appliquent ainsi le code des marchés publics avec discernement. »
La deuxième doléance porte sur le respect des flux de demandeurs d'emploi orientés vers les formations mises en place : « les prestataires dépendent des flux prescrits par Pôle emploi, or les flux minimum et maximum prévus par les contrats varient dans un écart de un à trois. Pôle emploi nous a posé de réels problèmes de flux, au mépris du contrat moral que nous avions passé avec l'institution » , a estimé Laurent Boulanger.
Il est tout à fait probable que ce type de problèmes se pose effectivement, mais là encore il faut être conscient que construire une offre de formation et l'alimenter par un flux régulier d'usagers est un problème objectivement très complexe. Pôle emploi et ses opérateurs de formation sont pris en effet entre des injonctions contraires : d'un côté, pour construire une formation de qualité, il faut planifier l'offre de formation sur un horizon de plusieurs mois ; de l'autre, dans un monde économique et un marché du travail extrêmement souple, l'offre doit être adaptée avec une grande rapidité.
Là encore, cependant, les effets d'apprentissage peuvent être importants et il ne faut pas porter de jugement définitif uniquement sur le constat des erreurs initiales. En outre, Pôle emploi a commencé seulement en 2010 à construire son offre de services d'orientation professionnelle. On peut penser que l'intégration du personnel de l'Afpa chargé de l'orientation, la mise en place de référents formation dans le réseau de Pôle emploi ou encore la montée en puissance des nouveaux dispositifs d'entrée en formation (POE, AIF) devraient contribuer à réguler les flux de placement en formation.