5. Faire émerger une culture commune à l'ensemble du personnel

Si peu de temps après la création de Pôle emploi, il n'est guère surprenant que beaucoup d'agents éprouvent encore une nostalgie pour les anciennes structures ainsi que des inquiétudes sur l'avenir. Les membres de la mission ont à plusieurs reprises entendu des salariés issus des Assedic regretter que l'indemnisation soit le « parent pauvre » de la fusion tandis que d'autres issus de l'ANPE avaient le sentiment que c'était le métier du placement qui était dévalorisé... Des actions complémentaires doivent donc être engagées pour dépasser les divisions héritées du passé.

a) Poursuivre la lutte contre les risques psychosociaux

Le personnel pourra difficilement être mobilisé sur des projets communs tant que le mal-être au travail se maintiendra à un niveau élevé. Une priorité est donc la poursuite des efforts entrepris pour lutter contre les risques psychosociaux.

Tout en restant vigilant, on doit cependant observer que le contexte dans lequel travaillent les agents de Pôle emploi tend à s'améliorer. En premier lieu, la conjoncture économique est plus favorable et, si le chômage reste encore à un niveau élevé, la tendance est orientée à la baisse depuis quelques mois. Par ailleurs, les règles de fonctionnement internes à l'institution se stabilisent après la période d'intenses bouleversements survenus en 2009 et 2010. Stabilisation progressive de l'outil informatique, stabilisation des équipes et du management, harmonisation des règles relatives à l'organisation du temps de travail après l'accord national conclu l'année dernière et décliné ensuite au niveau régional : voilà autant d'éléments qui devraient contribuer à faire émerger un sentiment d'appartenance commun.

Surtout, Pôle emploi applique, depuis la fin de l'année 2010, un plan de lutte contre les risques psychosociaux. La direction et les syndicats ont échoué à conclure un accord sur ce sujet, ce qui a amené la direction à le mettre en oeuvre unilatéralement 34 ( * ) .

Ce plan, organisé autour de dix axes de prévention , accorde une large place à la formation des managers et des membres des CHSCT, à la question de la gestion de la charge de travail, afin de mieux allouer les moyens et d'éviter les phénomènes de surcharge, à l'ergonomie des locaux et des postes de travail, à l'accompagnement des agents qui sont victimes d'agression 35 ( * ) et de violence. Un axe est consacré à la prise en compte du temps dont ont besoin les agents pour assimiler la documentation et les informations dont ils sont destinataires, ce qui répond manifestement à un besoin puisque les membres de la mission ont souvent entendu des agents de Pôle emploi se plaindre à ce sujet.

Il convient également de rappeler que, dès le lancement de la fusion, une ligne d'écoute fonctionnant 24 heures sur 24 a été mise en place ; elle reçoit environ quatre-vingts appels par mois, soit un chiffre inférieur à celui de l'année 2009.

Lors de son audition, Christian Charpy a indiqué qu'il diffuserait un nouveau questionnaire cet automne auprès du personnel pour évaluer les effets des mesures adoptées.

Si elle se félicite de cette prise de conscience, la mission d'information propose une mesure supplémentaire qui confirmerait la volonté de la direction de se saisir des risques psychosociaux et, plus généralement, des problèmes de santé et de sécurité au travail.

Il existait à l'ANPE un CHSCT national, qui a disparu avec la fusion, et qui devrait être remplacé prochainement par une commission constituée au sein du comité central d'entreprise (CCE) de Pôle emploi. Si la création de cette commission marquerait déjà un progrès par rapport à la situation actuelle, la mission recommande la création d'un véritable comité national d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CNHSCT) , qui aurait davantage de temps et de moyens pour agir qu'une simple commission au sein du CCE.

Ce CNHSCT devrait réunir des membres des CHSCT régionaux, afin de consolider les statistiques, les données et les informations recueillies dans chacune des régions et de disposer ainsi d'une vision d'ensemble, au niveau national, de la situation du personnel en matière de santé et de sécurité au travail.

b) Mobiliser le personnel autour de projets communs

Le développement d'une culture commune au personnel de Pôle emploi passe par la mise en oeuvre de projets qui rassemblent les agents du placement et de l'indemnisation autour d'actions communes.

De ce point de vue, la mission a eu le sentiment que le déploiement en cours de l'entretien d'inscription et de diagnostic (EID) favorisait les échanges entre les salariés des deux filières sur leurs pratiques professionnelles et qu'il pouvait contribuer à renforcer l'esprit d'équipe.

En outre, son déploiement sera un test important pour vérifier si l'institution a tiré profit de l'expérience difficile de la fusion pour apprendre à mettre en oeuvre un changement organisationnel inclusif et participatif. Sur ce thème, la mission d'information a effectué un déplacement en Midi-Pyrénées, région dans laquelle le déploiement de l'EID est achevé, afin d'y étudier la manière dont le changement a été piloté et la façon dont le personnel s'est approprié l'expérience.

Les membres de la mission ont pu noter un souci réel de la direction ne pas reproduire les erreurs de 2009 grâce à la mise en place d'un programme ambitieux de formation et d'accompagnement des agents . Chacun des mille conseillers de la région a ainsi reçu quatre jours de formation sur le volet de l'entretien qu'il maîtrisait a priori le moins (placement pour les ex-Assedic ou indemnisation pour les ex-ANPE), avec un complément de formation possible de deux jours. Chaque conseiller a également été suivi par un tuteur (son responsable d'équipe) pour l'accompagner pendant au minimum un mois dans la prise de ses nouvelles fonctions. Afin de faciliter les échanges et le retour sur expérience pendant la phase de mise en place de l'EID, le planning des rendez-vous, sur proposition des syndicats, a été allégé (trois entretiens par demi-journée au lieu de quatre), la plage horaire libérée étant systématiquement consacrée au débriefing. Les échanges que les membres de la mission ont eus avec le personnel, hors présence de la direction, ont confirmé que nombre de conseillers voyaient dans l'EID une véritable plus-value pour les usagers par rapport à la pratique antérieure du double entretien indemnisation-placement. De plus, tout en exigeant des conseillers un effort conséquent de mise à niveau de leurs compétences, l'EID se distingue fortement, aux yeux du personnel, du projet abandonné de métier unique et semble être bien accepté.

La mission retire de cette expérience l'impression que le dialogue social et l'accompagnement du changement peuvent permettre de mettre en place l'EID de façon satisfaisante, ce qui n'était pas garanti à l'origine. Le lancement de ce nouvel « acte métier » a en effet suscité une opposition chez plusieurs organisations syndicales et inquiété beaucoup d'agents qui redoutaient de ne pouvoir maîtriser l'ensemble des tâches qui leur seraient confiées. Le déploiement de l'EID confirme la nécessité de maintenir à un haut niveau l'effort de formation du personnel afin que tous les conseillers se sentent à l'aise avec le socle commun de compétences.

*

Pour clore ce chapitre, les membres de la mission d'information tiennent à saluer le professionnalisme et le sens du service public des salariés de Pôle emploi. Remplissant une mission difficile et indispensable, ils ont été soumis à des contraintes fortes depuis 2008. En dépit de l'explosion du chômage et de la désorganisation des services qui a parfois accompagné la fusion, leur engagement individuel a permis d'assurer la continuité du service public.

Aucune fusion ne peut être considérée comme entièrement achevée au bout de seulement deux ans et demi, ce qui explique que la mission invite aujourd'hui à la parachever. Il n'en reste pas moins que la fusion de l'ANPE et des Assedic dans une seule institution a été un progrès. Le demandeur d'emploi est désormais au coeur du dispositif et il peut trouver en un seul lieu les services complémentaires d'indemnisation et de placement dont il a besoin.

Mais, outre un changement organisationnel, la fusion devait aussi permettre un « saut qualitatif » en ce qui concerne les services rendus aux demandeurs d'emploi et aux entreprises.


* 34 Selon Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi, l'échec de la négociation s'explique par la demande des syndicats qu'il soit procédé à des embauches supplémentaires, demande qu'il n'était pas en mesure de satisfaire.

* 35 En septembre 2010, une instruction a été diffusée au sujet de la prévention et de la gestion des agressions. Toute agression physique ou verbale donne lieu à une réponse de la part de l'institution, graduée selon la gravité des faits : courrier adressé par le directeur de l'agence, convocation par le directeur, dépôt d'une main courante à la police, dépôt de plainte. Un agent agressé peut bénéficier d'un suivi psychologique assuré par un cabinet extérieur.

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