3. Rendre l'institution plus attentive aux problèmes rencontrés par les demandeurs d'emploi

Pour gagner en efficacité, Pôle emploi doit également connaître et être en situation de répondre aux problèmes concrets que rencontrent les usagers. Deux outils sont à sa disposition - le médiateur et les comités de liaison - qu'il est cependant possible de renforcer.

a) Conforter le rôle et l'indépendance du médiateur

Le médiateur a été créé par la loi n° 2008-758 du 1 er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi pour améliorer les relations entre Pôle emploi et ses usagers . Il reçoit et instruit les réclamations qui lui sont adressées dans le but de trouver et recommander une solution amiable et équitable , dans le respect des textes en vigueur. Il peut être saisi par toute personne (demandeur d'emploi, employeur ou partenaire) qui estime qu'elle n'a pas obtenu une réponse satisfaisante à la suite des démarches entreprises auprès des services de Pôle emploi. Le recours au médiateur est un droit qui ne se substitue pas aux autres voies de recours. Ses recommandations ne créent pas de précédents et n'ont pas de caractère obligatoire.

Code du travail

Article L. 5312-12-1 .- Il est créé, au sein de l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1, un médiateur national dont la mission est de recevoir et de traiter les réclamations individuelles relatives au fonctionnement de cette institution, sans préjudice des voies de recours existantes. Le médiateur national, placé auprès du directeur général, coordonne l'activité de médiateurs régionaux, placés auprès de chaque directeur régional, qui reçoivent et traitent les réclamations dans le ressort territorial de la direction régionale. Les réclamations doivent avoir été précédées de démarches auprès des services concernés.

Le médiateur national est le correspondant du Médiateur de la République.

Il remet chaque année au conseil d'administration de l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 un rapport dans lequel il formule les propositions qui lui paraissent de nature à améliorer le fonctionnement du service rendu aux usagers. Ce rapport est transmis au ministre chargé de l'emploi, au Conseil national de l'emploi mentionné à l'article L. 5112-1 et au Médiateur de la République.

Les réclamations mettant en cause une administration, une collectivité territoriale, un établissement public ou tout autre organisme investi d'une mission de service public, autre que l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1, sont transmises, en tant que de besoin, au Médiateur de la République, conformément à ses compétences définies par la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République.

La saisine du Médiateur de la République, dans son champ de compétences, met fin à la procédure de réclamation.

La montée en puissance du médiateur est indéniable . Le premier rapport d'activité du médiateur de Pôle emploi, publié le 12 mars 2010 au titre de l'année 2009, recensait 4 103 dossiers reçus entre le 1 er octobre et le 31 décembre 2009, soit une moyenne mensuelle de 1 368 dossiers. En 2010, le réseau du médiateur national et de ses correspondants régionaux a traité 15 240 réclamations , soit une moyenne mensuelle de 1 270 dossiers, qu'il convient de rapprocher des quelque six millions de dossiers traités annuellement par Pôle emploi.

Les motifs de réclamation concernent, par priorité, l'indemnisation du chômage (47 %), les aides aux demandeurs d'emploi (18 %) et les indus (12 %). Les questions relatives à la gestion de la liste des demandeurs d'emploi concernent 10 % des réclamations.

Le médiateur est également une force de proposition. Le rapport pour 2009 a ainsi émis six propositions, dont quatre relèvent de la compétence des partenaires sociaux, dans le cadre de la négociation de la convention d'assurance chômage. Les deux dernières relèvent directement de la compétence de Pôle emploi et mettent en cause, d'une part, la complexité de certains courriers aux usagers , d'autre part, les problèmes liés à la suspension des indemnités en cas de suspicion de fraude .

Le rapport pour l'année 2010 formule à son tour huit « propositions d'évolution », dont plusieurs portent sur les critères d'attribution des aides à la reprise d'emploi et une concerne le régime juridique des activités de Pôle emploi. Dans ce rapport, le médiateur relève que « des propositions formulées dans le rapport 2009 ne sont pas encore complètement traduites dans le droit et les faits », en ajoutant toutefois que « l'essentiel est qu'elles ont reçu un accueil favorable et suivi d'effets » .

Si l'utilité de la fonction de médiation est pleinement démontrée - en témoigne le nombre des saisines - les conditions effectives de son exercice peuvent certainement être améliorées et son indépendance confortée 31 ( * ) .

Le Gouvernement estime que le gage de son indépendance réside dans son positionnement comme correspondant du Médiateur de la République. En outre, le médiateur de Pôle emploi jouirait d'une indépendance complète dans le traitement des réclamations individuelles qu'il reçoit autant que dans la rédaction de son rapport.

Pourtant, à la lecture d'une instruction de la direction générale de Pôle emploi, il apparaît que « l'institution de médiation au sein de Pôle emploi est composée d' un médiateur national nommé par le directeur général de Pôle emploi et d'un réseau de médiateurs régionaux nommés par le directeur général après avis du médiateur national » 32 ( * ) . Le médiateur est un salarié de Pôle emploi placé comme les autres sous l'autorité du directeur général.

Par ailleurs, les moyens matériels comme les conditions de l'exercice de cette fonction sont dépendants de la direction générale . Actuellement, le médiateur national est entouré, au siège de Pôle emploi, par quatre responsables de la médiation et quatre assistantes. En outre, il anime et dirige un réseau de vingt-six médiateurs régionaux, chacun étant rattaché à un directeur régional.

La mission est convaincue que l'actuel médiateur de Pôle emploi, comme son prédécesseur, exercent leur mission dans un esprit de grande indépendance, comme ils l'ont affirmé lors de leur audition. L'organisation actuelle ne garantit cependant pas qu'il n'y aura jamais de difficulté et qu'un médiateur ne sera pas un jour soumis à des pressions.

Aussi la mission commune d'information propose-t-elle que le médiateur national de Pôle emploi soit nommé par le conseil d'administration , et non par le directeur général et qu'il dispose de ses moyens propres , votés par le conseil d'administration. Le médiateur national devrait, en outre, avoir autorité sur les médiateurs régionaux , qu'il pourrait nommer, éventuellement après avis de l'instance paritaire régionale.

b) Accorder une plus grande écoute aux usagers à travers les comités de liaison

Le lieu naturel de la concertation et de l'écoute des besoins des demandeurs d'emploi est le comité de liaison . Instaurée à l'origine par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 de lutte contre les exclusions, cette instance a été déclinée en multiples comités de liaison, chacun installé auprès de l'échelon local de l'ex-ANPE.

Ces comités d'usagers, dans lesquels siégeaient des demandeurs d'emploi représentant les organisations syndicales représentatives au plan national et les organisations ayant spécifiquement pour objet la défense des intérêts ou l'insertion des personnes privées d'emploi, avaient pour objet « d'améliorer l'information des demandeurs d'emploi et leur capacité à exercer leurs droits » , notamment dans le domaine des relations quotidiennes avec Pôle emploi (accueil, écoute, accès aux services et à l'information), des aides et mesures pour l'emploi, des actions locales en faveur de l'emploi et de l'accès à la formation. En revanche, il ne leur revient pas de discuter de la situation individuelle d'un demandeur d'emploi ni des questions d'ordre budgétaire et financier liées au fonctionnement de Pôle emploi.

A la création de Pôle emploi, ces comités ont été reconduits, la direction générale y voyant « une opportunité de donner une dynamique nouvelle aux comités de liaison » qu'elle considère comme étant la « voix de représentation collective susceptible de contribuer à l'amélioration du service offert aux personnes au chômage ». A cet égard, on ne peut que souscrire et encourager un tel « dispositif d'écoute active et de coconstruction de réponses adaptées aux attentes des demandeurs d'emploi » , ainsi que le précise l'instruction, du 27 janvier 2010, de mise en oeuvre des comités de liaison à Pôle emploi 33 ( * ) .

Si la remise en place des comités de liaison en janvier 2010 est saluée, dans son principe, par les représentants des associations de chômeurs et de salariés précaires, leur avis est plus partagé sur la portée réelle de leur activité. Ainsi, Marie Lacoste, secrétaire du mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) a estimé devant la mission que les conditions sont aujourd'hui réunies pour que les comités de liaison fonctionnent bien, mais « qu'il ne sert à rien de créer des comités de liaison si l'on ne prend pas en compte les demandes qui y sont présentées » . Elle a cité des exemples de mesures très concrètes qui n'ont pas eu de suites, par exemple la réouverture des toilettes fermées dans les agences après la mise en oeuvre du plan Vigipirate ou la mise à disposition de chaises pour les demandeurs d'emploi qui utilisent les bornes informatiques.

Le fonctionnement effectif des comités de liaison est un signe que la prise en considération des besoins et des suggestions formulés par les usagers s'inscrit bien dans la politique de Pôle emploi. Pour autant, pour que cet échange puisse véritablement produire des effets positifs, la mission note que la revalorisation de ces instances de dialogue devrait s'accompagner d'une plus grande liberté de prise de décision des acteurs locaux de Pôle emploi ainsi qu'une meilleure considération de l'échelon national . A cet égard, l'absence de toute mention, dans le rapport d'activité 2010 de Pôle emploi, des travaux des comités de liaison peut sembler regrettable.


* 31 Il convient de rappeler que le premier médiateur national, Benoît Genuini, nommé le 19 décembre 2008, a quitté ses fonctions en avril 2010, un mois après la remise de son rapport, en déclarant qu'il n'avait « ni les moyens ni le soutien nécessaires » pour continuer à exercer sa mission. Depuis le 1 er juillet 2010, Jean-Louis Walter lui a succédé.

* 32 Instruction DG n° 2009-170 du 12 juin 2009 (BOPE n° 2009-44).

* 33 La note de la direction générale PE-DG-2010-11 précise qu'un comité de liaison est instauré dans chaque département ainsi qu'un comité de liaison national. Ils se réunissent quatre fois par an dans les départements et deux fois par an au niveau national. Ils sont respectivement présidés par les directeurs territoriaux et le directeur général. Ils produisent un bilan annuel qui est transmis au comité de liaison national.

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