2. Renouer avec l'ambition initiale d'un pilotage par la performance

La convention tripartite signée en 2009 affichait l'ambition d'un pilotage de Pôle emploi axé sur la recherche de la performance. Une longue liste d'indicateurs devait permettre d'évaluer les résultats obtenus, un comité de suivi devait se réunir deux fois par an et un rapport annuel devait être élaboré.

a) Le manque de suivi des indicateurs de la convention tripartite

La mission constate cependant, pour le déplorer, que ces bonnes intentions n'ont guère été suivies d'effets : comme on l'a vu, le comité de suivi ne s'est pas réuni de manière régulière ; le rapport annuel n'a en outre jamais été établi ; et les représentants des partenaires sociaux au conseil d'administration se sont plaints que les chiffres relatifs au suivi des indicateurs ne leur soient pas transmis régulièrement. Ils ont également critiqué le choix des indicateurs eux-mêmes, qui concernent surtout les moyens alloués à Pôle emploi et non les résultats obtenus.

Devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE), Christian Charpy a admis ne pas être « en capacité de mesurer au national, au régional ou dans les bassins d'emploi l'efficacité de Pôle emploi » en raison d'une méconnaissance des raisons qui conduisent les demandeurs d'emploi à sortir de la liste des demandeurs 28 ( * ) .

Sans doute la direction et les autorités de tutelle de Pôle emploi ont-elles estimé, en 2009, que la priorité devait être d'abord de réussir la fusion et de gérer l'afflux des demandeurs d'emploi, ce qui a pu faire passer la question de la performance et des résultats au second plan. La mission souhaite que Pôle emploi, dans la perspective de la négociation de la prochaine convention, renoue avec son ambition initiale.

b) Des indicateurs peu renseignés en loi de finances

Comme on le sait, la loi organique sur les lois de finances (Lolf) prévoit que l'examen du budget de l'Etat obéit une logique d'évaluation de la performance. Pour chaque mission, est annexé à la loi de finances un projet annuel de performance (Pap) qui contient des objectifs et des indicateurs de performance qui doivent aider le législateur à apprécier l'efficacité de la dépense publique, afin de la réorienter le cas échéant.

Le programme n° 102 de la mission « Travail et emploi » comporte un objectif n° 2 intitulé « Améliorer l'efficacité du service rendu à l'usager par Pôle emploi ». Malheureusement, les six indicateurs qu'il rassemble ne sont pas tous renseignés, de sorte que leur utilité pour le législateur est limitée.

Si l'on examine le Pap annexé au projet de loi de finances pour 2011, on observe que trois indicateurs seulement étaient renseignés , dont deux sont relatifs à la « satisfaction » des demandeurs d'emploi et des employeurs vis-à-vis des services rendus par Pôle emploi, estimée grâce à un sondage effectué par téléphone. Si le recours au sondage ne doit pas être écarté, les indicateurs qui sont proposés paraissent un peu trop vagues pour constituer de réels outils de pilotage. Comment en effet cerner les problèmes à l'origine de l'insatisfaction des usagers si l'on dispose d'un seul chiffre synthétique ?

Des progrès sont cependant observables dans le rapport annuel de performance (Rap) annexé au projet de loi de règlement pour 2010. Dans ce document, un septième indicateur a été ajouté et cinq indicateurs sur sept sont désormais renseignés.

On devine cependant que l'un des indicateurs pourtant les plus intéressants dans la perspective d'un pilotage budgétaire centré sur la performance ne va pas être disponible de sitôt : l'indicateur 2.3, relatif au coût de la mise en relation positive 29 ( * ) , ne peut en effet être renseigné en raison des insuffisances des outils de comptabilité analytique existants. Le Rap indique, dans un élégant jargon technocratique, qu' « un outil de comptabilité analytique est en cours d'expérimentation dans certaines régions. Le processus est très progressif, dans la perspective d'un déploiement et d'une généralisation à terme, sur la base des premiers retours d'expérience et d'une fiabilisation empirique des process » . Les premières données devraient être disponibles au moment de la publication du Rap annexé au projet de loi de règlement pour 2012, soit au premier semestre de 2013.

c) Les pistes à envisager

La liste des indicateurs de performance figurant en annexe de la convention tripartite mériterait d'abord d'être revue afin que ces indicateurs soient moins nombreux, donc plus faciles à suivre, et axés sur les résultats davantage que sur les moyens. Le taux de retour à l'emploi, en privilégiant le retour à l'emploi durable, le taux d'entrée en formation, la durée moyenne de chômage, le nombre et le coût des mises en relation réussie entre une offre et une demande d'emploi, sont des exemples d'indicateurs qui paraissent pertinents.

La mission ne sous-estime pas les difficultés méthodologiques auxquelles se heurte l'évaluation de l'efficacité d'un opérateur comme Pôle emploi. Le taux de retour à l'emploi est influencé par des facteurs sur lesquels Pôle emploi n'a pas de prise, tels que l'évolution de la conjoncture économique ou le niveau d'indemnisation du chômage. Il faut tenir compte aussi des « effets de sélection » : une agence qui accueille, par exemple, une proportion supérieure à la moyenne de demandeurs d'emploi dépourvus de toute qualification, en raison des caractéristiques du bassin d'emploi dans lequel elle est implantée, obtiendra certainement de moins bons résultats qu'une autre.

L'évaluation doit également cibler les catégories de demandeurs d'emploi les plus éloignées de l'emploi, sans quoi il existerait un risque que Pôle emploi concentre ses efforts sur ceux qui sont les plus proches de l'emploi afin d'améliorer plus facilement ses résultats.

Il n'en reste pas moins que des progrès sont possibles en matière d'évaluation, comme le montre la comparaison avec les pratiques en vigueur en Allemagne ou au Royaume-Uni, où l'évaluation des résultats du SPE est nettement plus développée. L'inspection générale des finances (IGF) l'a confirmé dans un récent rapport 30 ( * ) . En Allemagne, la performance des agences est ainsi évaluée en comparant les résultats obtenus par des agences situées dans des territoires comparables par leur taux de chômage et leur dynamisme économique. La rémunération des directeurs d'agence comprend une part variable attribuée en fonction des résultats obtenus. Leur avancement peut également être accéléré sur cette base.

La mission juge souhaitable d'adopter en France un système de prime de résultats qui récompenserait les managers les plus performants et motiverait les équipes. La convention collective de Pôle emploi avait prévu qu'une négociation s'engage sur le sujet des primes individuelles et collectives, mais aucun accord n'a été conclu à ce jour. Des négociations ont cependant débuté voici quelques mois.

La mission souhaite enfin que le pilotage par la performance soit le principe qui guide les discussions relatives au budget de Pôle emploi. Les moyens alloués à tel ou tel dispositif mis en oeuvre par Pôle emploi devraient varier en fonction de l'évaluation des résultats obtenus.

On pourrait envisager de distinguer, au sein du budget de Pôle emploi, un « socle », qui correspondrait à ses activités de base, et des budgets complémentaires, permettant de financer des dispositifs expérimentaux d'accompagnement renforcé des demandeurs d'emploi, soumis à une évaluation rigoureuse de leur performance, dont dépendraient la poursuite et l'évolution de leur financement. Les faiblesses de l'évaluation ne permettent pas aujourd'hui de calculer, de manière fiable, un « retour sur investissement » des sommes consacrées à Pôle emploi, ce qui induit une certaine « frilosité » du ministère des finances et de l'Unedic quand la question des moyens de l'opérateur est abordée.


* 28 Cf. l'avis précité du CESE, p. 40.

* 29 Par mise en relation positive, il faut entendre une mise en relation entre un demandeur d'emploi et un employeur ayant abouti à un recrutement.

* 30 Cf. le rapport intitulé « Etude comparative des effectifs des services publics de l'emploi en France, en Allemagne et au Royaume-Uni », établi par Véronique Hespel, Pierre-Emmanuel Lecerf et Emmanuel Monnet, janvier 2011. Les auteurs de ce rapport ont été auditionnés par la mission le 31 mai 2011.

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