MERCREDI 9 FÉVRIER 2011
Présidence de M. François Pillet,
coprésident pour le Sénat, et de
M. Serge Blisko,
coprésident pour l'Assemblée nationale
Audition de M. Henri Bergeron, chercheur, auteur de « Sociologie de la drogue »
M. François Pillet, coprésident pour le Sénat . - Je vous prie d'excuser l'absence du coprésident pour l'Assemblée nationale, Serge Blisko, obligé de participer à un autre débat sur la bioéthique.
Nous accueillons aujourd'hui M. Henri Bergeron, chercheur sur les politiques de santé et la rationalisation des pratiques médicales au Centre de sociologie des organisations, auteur d'un ouvrage intitulé « Sociologie de la drogue ».
L'audition de l'INSERM, le 12 janvier dernier, nous a permis de disposer d'une approche statistique sur la situation et les tendances de la consommation de drogues, les dispositifs de soins, la réduction des risques liés à l'usage des drogues illicites.
Nous souhaitons désormais nourrir notre réflexion avec une approche sociologique.
Je vous propose donc, Monsieur Bergeron, dans une intervention liminaire, d'exposer votre réflexion sur les toxicomanies, et de nous livrer votre opinion sur les dispositifs de prévention, de réduction des risques, de traitements des usagers de drogues.
M. Henri Bergeron . - Je suis chercheur au CNRS, sociologue ; j'occupe également des fonctions de coordination scientifique à Sciences-Po. Mes recherches portent non pas tant sur les déterminants sociologiques, économiques et culturels des usages à proprement parler mais sur la façon dont se forment les politiques, sur les liens entre science et politique, sur les politiques européennes.
J'ai été directeur scientifique adjoint de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) durant quatre ans et demi, ce qui m'a permis, étant chargé des relations avec le Parlement européen, la Commission et le Conseil, d'avoir une vision des politiques européennes, répressives et sanitaires.
Je travaille surtout sur la formation des politiques et beaucoup moins sur les déterminants des usages de drogues.
Je suis ouvert à toutes les questions et demandes d'approfondissement dans ces domaines.
M. François Pillet, coprésident pour le Sénat . - La parole est aux rapporteurs.
Mme Françoise Branget, corapporteure pour l'Assemblée nationale . - Vous étudiez la façon dont se forment les politiques : avez-vous déjà établi des comparaisons entre les pays confrontés aux usages de produits toxiques ? Les politiques développées sont-elles en rapport avec le nombre d'usagers et le développement de la consommation des stupéfiants ?
Selon vous, quels sont les moyens d'accompagner ceux qui sont déjà dans l'addiction ?
En France, la politique publique est surtout axée sur la réduction des risques. Existe-t-il d'autres formules, dans d'autres pays, de prise en charge des usagers de produits stupéfiants ?
M. Henri Bergeron . - Ma première réflexion portera sur les politiques européennes, leurs points de convergence et leurs points de divergence.
Il faut distinguer, d'une part, les politiques de répression des trafics et de l'usage et, d'autre part, les politiques sanitaires et préventives. Jusqu'à la manifestation du SIDA, au milieu des années 1980 pour les plus rapides des pays européens et un peu plus tard, à la fin des années 1990, pour les autres, les politiques étaient extrêmement contrastées.
Tous les pays avaient signé les conventions internationales, souscrivaient au principe de prohibition de l'usage et menaient des politiques relativement agressives à l'égard des trafiquants, mais les législations n'étaient pas harmonisées.
L'infraction d'usage simple recevait ainsi un traitement juridique et policier extrêmement différent dans les pays européens. D'un point de vue sanitaire, le même type de contraste existait, les politiques étant généralement curatives, faute de politique de réduction des risques. C'était encore l'époque où l'on croyait que la montée de la consommation de substances psychoactives illicites était une poussée de fièvre qu'une politique active pouvait étouffer.
Les politiques curatives étaient très différentes selon les pays. En France, on s'est beaucoup attaché à développer des traitements inspirés par la psychanalyse.
Souvenez-vous : les années 1970 vivent sous la figure tutélaire de Jacques Lacan, la psychiatrie est révolutionnée par les idées psychanalytiques.
D'autres pays, comme l'Italie, avaient choisi des modèles plus comportementalistes -les grandes communautés thérapeutiques ; l'Angleterre avait une tradition de prescription contrôlée d'héroïne. Quelques médecins s'étaient vu octroyer le droit de prescrire ce produit ainsi que d'autres produits de substitution. Toutes ces politiques étaient donc extrêmement contrastées et finalement assez faiblement indexées sur la réalité épidémiologique du problème de la drogue.
Dans notre pays, la loi de 1970 a créé une procédure réglementaire d'interdiction de l'usage privé assez exceptionnelle dans le droit français, alors que les drogués se comptent -aux dires de Claude Olievenstein et de Claude Orsel, les deux spécialistes de l'époque- sur les doigts de la main dans le quartier latin !
Le sujet des drogues, comme les questions d'homosexualité ou d'euthanasie, a pendant longtemps renvoyé les États à leurs traditions nationales ; il n'y a guère eu d'interférences européennes.
La donne a changé avec le Traité de Maastricht ainsi que l'entrée en jeu des considérations de santé publique du fait de l'épidémie de Sida, lorsqu'on a découvert que les usagers de drogues par voie intraveineuse étaient des vecteurs de diffusion des virus du Sida et de l'hépatique C. Dès lors, est apparu un mouvement relativement spontané émanant des pays, l'action de l'Union européenne devant respecter le principe de subsidiarité. Les modèles se sont transformés pour se rapprocher.
Deux sujets font historiquement polémique. Le premier est celui de l'attitude à adopter à l'égard de l'usager simple. Il a opposé, à l'époque, les pays de manière extrêmement conflictuelle. Il suffit pour s'en convaincre de considérer la position de la Hollande par rapport à celle de la France ou de l'Allemagne.
Le second sujet est celui de l'introduction de la politique de réduction des risques, qui suscite des conflits extrêmement forts. Jacques Chirac déclarait en 1992 au Nouvel Observateur que l'introduction d'une politique de réduction des risques en France signerait le début de la libéralisation pure et simple des drogues ! Cette association s'inscrit, dans notre pays, dans une tradition de méfiance à l'égard de l'utilisation des produits opiacés.
Le même regard se retrouve dans le traitement de la douleur à l'hôpital. Toute une série de facteurs culturels liés à la profession médicale et à son organisation permettent d'expliquer pourquoi cette politique de réduction des risques n'a pas pénétré chez nous aussi rapidement que dans d'autres pays.
On remarque aujourd'hui une certaine forme de convergence sur ces deux sujets, surtout chez les quinze membres de l'Union européenne les plus anciens.
Il existe, dans la plupart des pays européens, une forte tendance à considérer que l'infraction d'usage ne doit plus recevoir la peine la plus sévère : l'incarcération. Les solutions juridiques retenues, très différentes suivant les pays, favorisent un traitement plutôt médicalisé des usagers, pour peu qu'il n'existe pas de délit associé ou de récidive.
L'utilité de la politique de réduction des risques est désormais reconnue un peu partout en Europe. Elle a été traduite dans beaucoup de textes juridiques nationaux, comme en France la loi de santé publique du 9 août 2004, mais également dans une recommandation du Conseil de l'Union européenne visant à la reconnaître comme un pilier de la politique de traitement des usagers.
Un modèle européen de régulation des problèmes de drogue émerge donc, même s'il subsiste d'importantes différences. Ce modèle se distingue très nettement de celui qui peut être mis en oeuvre aux États-Unis, où la réduction des risques, dans beaucoup de ses principes, n'est pas acceptée. En ce qui concerne l'incarcération des usagers, un chercheur estime que le quadruplement de la population carcérale entre 1975 et 1995 aux États-Unis s'explique par l'incarcération d'usagers simples qui, jusque là, n'étaient pas emprisonnés.
Je ne partage pas votre diagnostic qui consiste à dire que la politique française en matière de toxicomanie est essentiellement une politique de réduction des risques ; il existe aussi, de mon point de vue, un dispositif curatif. Un certain nombre de structures continuent de proposer des cures d'abstinence et fournissent une voie de sortie légitime pour un certain nombre de toxicomanes qui en font la demande. Ce dispositif historique n'a pas disparu avec le lancement de la campagne de réduction des risques en France, que l'on peut dater d'une circulaire du ministère de la santé de 1995 et du premier programme lancé par Simone Veil. Il a cependant toujours été relativement faible. Jusqu'à qu'il soit récupéré par la Sécurité sociale, il était financé sur le budget de l'État ; les financements arrivaient en cours d'année et les associations ne savaient jamais de combien elles allaient disposer. La loi de santé publique de 2004 a quelque peu stabilisé la situation. Les chiffres épidémiologiques d'évolution des consommations de drogues en France laissent penser que ce dispositif pourrait connaître des développements supplémentaires.
M. Gilbert Barbier, corapporteur pour le Sénat . - Selon vous, une politique contraventionnelle serait-elle susceptible de faire régresser l'usage de drogues ?
Pensez-vous que le dessein de transgresser la loi est un motif de consommation pour un certain nombre de jeunes ?
Il semble que, dans notre pays, la politique de prévention et d'éducation des jeunes, avec l'intervention de policiers ou de gendarmes dans les établissements scolaires, ne fournissent pas de résultats extraordinaires. Que pourrions-nous proposer d'autre ?
M. Henri Bergeron . - Pendant longtemps, on a considéré que le fait de sortir l'infraction d'usage simple du droit pénal et la décriminaliser, comme a pu le faire le Portugal en 2001, traduisait une politique laxiste. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas. Nicolas Sarkozy, lorsqu'il était ministre de l'intérieur, avait demandé à l'Observatoire, au moment où j'y étais en poste, qu'on lui dresse un tableau raisonné des différentes législations. Il ne s'agissait pas à ses yeux de laisser la jeunesse croire que la consommation allait être enfin permise mais au contraire de tenter de remédier au fait qu'à la fin des années 1990, 15 % seulement de l'ensemble des interpellations recevaient une sanction pénale -sans même parler de celles qui ne faisaient pas l'objet de procès-verbal. En outre, la loi était appliquée de manière très contrastée suivant les régions.
L'idée d'instituer des contraventions consistait à réaffirmer la force de l'interdit et à donner les moyens de mettre la loi en oeuvre de manière plus systématique.
La question que vous posez est complexe ; elle a aussi des conséquences éthiques relativement importantes dans la mesure où les études montrent que les populations contrôlées par exemple pour la consommation de cannabis sont situées dans des zones géographiques défavorisées, alors que les études de l'OFDT, sur Paris, prouvent que les quartiers riches consomment plus de cannabis que les quartiers pauvres ! On risque donc d'avoir un système qui sanctionne une origine sociale plutôt qu'un usage.
Quand on considère les chiffres de prévalence de l'usage de drogues illicites en France, en Europe, en Australie, au Canada ou aux États-Unis, quand on étudie la progression des consommations, il est vrai qu'on a du mal a établir un lien de causalité fort entre la sévérité des lois et la réalité des prévalences. Cela souligne le fait que les déterminants de l'usage de drogues sont beaucoup plus complexes et dépassent les seuls aspects répressifs.
Certes, face à l'importance de la consommation de produits psychoactifs, éviter l'emprisonnement peut paraître plus adapté à un phénomène qui participe de la tendance générale à la consommation accrue d'artifices : alcool, médicaments psychotropes, chirurgie esthétique... L'ensemble de ces pratiques qui consistent à s'équiper d'artifices pour répondre à des exigences de performance, festives, de relaxation et de réussite renvoie à des transformations anthropologiques et culturelles d'une ampleur si vaste que l'on ne peut croire qu'une loi suffise à résoudre l'ensemble du problème.
Il est important de considérer ces phénomènes en fonction d'un ensemble de consommations qui, à mon sens et selon tous les sociologues qui ont travaillé sur ce sujet, répondent à des transformations qui sont celles d'une société de plus en plus individualiste, faisant peser sur les individus des exigences de réussite sociale, familiale, parentale. Les individus recourent à toutes sortes d'artifices pour se relaxer, affronter un examen, tenir face au stress professionnel. Finalement, la frontière entre drogues licites et illicites a tendance à se brouiller.
La transgression de la loi est toujours un sujet complexe. Les chiffres de la consommation d'alcool chez les jeunes prouvent que le caractère transgressif n'explique pas tout, même si l'on sait que la jeunesse aime ferrailler avec les interdits de toutes sortes.
Pour ce qui est de la prévention, il existe à l'OEDT un ensemble de méta-analyses, comme en médecine, même si elles sont moins solides d'un point de vue statistique. Elles permettent d'obtenir un éventail raisonné et hiérarchisé de l'efficacité de ces différentes mesures, les interventions de policiers à l'école étant considérées comme parmi les moins efficaces, pour utiliser un euphémisme.
M. Samia Ghali, sénatrice . - Je suis pour ma part convaincue que ce n'est pas aux policiers d'intervenir dans les écoles pour évoquer les problèmes de drogues mais plutôt à des spécialistes capables d'expliquer les conséquences de l'utilisation de celles-ci, même s'il s'agit du haschich, par lequel les 13-14 ans commencent souvent avant d'aller plus loin.
Mon fils, la semaine dernière, était invité à un anniversaire ; il est resté à côté de son camarade pour éviter que celui-ci ne se laisse convaincre de fumer des substances illicites. On est là dans un phénomène de mode : comment faire pour l'arrêter et éviter, lors d'une banale soirée, de plonger dans les médicaments, l'alcool ou la drogue ?
Peut-on expliquer aux jeunes que l'on peut fort bien s'amuser sans utiliser des drogues, licites ou illicites, dont l'alcool ?
Mme Catherine Lemorton, députée . - Que pensez-vous des campagnes de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), menées depuis quelques années contre la consommation de substances licites ou illicites dans le cadre festif ?
M. Henri Bergeron . - Je ne suis pas spécialiste de l'évaluation des campagnes de prévention mais je sais néanmoins, pour m'être plongé dans cette littérature en tant que coordonnateur scientifique de l'OEDT, que les programmes d'intervention qui, à l'école, mettent en avant les forces de l'ordre ne sont pas des plus efficaces. Les policiers ne sont pas considérés comme des individus crédibles. Or, on sait que, dans les campagnes de prévention, la qualité de la source et sa crédibilité sont au moins aussi importantes que l'information transmise. Je vous rejoins donc dans ce que vous dites mais je vous renvoie à la consultation des rapports et des études qui établissent cette conclusion de manière documentée.
Il en va de même pour les campagnes de l'INPES, qui a néanmoins énormément modernisé ses messages, sur l'obésité par exemple, en s'appuyant de plus en plus sur les derniers savoirs en psychologie, en socio-psychologie et en neurobiologie. On puise également beaucoup dans les ressources du marketing, qui sait comment modifier les comportements et provoquer des réflexes d'achat. Pourquoi ne pas s'en servir pour faire ce que l'on appelle du « marketing social » ?
De ce point de vue, l'idée n'est plus de transmettre des informations sur les risques négatifs, sanitaires, économiques ou sociaux car la simple transmission de l'information ne suffit pas : les individus ne sont pas des acteurs rationnels qui, sur la base d'une information de qualité, prendraient la bonne décision pour leur santé. Il faut au contraire agir sur des univers symboliques et c'est ce qu'a commencé à faire l'INPES. Le comité français d'éducation pour la santé (CFES) l'a fait bien avant avec les premières campagnes de Simone Veil à partir de 1977. C'est elle qui a modernisé ce type de campagne et de communication. L'idée n'était plus de dire que le tabac était nocif pour la santé mais de montrer que l'on pouvait ne pas consommer sans être pour autant considéré comme quelqu'un d'antipathique lors d'une soirée. Contre le cow-boy de Marlboro, capable de traverser toutes les épreuves, on pouvait présenter un individu refusant une cigarette !
L'INPES a beaucoup travaillé dans cette direction. En matière de tabagisme, on se rend compte que les images de poumons ou de gorges dans des états catastrophiques sont moins efficaces que des images de dents extrêmement jaunies. On joue donc ici -même si on peut le regretter- sur les notions de paraître et de présentation....
Ce ne doit toutefois pas être le seul type de campagne. Une politique de prévention qui se limite aux quelques actions de l'INPES est très modeste dans ses ambitions.
M. Patrice Calméjane, député . - Il faut rappeler que le cow-boy de Marlboro est mort d'un cancer des poumons ! Vendre un produit, c'est bien mais il faut en assumer les conséquences !
Il est vrai que les législations sont très différentes d'un pays à l'autre mais certaines fédérations sportives ont adopté des règlementations transfrontalières qui fonctionnent. Ne pourrait-on s'en inspirer pour expliquer aux jeunes que la consommation de produits illicites est un mode d'exclusion, un certain nombre d'emplois de la fonction publique, par exemple, étant interdits en cas de condamnation ?
Mme Marie-Thérèse Hermange, sénatrice . - Dans quel type de structure existante feriez-vous suivre votre enfant s'il se droguait ? Quelle politique faut-il développer concrètement en matière de structures ou d'aide ?
M. Henri Bergeron . - Je n'ai pas travaillé sur les questions liées aux fédérations sportives. Une remarque toutefois : le dopage sportif constitue selon moi un cas limite de cette tendance massive pointée pour un certain nombre de sociologues à utiliser de plus en plus d'artifices pour s'équiper et résister à la pression qui pèse sur les individus ! Ceci se retrouve dans tous les pays occidentaux. La frontière entre le naturel et l'artificiel est en train de se brouiller. Certains sports ont peut-être réussi à discipliner la totalité ou une grande partie de ceux qui les pratiquent, mais je suis assez pessimiste sur les suites de cette évolution, face à la tendance qui existe à accepter de plus en plus l'artifice, là où il était condamné dans nos sociétés.
Il n'est qu'à considérer la prévalence montante des pratiques de transformation corporelle dans les sociétés occidentales : il y a là de quoi se poser des questions ! Prendre une drogue, c'est comme de la chirurgie esthétique : on essaie d'usiner son intérieur mental -pour reprendre une phrase d'Alain Reinberg. N'ayant cependant pas étudié le cas des fédérations sportives, je parle de manière très générale.
Pour ce qui est des stratégies préventives, il n'existe pas un forum, toutes politiques publiques confondues, qui n'affirme la nécessité de mettre en oeuvre des politiques fondées sur les preuves scientifiques. C'est une phrase que l'on retrouve partout !
Si je dis que le policier est le moins crédible parmi ceux qui peuvent intervenir à l'école pour vanter les mérites de l'abstinence, je ne dis bien évidemment pas pour autant que l'ensemble des politiques préventives est à rejeter.
En ce qui concerne mes enfants, j'attends d'un dispositif qu'il puisse ouvrir la voie à différents types de traitements. Certains héroïnomanes, soit parce qu'ils ont consommé des substances extrêmement pures lors d'un séjour en Asie, soit parce qu'ils ont une vulnérabilité neurobiologique innée ou acquise, ne se trouvent pas ou plus en situation d'atteindre l'abstinence. Si l'une de mes filles se trouvait dans cette situation, je serais ravi de pouvoir l'orienter vers un traitement de substitution !
D'autres consommateurs d'héroïne n'ont pas le même type d'histoire. Ils reçoivent plus de soutien, consomment des produits en moins grande quantité et de moins grande qualité, sur une période moins longue. Ils parviennent à arrêter d'en consommer sans recourir à des produits de substitution et se dirigent directement vers des établissements curatifs.
Il existe plusieurs types de pratiques : certains individus ont envie de s'allonger et de travailler sur la relation conflictuelle qu'ils ont nourrie avec leurs parents ; d'autres se sentent plus à l'aise dans un groupe de pairs, parmi d'autres anciens toxicomanes avec qui ils peuvent se tenir les coudes, comme dans les communautés thérapeutiques. D'autres encore préfèrent des thérapies de type familial, sentant que leur consommation est le symptôme de problèmes familiaux non résolus.
En France, jusque dans les années 1995, on a souffert d'une forme monolithique d'offre thérapeutique, essentiellement dominée par des cures qui s'inspiraient du paradigme psychanalytique. Les communaux thérapeutiques n'existaient pas en France, si ce n'est sous la forme du Patriarche, de sombre réputation et déjà dénoncé en 1984 par un rapport de l'IGAS pour ses imperfections administratives et financières -pour utiliser un autre euphémisme.
L'important est la diversité. Les phénomènes d'addiction sont extrêmement complexes. Les stratégies thérapeutiques doivent donc être variées.
M. François Pillet, coprésident pour le Sénat . - Vous nous avez fait part d'un grand nombre de réflexions fort intéressantes, en particulier en matière de prévention. Nous vous en remercions.