Audition de M. Alain Grimfeld, président du Comité consultatif national d'éthique
M. François Pillet, coprésident pour le Sénat . - Mes chers collègues, nous recevons à présent M. Alain Grimfeld, président du Comité consultatif national d'éthique, pédiatre de formation, professeur de médecine à l'université Pierre et Marie Curie et chef de service à l'hôpital Armand Trousseau à Paris.
Vous dirigez également le conseil scientifique de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et vous allez nous parler de la dimension éthique dans les politiques de lutte contre la toxicomanie.
M. Alain Grimfeld . - Merci.
J'ai pris connaissance du questionnaire que vous me proposiez. Si vous le voulez bien, je vais traiter les questions dans l'ordre avant de laisser la place aux questions.
« Quelles causes, et quels enseignements, tirez-vous de l'augmentation des addictions, sous leurs diverses formes, dans nos sociétés contemporaines ? ».
On peut dire, sans vouloir enfoncer une porte déjà largement ouverte, que la toxicomanie est l'expression d'un mal-être social qui s'accompagne d'une perte des repères individuels et collectifs et des aspirations à se promouvoir, à construire un avenir digne, dans un esprit solidaire.
Quatre grands principes éthiques dominent dans l'abord de la toxicomanie dans notre pays : respect du corps, autonomie, bienfaisance et non-malfaisance, justice.
« Au milieu des années 1990, votre comité a publié un rapport sur les toxicomanies dans lequel il rejetait aussi bien les politiques purement répressives comme celles de totale libéralisation, et préconisait « de trouver une troisième voie qui rende compatible une sécurité suffisante avec une liberté maîtrisée ». Avez-vous plus d'éléments à ce sujet ? ».
Vous faites ici allusion au rapport n° 43 publié le 23 novembre 1994. La troisième voie pourrait être celle d'une longue concertation, permettant de modifier les comportements par la prise de conscience du concept de liberté individuelle opposé à celui de liberté d'autrui ou de liberté collective, en prévention primaire, avant une quelconque sanction et en prévention secondaire, après une sanction éventuelle.
Cette démarche devrait être accomplie aussi en milieu carcéral pour les toxicomanes qui sont emprisonnés, soit consommateurs, soit distributeurs de drogues.
« L'injonction thérapeutique est l'une mesures couramment prescrites par les juges aux consommateurs faisant l'objet d'une procédure judiciaire. Jusqu'où pensez-vous qu'il soit possible de forcer un toxicomane à se soigner ? ».
On ne peut jamais forcer un toxicomane à se soigner. Je me souviens d'une consultation tenue par un ancien toxicomane séropositif, à laquelle j'ai assisté, dans une association dissoute depuis. Cette consultation commençait par -je cite : « Tu es un voleur et un menteur ; cela posé, nous allons, si tu le veux, discuter de ton avenir. N'essaye pas de me tromper » !
« Que pensez-vous des politiques de réduction des risques ? Des salles d'injection ? Plus globalement, estimez-vous dangereux socialement, ou au contraire salutaire, d'organiser et de contrôler la consommation de drogues dans ce type de cas ? ».
En ce qui concerne la politique de réduction des risques, le danger de la toxicomanie réside pour le malade dans le fait de tout faire pour satisfaire sa dépendance. Ce risque tient à la probabilité de survenue de la toxicomanie en fonction des personnes, des milieux et des pays, dans un but de recherche du bien-être mais aussi à la probabilité de survenue d'une dépendance en fonction de la tolérance individuelle et du type de substances.
Les salles d'injection peuvent permettre une meilleure technique, sans jeu de mots, mais évitent au moins partiellement la contamination par le virus du VIH ou de l'hépatite B. Elles autorisent la maîtrise de la toxicomanie par organisation ou contrôle de son développement, non par nature de toxicomanes. Le toxicomane peut donc juger plus confortable de venir dans une salle d'injection mais rien n'altérera sa liberté de penser ou de faire ce qu'il veut en tant que toxicomane, ni son autonomie.
« Le comité que vous présidez a rendu récemment un rapport sur la santé et la médecine en prison. Traitait-il du problème de la drogue chez les personnes incarcérées ? ».
On fait ici allusion à l'avis n° 94, publié au début des années 2000, qui évaluait à près de 35 % le nombre de personnes emprisonnées addicts, tous produits confondus, à seulement 6 % celles « suivies » pour drogues illicites et à 6 % celles atteintes d'alcoolisme.
On voit apparaître parmi les drogues celles qui sont illicites, depuis le cannabis jusqu'à l'héroïne, en passant par le crack, la cocaïne, etc. Les drogues licites existent cependant aussi. Certains disent que si l'on avait connu le tabac dans les années 2010 ou 2011, il aurait peut-être été soumis aux mêmes restrictions que les drogues illicites, comme le cannabis. En ce qui concerne l'alcool, il est clair qu'il s'agit d'une drogue licite !
Le problème majeur, en prison, est la mainmise des gangs. Après la sortie, les toxicomanes vont devoir, à l'extérieur, servir ces gangs. Il s'agit donc d'une organisation maffieuse.
« A la fin des années quatre-vingt, le Comité consultatif national d'éthique a publié un avis sur les enjeux du dépistage de la toxicomanie en entreprise. Quel est désormais le cadre juridique en la matière ? Quels problèmes éventuels pose son application ? ».
Le Comité national a récemment été saisi par la MILDT pour réévaluer la validité, la pertinence et l'acceptation éthique du dépistage des toxicomanies à l'intérieur des entreprises. Une différence est immédiatement introduite entre usage de drogues et toxicomanie.
Pourquoi le dépistage ? On fait référence aux avis n° 15 et 80 sur le rôle du médecin du travail. Il a été fait référence à l'avis n° 15, y compris dans les textes législatifs, au plan national et européen et dans les rapports européens.
Cet avis a été publié le 1er octobre 1989. Au plan juridique, il s'agit d'un dépistage décidé par le médecin du travail dans l'intérêt de la personne, sous le strict sceau du secret médical. On ne peut y déroger. Un signalement est fait à l'employeur uniquement dans des cas concernant l'aptitude. Les postes à risques constituent un cas particulier. Ils permettent un dépistage consenti par contrat, inscrit dans le règlement intérieur et accepté dès l'embauche par la personne qui va occuper un poste ayant trait à la sûreté de l'entreprise et à la sécurité de ses collègues.
C'est une situation à mon sens dichotomique : à quoi sert-il de préconiser un dépistage individuel dans l'intérêt de la personne, avec absolue nécessité de suivi et de soins ? A quoi dépister pour dépister peut-il servir ? On dépiste une addiction pour aider une personne, avec tout ce que cela suppose de complexité. Où est alors le médecin du travail ? Quelles sont ses possibilités dans ce cadre ?
Il peut s'agir également d'un dépistage collectif systématique périodique et/ou inopiné, comme le pratiquent certaines compagnies d'aviation, dans l'intérêt général. Dans une centrale nucléaire, on voit assez mal des personnels toxicomanes, avec des troubles du comportement, chargés de la sûreté de l'établissement. Or, on sait très bien que, paradoxalement, certains ont besoin de tabac, d'alcool, de drogues pour assumer leurs responsabilités !
Que faire pour assurer la sécurité des personnes dans le milieu du travail ? Un responsable de la santé publique peut souhaiter un dépistage systématique collectif périodique -avec tout ce que cela suppose- ou inopiné, comme pour les commandants de bord. Ce dépistage pourrait être inopiné dans une centrale nucléaire ou n'importe quel établissement de ce type.
Dans ce cas, on entre dans un plan de prévention, comme autrefois en Union soviétique ou aujourd'hui en Russie. Certains s'emparent de ces exemples pour affirmer que ces plans de prévention au nom de l'intérêt collectif sont particulièrement coercitifs.
« Pensez-vous que le volet répressif de la politique française de lutte contre la toxicomanie soit adapté ? Est-il acceptable philosophiquement de réprimer un acte personnel comme la consommation, dès lors qu'il n'attente pas à la sécurité ou à la salubrité publique ? ».
Si je puis me permettre, on devrait se poser la question de savoir si c'est éthiquement acceptable, plutôt que philosophiquement...
Le volet répressif contre la toxicomanie est inadapté si l'on considère que la toxicomanie est une maladie ; certains sociologues parlent d'un symptôme sociétal.
Tous les psychiatres l'affirment : il s'agit bien d'une maladie ; même si elle n'est pas génomiquement prédéterminée, elle doit être considérée comme telle, qu'elle soit légère ou grave.
S'il s'agit d'un volet répressif contre le trafic de drogue, il est parfaitement adapté à la lutte comme le crime organisé. A l'échelle individuelle, il a donc un caractère répréhensible ; à l'échelle collective, il a un caractère condamnable. Dans ce cadre, on peut dire que la consommation étendue de drogues dans une population peut aboutir à une modification des comportements sociétaux. Beaucoup de délits commis par les toxicomanes ne sont d'ailleurs pas reconnus par les « anciens du milieu ».
Sans vouloir parodier Michel Audiard, certains d'entre eux disent ne plus reconnaître ceux qui commettent des crimes, des délits ou agressent les vieilles dames ! Il n'y a plus ni règles, ni loi du milieu avec les toxicomanes !
On assiste à une modification des comportements sociétaux à large échelle et dans toutes les couches de la population, à une atteinte à l'ordre public, à une désagrégation des structures sociales et à une malfaisance généralisée.
« Toutes les drogues ont-elles suffisamment d'éléments communs pour justifier un même dispositif judiciaire ? La distinction actuelle entre drogues légales et illégales vous semble-t-elle pertinente ? ».
En ce qui concerne les drogues douces et les drogues dures, pour l'animateur du Comité national et le médecin et que je suis, qui a suivi des enfants qui se droguaient de plus en plus tôt et parfois de plus en plus durement, il n'existe pas de drogues douces ou de drogues dures, l'usage des premières prédisposant à l'usage progressif des secondes. Je laisse la responsabilité à ceux qui l'ont dit de considérer qu'un petit joint de temps en temps n'est pas grave !
On pourrait classer dans ce cadre le tabac mais surtout l'alcool, avec des dangers et des risques identiques. On retrouve en fait dans l'analyse et dans les auditions dont on a bénéficié les mêmes propensions à utiliser les drogues illicites ou l'alcool avec des conséquences personnelles et collectives semblables.
« Que pensez-vous de l'idée de dépénaliser l'usage de la drogue ? Certaines sociétés s'y prêteraient-elles davantage que d'autres ? Quelle est l'importance des facteurs culturels à cet égard ? ».
La dépénalisation constitue pratiquement une « prise de décision publique en situation d'incertitude scientifique ». Je fais partie des tenants du principe de précaution mais j'ai abandonné cette expression au profit de celle que je viens de citer. Elle signifie exactement la même chose mais apparaît du moins explicite.
On comprend bien qu'il s'agit d'une prise de décision et non d'un moratoire : on a envie de faire quelque chose. On va expérimenter, rechercher... Dépénaliser pour faire jeune et moderne est dramatique. On entre ici dans une opération à caractère scientifique, avec tout ce que cela suppose comme structures et comme protocoles. Certains pays ont déjà tenté l'expérience de la dépénalisation et ont abouti à un échec, comme la Hollande, où chaque toxicomane peut aller acheter son shit.
Cela me fait penser à ce qui n'est passé à propos de la suppression de l'obligation vaccinale concernant le BCG. En tant que responsable du Comité consultatif national d'éthique, j'ai proposé de finaliser d'abord toute la politique de lutte contre la tuberculose avant de supprimer l'obligation vaccinale. Je ne suis guère satisfait d'avoir eu raison ! Pourquoi ne pas avoir supprimé tous les vaccins ? Au motif que les médecins ne savaient plus faire d'intradermos, que ceux-ci provoquaient des effets secondaires locaux, qu'ils ne prémunissaient que partiellement contre la tuberculose, on a supprimé cette obligation vaccinale. Bilan : les populations les plus vulnérables voient l'incidence de la tuberculose augmenter, notamment avec des bacilles de Koch multirésistants !
Si l'on veut dépénaliser, il faut voir si la structure sociétale est capable de le supporter et mener une véritable expérimentation avec toute la rigueur scientifique voulue.
En ce qui concerne les aspects culturels, je prendrais l'exemple des fumeries d'opium décrites dans de merveilleux romans : on y voit que la population autochtone savait où s'arrêter alors que les autres l'ignoraient et étaient dénoncés par la population et par leurs proches.
« Acceptez-vous l'idée que certains usagers réguliers de drogues, y compris illicites, puissent avoir une vie sociale normale et ne pas constituer un facteur de risque pour la société dans son ensemble ? Si tel est le cas, peut-on -et comment ?- justifier un principe général d'interdiction d'usage ? ».
Pour moi, il s'agit d'un problème de santé publique. Dans le même ordre d'idée, va-t-on cesser les campagnes anti-tabac et celles qui conseillent de consommer de l'alcool avec modération au motif que certains le supportent mieux que d'autres ? Face à la minorité des gens qui développent des cancers broncho-pulmonaires et qui n'ont pas fumé, face à l'immense majorité de ceux qui ont un cancer broncho-pulmonaire parce qu'ils ont été fumeurs, devant le risque allégué, après une vaccination anti-hépatite B, de développer une sclérose en plaque et par rapport au risque réel, calculé, observé, d'avoir une hépatite fulminante avec obligation de greffe de foie en urgence, hésite-t-on ? Selon moi, c'est le même sujet !
L'interdiction d'usage fait donc ici partie d'un grand système de prévention, avec la définition de celle-ci.
« Peut-on, d'un point de vue éthique, autoriser l'usage de stupéfiants à des fins médicales (cannabis thérapeutique, opiacées...) ? ».
Un article de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) affirme qu'en l'état actuel des choses, l'utilisation de cannabis dans un but thérapeutique n'est pas convaincante mais que l'on peut rester ouvert et mettre en place des protocoles scientifiquement acceptables. L'éthique n'a rien à voir avec l'utilisation réglementaire de l'usage des stupéfiants à des fins médicales. La décision est scientifique. On sait par exemple comment, avec des extraits de médicaments opiacés, mettre en place les traitements antidouleur. Cela fait même partie de grandes campagnes tout à fait justifiées. On ne savait pas traiter la douleur dans notre pays ; on sait le faire maintenant. C'est essentiel, notamment en milieu hospitalier. Si de nouvelles formes galéniques, « par les plantes », apparaissent pertinentes, il serait légitime qu'elles soient soumises aux mêmes procédures d'autorisation que les autres produits de santé.
« Vous avez présidé » -et je préside toujours- « le Comité de la prévention et de la précaution. Que pensez-vous du volet « prévention » de la politique de lutte contre la toxicomanie ? Quelle attitude et quels messages faire passer auprès des populations à risque ? ».
La prévention ne peut intervenir que lorsqu'on connaît le danger, que les risques sont mesurés, que les mesures d'évitement sont connues, quand on a réfléchi aux questions éthiques et quand la décision politique est fonction des priorités sanitaires et du financement disponible. Or, on ne peut absolument pas instaurer des mesures d'évitement, sauf à être coercitif et à installer autour de notre pays des murs infranchissables !
En revanche, la décision politique est importante ; il convient d'exercer des choix, compte tenu de l'enveloppe qui est la nôtre, en ayant collectivement conscience des quatre grands principes énoncés au début de mon intervention : respect du corps, autonomie, bienfaisance et non-malfaisance, justice sociétale. Il convient également de faire en sorte que les consommateurs conservent le respect de soi et des autres, cette notion très à la mode étant essentielle.
L'esprit d'entreprise est également fort en vogue ; il s'agit d'une aspiration pour soi et pour les autres, sous réserve que les exigences soient réunies et que chacun puisse se réaliser à l'intérieur de la société. C'est la condition sine qua non pour tenter de « ringardiser » la prise de drogue...
Pour les vendeurs, il faut réhabiliter la valeur sociétale de chaque personne -vaste programme !
Dans certaines banlieues, les petits dealers -qui sont souvent, il est vrai, à la fois vendeurs et consommateurs- gagent en un jour ce que d'autres gagnent en un mois ! Pour eux, les mots clés sont le respect de soi, de la position sociétale et leur revalorisation à l'intérieur de la société même si les gros trafiquants et les cartels n'aspirent qu'à vendre, même si la société doit en pâtir, certains pays pouvant même s'en trouver déstabilisés.
M. François Pillet, coprésident pour le Sénat . - Merci, vous avez abordé tous les sujets que nous souhaitions voir abordés.
Pensez-vous que les campagnes de prévention médiatiques -télévision, ouvrages diffusés par la MILDT- soient adaptées ?
M. Alain Grimfeld . - Plus que les campagnes télévisuelles, l'information de proximité pourrait faire bouger les lignes. Une jeune fille atteinte de mucoviscidose, qui a subi une transplantation coeur-poumons qui n'a malheureusement été fonctionnelle qu'un an, m'avait dit qu'au lieu de culpabiliser les gens à travers le petit écran pour les amener à donner, il vaudrait mieux faire des campagnes d'impact local. Je sais que les élus locaux seraient ravis d'y participer...
M. François Pillet, coprésident pour le Sénat . - Nous avons entendu beaucoup d'associations d'aide aux usagers de drogues. Leurs techniques et leurs approches sont extrêmement différentes. Existe-t-il selon vous des approches qui entraînent des risques éthiques ?
M. Alain Grimfeld . - Vous avez certainement entendu parler de l'association « Le Patriarche », à qui l'on a reproché une dérive sectaire qu'il était hors de question de tolérer. En tant que pédiatre, en dehors de ma spécialité des maladies respiratoires de l'enfant, j'ai revu des adolescents que j'avais traités, dont je savais qu'ils se droguaient et qui étaient passés par cette association. Selon eux, son atout majeur était l'accompagnement permanent dont bénéficiaient les usagers de drogues, que nos institutions sont actuellement incapables de mettre en oeuvre !
Il existe indiscutablement un risque de dérive sectaire dans de telles structures mais les usagers y sont accompagnés jour et nuit. Qui peut le faire ? Cela peut coûter un argent fou !
Il faudrait selon moi aider ces associations, qui recourent à des volontaires pour accompagner les toxicomanes pratiquement jour et nuit en leur donnant des tisanes et aucun autre produit de substitution. 60 % de ces jeunes, selon mes statistiques personnelles -qui ne valent donc rien- s'en sont sortis grâce à cet accompagnement qui leur a permis d'être sevrés.
M. Serge Blisko, coprésident pour l'Assemblée nationale . - Nous avons rencontré une association qui fonctionne sur le modèle d'Alcooliques anonymes ; elle se trouve à Paris et tient réunion tous les jours. Son but est de vivre une journée sans consommer de produit et de renouveler l'expérience chaque jour. Cette association existe depuis dix ou quinze ans. Il est très impressionnant de voir que certaines personnes en ont toujours besoin au bout de quinze ans d'abstinence...
M. François Pillet, coprésident pour le Sénat . - Ce qui est impressionnant, c'est la somme d'énergie nécessaire pour accompagner trente personnes sur dix ou quinze ans.
M. Serge Blisko, coprésident pour l'Assemblée nationale . - Oui, mais c'est gratuit !
Vous avez affirmé que ce qui pose problème dans les salles d'injection sécurisée est qu'il paraît peu acceptable d'organiser les injections. Pouvez-vous préciser votre position ? L'éducation à l'injection vous paraît-elle plus acceptable ?
M. Alain Grimfeld . - Je pense que l'éducation à l'injection est dans un premier temps éthiquement souhaitable, à condition de ne pas en rester là. S'il s'agit uniquement de créer des salles d'apprentissage de l'injection intraveineuse c'est parfaitement inacceptable ! On a l'impression qu'il s'agit d'une fin en soi ; or, ce ne peut être qu'un passage ! Il n'est pas question d'entretenir la toxicomanie par voie injectable en apprenant aux toxicomanes à s'injecter les produits de manière aussi inoffensive que possible ! C'est impensable !
Il ne peut s'agir que de salles d'accompagnement et non d'enseignement à l'injection. Ces salles doivent être couplées à un système de santé qui permette de suivre le toxicomane et, avec l'aide d'associations, de réduire progressivement son addiction.
M. François Pillet, coprésident pour le Sénat . - Merci beaucoup.