F. LA MUTATION DES ACTEURS

Au cours de ces décennies passées, nous avons assisté à une mutation des acteurs. S'agissant des administrations territoriales décentralisées, cette mutation est à la fois quantitative et qualitative.

1. La mutation de la fonction publique territoriale
a) Mutation quantitative


Évolution des effectifs de la fonction publique territoriale 1980-2008

Fonction publique territoriale

Collectivités territoriales

ÉPA
locaux

Fonction publique territoriale (FPT)

1980

843 666

177 334

1 021 000

1982

887 075

186 458

1 073 533

1984

913 823

189 825

1 103 648

1986

926 826

194 557

1 121 383

1988

926 590

193 066

1 119 656

1990

963 224

203 140

1 166 364

1992

982 263

219 455

1 201 718

1994

1 003 556

228 193

1 231 749

1996

1 023 049

239 312

1 262 361

1998

1 055 364

251 881

1 307 245

2000

1 091 111

280 817

1 371 928

2002

1 135 166

328 212

1 463 378

2004

1 189 022

385 232

1 574 254

2005

1 210 622

402 599

1 613 221

2006

1 242 211

420 149

1 662 360

2007

1 322 264

433 422

1 755 686

2008

1 384 752

440 279

1 825 031

Sources : Fichier général de l'État (FGE), enquête sur les effectifs des collectivités territoriales (Colter), Insee ; enquête SAE, enquête sur les établissements d'hébergement pour personnes âgées, Drees. Traitement DGAFP, bureau des statistiques, des études et de l'évaluation.

Champ : emplois principaux, tous statuts, hors bénéficiaires d'emplois aidés 269 ( * ) .


Répartition des effectifs au 31/12/2008

Effectifs physiques de la fonction publique territoriale au 31 décembre 2008

Rappel 2007

2008

Effectifs au 31/12/2007 (2)

Effectifs au 31/12/2008

Part de femmes
(en %)

Part de titulaires
(en %)

Part de non-titulaires
(en %)

Part d'assistantes maternelles
(en %)

Emplois principaux

Régions, départements, communes

1 322 264

1 384 752

61,7

77,4

18,9

3,7

ÉPA locaux

433 422

440 279

57,5

73,4

25,5

1,1

Total fonction publique territoriale

1 755 686

1 825 031

60,7

76,4

20,5

3,1

Assistantes maternelles

56 029

55 758

96,3

-

-

100,0

PT hors assistantes maternelles

1 699 657

1 769 273

59,5

78,9

21,2

-

Emplois secondaires (1)

Régions, départements, communes

51 599

52 951

71,6

41,0

59,0

0,0

ÉPA locaux

21 562

22 614

74,6

35,9

64,1

0,0

Total

73 161

75 565

72,5

39,5

60,5

0,0

Organismes sous tutelle FPT

ÉPIC locaux - emplois principaux

54 169

61 531

46,0

25,5

74,5

0,0

ÉPIC locaux - emplois secondaires (1)

535

547

59,8

16,8

83,2

0,0

ASA, GIP - emplois principaux

4 730

5 217

69,5

27,8

72,1

0,0

ASA, GIP - emplois secondaires (1)

2 971

2 966

75,3

45,7

54,3

0,0

Source : enquête sur les effectifs des collectivités territoriales (Colter), Insee. Traitement DGAFP, bureau des statistiques, des études et de l'évaluation.

Champ : emplois principaux, tous statuts. Hors bénéficiaires d'emplois aidés. Métropole, DOM et Saint-Pierre-et-Miquelon.

(1) Activité secondaire d'une personne exerçant son emploi principal chez un autre employeur (autre collectivité territoriale notamment).

(2) Actualisation par rapport à l'édition précédente.

Effectifs en équivalents temps plein (1) de la fonction publique territoriale
au 31 décembre 2008

Rappel 2007

2008

Effectifs au 31/12/2007 (2)

Effectifs au 31/12/2008

Part de femmes
(en %)

Part de titulaires
(en %)

Part de non-titulaires
(en %)

Part d'assistantes maternelles
(en %)

Régions, départements, communes

1 206 687

1 268 909

59,6

79,8

16,2

4,0

ÉPA locaux

391 255

397 657

54,2

76,5

22,3

1,2

Total fonction publique territoriale

1 597 942

1 666 565

58,3

79,0

17,7

3,3

Assistantes maternelles

55 358

55 128

96,3

-

-

100,0

FPT hors assistantes maternelles

1 542 584

1 611 437

57,0

81,7

18,3

-

Organismes sous tutelle FPT

ÉPIC locaux

51 394

58516,05

44,5

26,0

74,0

0,0

ASA, GIP

4 291

4687,25

68,0

28,4

71,6

0,0

Source : enquête sur les effectifs des collectivités territoriales (Colter), Insee. Traitement DGAFP, bureau des statistiques, des études et de l'évaluation.

Champ : emplois principaux, tous statuts. Hors bénéficiaires d'emplois aidés. Métropole, DOM et Saint-Pierre-et-Miquelon.

(1) Les ETP sont calculés à partir de l'ensemble des emplois, la mesure en ETP nécessitant d'intégrer les emplois secondaires.

(2) Actualisation par rapport à l'édition précédente.

Effectifs physiques de la fonction publique territoriale
par type de collectivité et statut au 31 décembre 2008

2008

Évolution 2007-2008 (en %)

Répartition par statut selon la collectivité en 2008 (en %)

Communes

Titulaires

802 423

0,7

78

Non-titulaires

215 468

1,7

21

Assistantes maternelles

12 891

-3,6

1

Total

1 030 782

0,9

100

Départements

Titulaires

210 534

19,5

75

Non-titulaires

33 052

1,3

12

Assistantes maternelles

37 982

0,8

13

Total

281 568

14,3

100

Régions

Titulaires

58 807

37,8

81

Non-titulaires

13 595

22,0

19

Assistantes maternelles

0

0,0

0

Total

72 402

34,5

100

Total collectivités territoriales
stricto sensu

Titulaires

1 071 764

5,5

77

Non-titulaires

262 115

2,6

19

Assistantes maternelles

50 873

-0,3

4

Total

1 384 752

4,7

100

Établissements communaux

Titulaires

74 487

1,6

62

Non-titulaires

42 152

3,3

35

Assistantes maternelles

3 353

-7,6

3

Total

119 992

1,9

100

Établissements intercommunaux (1)

Titulaires

163 603

4,1

74

Non-titulaires

54 964

6,3

25

Assistantes maternelles

1 201

17,7

1

Total

219 768

4,7

100

Établissements départementaux

Titulaires

80 796

2,0

85

Non-titulaires

13 708

3,9

14

Assistantes maternelles

331

-4,9

0

Total

94 835

2,3

100

Autres ÉPA locaux (2)

Titulaires

4 442

-58,2

78

Non-titulaires

1 242

-48,9

22

Assistantes maternelles

0

0,0

0

Total

5 684

-56,5

100

Total ÉPA locaux

Titulaires

323 328

0,9

73

Non-titulaires

112 066

3,6

25

Assistantes maternelles

4 885

-2,2

1

Total

440 279

1,6

100

Total FPT

Titulaires

1 395 092

4,4

76

Non-titulaires

374 181

2,9

21

Assistantes maternelles

55 758

-0,5

3

Total

1 825 031

3,9

100


Source : enquête sur les effectifs des collectivités territoriales (Colter), Insee. Traitement DGAFP, bureau des statistiques, des études et de l'évaluation.

Champ : emplois principaux, tous statuts. Hors bénéficiaires d'emplois aidés. Métropole, DOM et Saint-Pierre-et-Miquelon.

(1) Etablissements à fiscalité propre, et essentiellement Sivom, SIVU.

(2) Caisses de crédit municipal et offices publics de HLM, ÉPA qui sont des services marchands.

Effectifs en équivalents temps plein de la fonction publique territoriale
par type de collectivité et statut au 31 décembre 2008

2008

Évolution 2007-2008 (en %)

Répartition par statut selon la collectivité en 2008 (en %)

Communes

Titulaires

755 606

0,7

81

Non-titulaires

161 689

3,0

17

Assistantes maternelles

12 416

-3,7

1

Total

929 711

1,0

100

Départements

Titulaires

199 607

20,4

74

Non-titulaires

31 388

1,3

12

Assistantes maternelles

37 916

0,8

14

Total

268 911

14,7

100

Régions

Titulaires

57 058

38,0

81

Non-titulaires

13 229

22,7

19

Assistantes maternelles

0

0,0

0

Total

70 287

34,9

100

Total collectivités territoriales stricto sensu

Titulaires

1 012 271

5,7

80

Non-titulaires

206 306

3,8

16

Assistantes maternelles

50 332

-0,3

4

Total

1 268 909

5,2

100

Établissements communaux

Titulaires

66 960

1,5

66

Non-titulaires

31 598

5,2

31

Assistantes maternelles

3 290

-7,4

3

Total

101 848

2,3

100

Établissements intercommunaux (1)

Titulaires

153 366

4,0

77

Non-titulaires

43 877

7,2

22

Assistantes maternelles

1 181

20,6

1

Total

198 424

4,8

100

Établissements départementaux

Titulaires

79 458

2,1

86

Non-titulaires

12 093

4,3

13

Assistantes maternelles

325

-3,2

0

Total

91 875

2,4

100

Autres ÉPA locaux (2)

Titulaires

4 305

-58,3

78

Non-titulaires

1 205

-48,0

22

Assistantes maternelles

0

0,0

0

Total

5 510

-56,4

100

Total ÉPA
locaux

Titulaires

304 089

0,9

76

Non-titulaires

88 773

4,6

22

Assistantes maternelles

4 796

-1,4

1

Total

397 657

1,6

100

Total FPT

Titulaires

1 316 359

4,6

79

Non-titulaires

295 078

4,1

18

Assistantes maternelles

55 128

-0,4

3

Total

1 666 565

4,3

100

Source : enquête sur les effectifs des collectivités territoriales (Colter), Insee. Traitement DGAFP, bureau des statistiques, des études et de l'évaluation.

Champ : emplois principaux, tous statuts. Hors bénéficiaires d'emplois aidés. Métropole, Dom et Saint-Pierre-et-Miquelon.

(1) Établissements à fiscalité propre, et essentiellement Sivom, SIVU.

(2) Caisses de crédit municipal et offices publics de HLM, ÉPA qui sont des services marchands.


Commentaires

Indépendamment des définitions et méthodes retenues, les effectifs de la fonction publique territoriale n'ont cessé de croître : 1 073 533 en 1982, 1 825 031 en 2008. Le cap des deux millions d'agents est aujourd'hui franchi.

La part de la fonction publique territoriale dans l'ensemble de la fonction publique augmente : au 1 er janvier 1990, elle en représentait le quart, aujourd'hui elle est de 35 %.

Selon le dernier rapport de la DGAFP, la part des effectifs communaux dans la fonction publique territoriale, de 1998 à 2008, passe de 67,2 % à 56,5 %, celle des départements de 12,8 à 15,4 %, celle des régions de 0,7 à 4 % et celle des établissements publics de 19,3 à 24,1 %.

En vingt ans, les effectifs des agents territoriaux doublent alors que ceux de l'État ne s'accroissent que de 50 %.

Le rythme de progression des premiers varie : jusqu'en 1984 il a été de 4 % en moyenne annuelle, de 1,2 % entre 1984 et 1989.

De 1998 à 2008, du fait de la loi du 12 juillet 1999 sur la coopération intercommunale et de celle du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la progression annuelle a été de 3,4 % alors que le nombre des agents de l'État baisse de 0,1 % 270 ( * ) .

Au cours de cette période, les transferts des agents de l'État vers les collectivités territoriales, amorcés en 2006, ont été déterminants. Près de 80 000 adjoints techniques des établissements d'enseignement et 21 000 des anciennes directions départementales de l'Équipement en charge du réseau routier transféré aux départements ont rejoint régions et départements. Il n'y a rien de surprenant à observer la hausse des effectifs dans les conseils généraux (+ 14,3 %) et dans les conseils régionaux (+ 35,6 %). Le CNFPT a d'ailleurs calculé qu'« un tiers des agents présents au 1 er janvier 2009 dans les régions et départements est lié directement ou indirectement aux transferts de personnels relatifs à l'acte II de la décentralisation » 271 ( * ) .

En 2007, les effectifs de titulaires augmentent de 20 % dans les départements et de 170 % dans les régions 272 ( * ) .

En avril 2009, sur 100 agents présents dans les régions, 61 avaient été transférés entre fin 2005 et fin 2008 et 12 avaient été recrutés pour faire face aux besoins liés à ces transferts. 27 agents n'avaient aucun lien avec les transferts précédents. Dans les départements, la part des agents transférés était nettement plus faible (19 %), il en était de même pour les agents recrutés en lien avec les transferts (3 %).

b) Mutation qualitative

Pour être actives et respectées, les collectivités territoriales ont besoin d'une administration compétente.

Une nouvelle génération d'élus arrivés dans les mairies en 1977 va oeuvrer en ce sens et rencontrer l'intérêt de l'université avec la création du GRAL (devenu par la suite GRALE : groupement de recherche sur l'administration locale en Europe), le CNRS, l'Institut français des sciences administratives. En 1978, se tient un colloque à Fontevraud qui marquera une étape importante dans la réflexion collective.

La loi du 26 janvier 1984 crée un dispositif avec les centres régionaux de formation de la fonction publique territoriale mais ce sera celle du 13 juillet 1987 qui mettra en place le CNFPT, les délégations départementales et régionales 273 ( * ) .

Vingt ans plus tard, le ministre Brice Hortefeux verra dans la fonction publique territoriale « le laboratoire de la modernisation publique 274 ( * ) ». Vingt ans auparavant, les grades d'attaché territorial, d'administrateur territorial, d'ingénieur territorial auront été créés 275 ( * ) .

Une formation commune ENA-INET sera mise en place par un protocole du 9 mars 2006. Le budget estimé de formation en 2008 pour les agents de la FPT atteint 546 millions d'€ (+ 4 % par rapport à 2007), soit 1,6 % de la masse salariale des collectivités (2 % pour les communes, communautés d'agglomération, département ; 4,5 % pour les SDIS).

Le nombre de journées de formation par agent en 2007 varie de 1,6 (communes de 1 000 à 3 499 habitants) à 11,2 (SDIS) pour une moyenne de 3 journées. La dépense moyenne par agent varie de 144 € (commune de moins de 1 000 habitants) à 1 114 € (SDIS).

En 2007, ce sont 48 % des agents permanents des collectivités territoriales qui ont suivi au moins une formation (53 % pour l'ensemble des salariés du public, 41 % pour les salariés du privé).

Même si sa représentation statistique reste modérée, la qualification de la fonction publique territoriale s'est incontestablement renforcée.

La part des agents de la catégorie A progresse : 7,9 % en 1998 ; 8,4 % en 2008 (grâce à l'apport des établissements publics : la catégorie A correspondait à 7,4 % de leurs effectifs en 1998 pour 9,6 % en 2008) 276 ( * ) .

Sans surprise, la filière administrative compte 17,5 % de cadres A, la filière culturelle 23,7 %, la filière médico-sociale 28,8 %, les hors-filières (chargés de mission, assistants d'études...) 44,6 %.

Les catégories C (soit 78 % de la FPT) ont accueilli des TOS et des agents des directions départementales de l'écologie, de l'équipement et de l'aménagement durable.

Cette qualification se retrouve dans toutes les parties de l'organigramme des collectivités territoriales. La maîtrise d'ouvrage s'est considérablement enrichie.

Les services de conseil, d'évaluation, d'audit ont été créés et développés 277 ( * ) . Nous retrouvons des compétences de haut niveau dans toutes les directions : administration générale, urbanisme, environnement, culture, finances, relations publiques, information...

La décentralisation a fait, par exemple, de la fonction financière une discipline exigeante très étroitement liée à la fonction budgétaire. Les collectivités locales cherchent à optimiser leur gestion financière, à entourer la décision budgétaire des meilleures approches.

Maîtriser l'endettement, faire une programmation pluriannuelle des investissements, lier celle-ci à une prévision d'exploitation, à une gestion prévisionnelle des emplois et des carrières, trouver le bon équilibre entre l'autofinancement et l'emprunt, choisir entre la régie ou la délégation, arrêter, négocier, un contrat de partenariat public-privé, optimiser un bilan de ZAC, négocier avec les banques, l'État, avec des investisseurs, des promoteurs... Tout cela fait partie d'un ordinaire qui implique les financiers, la fonction publique territoriale et les élus.

La fonction juridique a pris, avec la décentralisation, une nouvelle dimension : il appartient à son titulaire, au sein de la collectivité, de conseiller la maîtrise d'ouvrage, d'avoir et de diffuser une bonne culture générale et au besoin d'orienter vers le bon spécialiste. Activité ardue du fait de la diversité des actes de la collectivité, des disciplines, de la multiplicité continue des textes, du principe de précaution qui accentue les risques et de la pénalisation de l'action publique. La confrontation avec l'ordonnateur, avec le juge financier, administratif, pénal peut provenir de multiples saisines : celle de l'État, d'une entreprise, d'une association, d'un syndicat, d'un contribuable ou d'un citoyen.

« Culture juridique » et « culture de gestion » vont non seulement cohabiter mais s'interpénétrer : ceci constitue incontestablement la marque de l'évolution de l'administration territoriale.

Loin d'affaiblir la dimension politique de la délibération, ces transversalités pluridisciplinaires ne font que la renforcer : l'élu ne peut les ignorer. Il doit les comprendre pour en débattre et décider. Il doit aussi les traduire pour les mettre à la portée de plus grand nombre de ses contrôleurs parmi lesquels... le citoyen 278 ( * ) .

La décentralisation a transformé la démarche des élus, des cadres dirigeants des collectivités et leurs relations. L'élu décide mais, avant cette étape, il y a l'élaboration de dossiers préparatoires, échanges, commentaires, débats. Nous sommes dans la coproduction, la mise en commun. Rien n'est plus faux que de réduire l'administration à une pure fonction exécutive.

Ces nouveaux rapports élus-administration prennent une dimension particulière avec la diversité des actes prospectifs décentralisés, qu'ils émanent de la région, du département, de la commune ou de l'intercommunalité 279 ( * ) .

La territorialisation - des organisations et des politiques - repose également sur ce dialogue. Nous entendons une objection : ce type de lien élus-administration n'engendre-t-il pas une politisation de la fonction administrative ? Non, dès lors qu'il y a, de part et d'autre, respect d'une certaine éthique : dans ses fonctions, l'agent public n'est pas un militant politique et le « spoil system » ne doit pas faire partie de notre pratique. Compétence et loyauté s'imposent.

Dans une double relation - hiérarchique et partenariale - l'État a besoin d'une administration territoriale capable car, comme on l'a vu, aucune de ses politiques ne peut être menée sans la participation du local, y compris les plus régaliennes ; pensons à la sécurité, à la défense, aux relations internationales...

Autant d'objectifs, d'actions qui demandent un personnel compétent, des responsables politiques locaux considérés.

Il faut regretter que le Président de la République, dans son discours de Saint-Dizier du 20 octobre 2009, ne se soit pas référé à toutes ces caractéristiques, préférant mettre en cause la croissance des emplois publics territoriaux.

Nous reproduisons le passage de ce discours consacré à cette thématique :

« Les impôts locaux augmentent. Quant à la fonction publique territoriale : 36 000 nouveaux emplois publics en 2008, sans nouveaux transferts de compétences et dans le même temps l'État en supprime 35 000. Comment voulez-vous que notre pays puisse s'en sortir si l'on continue cela ?

Il ne s'agit pas d'accuser les uns, de vanter les autres, il s'agit de regarder. Nous sommes un pays qui a créé 1 million d'emplois de fonctionnaires depuis 1992. C'est le contribuable qui paie. C'est la compétitivité de l'économie française qui est en cause. Je pense que la population est légitimement exaspérée et qu'elle nous met tous dans le même bain ou dans le même sac ou dans la même catégorie ».

Remarquons tout d'abord que la question du nombre de fonctionnaires fait partie des thèmes de la vie politique française 280 ( * ) . Elle renaît chaque fois que l'économie est en crise et prend plus appui sur des positions intellectuelles et politiques que sur des analyses fonctionnelles et économiques.

La critique du Président Sarkozy, outre qu'elle est en correspondance avec une partie de l'opinion qu'elle entend prendre à témoin, correspond à un objectif très précis : faire baisser la dépense publique.

Que vaut cette critique ?

La croissance des effectifs de la fonction publique territoriale est incontestable.

Dans leur rapport, Gilles Carrez et Michel Thenault font le bilan suivant :

« Les dépenses des collectivités locales ont globalement évolué sur 25 ans (1983-2008) à un rythme plus élevé que le PIB. Si environ 60 % de cette hausse sont liés aux transferts de compétences intervenus lors des vagues successives de décentralisation, le groupe de travail estime qu'environ 40 % de la hausse des dépenses s'est effectué à champ constant, soit un peu moins d'un point de PIB.

Cette hausse des dépenses à champ constant s'est produite essentiellement entre 1983 et 1994. (...). Sur cette hausse de la dépense par rapport au PIB entre 1983 et 2008, environ les deux tiers proviennent du bloc communal, un tiers des régions. La dépense des départements à champ constant est à peu près stable par rapport au PIB sur la période.

- pour le bloc communal, les dépenses à champ constant passent d'environ 5,3 % à 5,9 % du PIB, soit environ 0,6 point de PIB de hausse, concentrée sur la période avant 1994 ;

- pour les régions, les dépenses à champ constant passent d'environ 0,3 % à 0,6 % du PIB (hausse de 0,3 point de PIB, concentrée entre 1986 et 1993, puis en 2005), ce qui est peu en comparaison de l'impact des transferts de compétences (plus d'un point PIB) ;

- pour les départements, les dépenses à champ constant sont stables par rapport au PIB entre 1983 et 2008. Avec les transferts de compétence, on obtient en revanche une hausse de plus d'un demi-point de PIB, intervenue pour l'essentiel depuis 2002.

L'endettement des collectivités locales, comptabilisé dans les ratios de Maastricht, est reparti à la hausse à partir de 2003, après avoir décru entre 1997 et 2002 281 ( * ) ».

Cette analyse a le mérite de fixer la juste proportion : à champ constant (hors décentralisation), la hausse des dépenses des collectivités territoriales a été inférieure à 1 point du PIB.

En fonction de nos rencontres, voici les secteurs qui, selon nos interlocuteurs, ont connu une croissance du personnel particulièrement forte :

- le secteur des aides à la personne 282 ( * ) ;

- la fonction générale de sécurité ;

- les fonctions d'accueil, d'information, de médiation ;

- les services culturels, d'environnement, d'urbanisme ;

- le renforcement de la maîtrise d'ouvrage ;

- l'extension des services intercommunaux.

La mutualisation, les mises en commun s'imposent, mais il ne faut pas oublier que nous sommes dans une phase de transition. Dans un premier temps le désir parfaitement fondé de mutualisation peut freiner la progression de la coopération.

Tous ces changements de la fonction publique territoriale, comme tous ceux qui font vivre la décentralisation, résultent de volontés politiques. Ils s'expriment à tous les niveaux et s'interpénètrent. Au nombre de ces volontés, il y a bien évidemment les élus territoriaux qui assument des responsabilités importantes et évidentes.

La figure du maire les illustre.


* 269 Sont concernés les agents des collectivités territoriales et de leurs établissements publics (EPCI, syndicats intercommunaux, CCAS, SDIS, offices publics HLM...). Les personnels des hôpitaux publics et des établissements d'hébergement pour personnes âgées ne sont pas compris. Ils relèvent de la fonction publique hospitalière.

* 270 Les effectifs des ministères baissent de 0,1 % par an (2 105 408 en 2008 contre 2 254 822 en 1998) mais ceux des établissements publics augmentent de 5 % par an (301 446 en 2008, 185 119 en 1998). Les agents rémunérés par ces établissements représentaient 7,6 % des effectifs de l'État en 1998 contre 12,5 % en 2008. Cf. Rapport DGAFP, p. 34.

* 271 V. Ministère du Budget, des Comptes publics, de la Fonction publique et de la Réforme de l'État, Rapport annuel sur l'état de la fonction publique. Faits et chiffres 2009-2010 , vol. 1, p. 71.

* 272 Op cit., p. 40.

* 273 Michel Debré déposera une motion d'irrecevabilité contre la future loi du 26 janvier 1984 instituant la fonction publique territoriale, estimant qu'elle allait à l'encontre de l'article 72-2 de la Constitution qui prévoit la libre administration des collectivités territoriales. Maurice Ligot, député-maire UDF de Cholet, estimera que ce projet « porte atteinte à l'autorité hiérarchique des élus ». Jacques Toubon, invoquera la bureaucratisation, la rigidité, le coût financier. L'opposition à l'Assemblée nationale s'appuiera sur « la liberté des élus ».

* 274 Assemblée nationale, le 12 octobre 2006.

* 275 Respectivement par des décrets du 30/12/1987 pour les deux premiers et celui du 02/09/1990 pour le troisième. L'attaché territorial peut exercer dans les communes de plus de 2 000 habitants ou les offices HLM de plus de 3 000 logements. L'administrateur dans les communes de plus de 40 000 habitants et les offices HLM de plus de 10 000 habitants.

* 276 De 1969 à 1989 les effectifs des cadres A ont quadruplé « Les collectivités locales en chiffres », DGCL, édition de 1992, p. 85. Tout naturellement, la part des catégories A dans la fonction publique d'État est nettement supérieure (39,4 % en 1998; 50,5 % en 2008) du fait des enseignants et des chercheurs. Hors enseignants-chercheurs la catégorie A voit sa part ramenée à 14 %. Tous les ministères n'ayant pas les mêmes rapports avec les collectivités territoriales, nous voyons donc qu'un nouvel équilibre s'installe entre les établissements publics territoriaux et les administrations centrales concernées.

* 277 L'évaluation peut relever d'un service de la collectivité, d'un laboratoire universitaire, d'un cabinet privé, de la Chambre régionale des comptes (loi du 21/12/2002). Cf. Discours du Président Philippe Seguin (Aix-en-Provence, 4 juin 2009). Cf. Rapport du sénateur Bourdin n° 392, 20 juin 2004. La loi LOLF, qui privilégie les missions par rapport aux institutions, promeut le principe d'évaluation.

* 278 « L'intégration de la culture juridique et de la culture de gestion dans le cadre de l'administration des institutions locales est à cet égard parfaitement exemplaire d'une modernisation réussie des méthodes de gestions utilisées et les collectivités locales constituent à ce titre un véritable laboratoire de recherche » , Michel Bouvier, op. cit., p. 23.

* 279 Si la prospective relève du bon sens et a toute sa place dans la décentralisation, ne soyons pas surpris par l'existence nécessaire de tous ces outils d'observation, de veille, de consultation, de conduite de projet (ex : service d'information géographique). Simplement, il faut accélérer les mises en commun, les transparences et privilégier les données utiles.

* 280 Luc Rouban « Le nombre de fonctionnaires : le débat autour de fonctionnarisme (1877-1914) », Revue française de l'administration publique, n°135, 2010, p. 583-589.

* 281 Gilles Carrez, Michel Thenault « Conférence sur les déficits publics, rapport du groupe de travail » , 20 mai 2010, p. 2 et suivantes.

* 282 N'attendons pas des progrès des nouvelles technologies, de la rationalisation, des organisations, de la nécessaire solidarité familiale, de la médecine, une diminution substantielle de la présence professionnelle. Cf. Joseph Kergueris « Services à la personne. Bilan et prospective » (rapport n° 589,30 juin 2010, Délégation sénatoriale à la prospective).

Le plan de développement des services à la personne présenté par Jean-Louis Borloo le 16/02/2005 a consacré la notion unique de « service à la personne » (hier « services d'action sociale » et « services personnels et domestiques »). Le Plan Borloo entendait créer 500 000 emplois dans les 3 ans, tous acteurs confondus. « Pari audacieux » disait Joseph Kergueris (Op. cit. p. 21).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page