3. L'impact de la crise économique, de la chute brutale du prix des hydrocarbures et de la découverte du gaz de schiste
En 2007, l'Union européenne faisait face à une Russie sûre d'elle-même, soucieuse de retrouver son rang sur la scène internationale, grâce à l'arme énergétique et à une forte croissance économique, appuyée sur la hausse du prix des hydrocarbures 11 ( * ) .
Aujourd'hui, le contexte a radicalement changé, notamment en raison de l'impact de la crise économique mondiale, de la découverte du gaz de schiste et de la chute brutale du prix du pétrole et du gaz, qui ont mis en évidence les fragilités de l'économie russe.
Alors qu'elle avait connu une période de croissance économique entre 2000 et 2008, grâce notamment à la forte hausse du prix des hydrocarbures, avec une croissance moyenne annuelle de + 7 % par an, la Russie a été durement touchée par la crise économique mondiale, avec une récession de près de - 8 % en 2009, l'une des plus importantes en Europe.
En particulier, la forte chute du prix des hydrocarbures en 2009 (pétrole et gaz) a réduit drastiquement les revenus tirés des exportations et a creusé le déficit public. La découverte de gaz de schiste, notamment aux Etats-Unis et au Canada, a également eu pour effet de réduire les ambitions russes d'exporter du gaz naturel en Amérique du Nord grâce aux terminaux méthaniers.
La crise financière a révélé les faiblesses de l'économie russe, qui reste largement une « économie de rente » , selon le « syndrome hollandais » fondée sur la production et l'exportation des matières premières, en particulier des hydrocarbures, puisque la Russie constitue le premier producteur mondial de pétrole et le deuxième producteur mondial de gaz naturel.
La Russie doit faire face à un manque de compétitivité de nombreux secteurs, à une insuffisance des investissements étrangers comme russes et à une dépendance excessive aux matières premières.
Beaucoup d' infrastructures de base demeurent délabrées et les besoins collectifs sont considérables dans le secteur de la santé, de l'éducation, du logement, des transports ou de l'environnement.
Enfin, si l'on constate l'émergence d'une classe moyenne, une large partie de la population vit dans des conditions précaires, la hausse globale des revenus masquant de fortes disparités, alors que certains « filets de protection » ont disparu avec l'Union soviétique 12 ( * ) . Environ 20 % de la population vivrait sous le seuil de pauvreté.
Dans ce contexte, la modernisation et la diversification de l'économie ont été érigées au rang de priorités nationales par le Président Dimitri Medvedev. Dans un discours prononcé devant le Parlement russe, le 12 novembre 2009, le Président Dimitri Medvedev a notamment déclaré : « Nous devons entamer la modernisation et la mise à niveau technologique de tout notre secteur industriel. Je considère cela comme une question de survie du pays dans un monde moderne ».
À l'occasion du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, en juin 2010, le Président Dimitri Medvedev a de nouveau insisté sur le fait que la Russie était entrée dans une phase de modernisation et de diversification. Il a également annoncé plusieurs mesures concernant la promotion des investissements privés et le développement de l'innovation. Ces raisons expliquent que la Russie semble avoir fait le choix stratégique d'un rapprochement avec l'Occident et avec l'Union européenne et d'un partenariat centré sur les échanges économiques et les nouvelles technologies.
Avec un PIB de 1 500 milliards de dollars en 2010, la Russie se situe au 10 e rang des économies mondiales, loin derrière des Etats-Unis, dont le PIB est dix fois supérieur (15 000 milliards de dollars) et la Chine (5 700 milliards de dollars), et après le Japon (5 400), l'Allemagne (3 300), la France (2 500), le Royaume-Uni, l'Italie, le Brésil et le Canada, d'après le FMI.
La Russie a également été durement touchée l'été dernier par la canicule et de graves incendies. Les autorités russes ont mis en place un moratoire sur les exportations de céréales, qui a été levé récemment.
En 2010, la Russie a toutefois renoué avec la croissance, qui s'est élevée à + 4 % du PIB. L'excédent commercial a progressé en 2010, avec 150 milliards de dollars (soit une hausse de 36 % par rapport à 2009), ce qui a permis une reconstitution des réserves de change (la Russie dispose des 3 e réserves de change au monde, avec 490 milliards de dollars au 1 er mars 2011). L'économie russe bénéficie actuellement de la hausse des prix du pétrole depuis le début de l'année 2011 et d'une augmentation de la demande interne.
Les perspectives économiques de la Russie restent toutefois assombries par un facteur majeur : la détérioration de la situation démographique .
Les résultats officiels du dernier recensement attribuent à la Russie 142,5 millions d'habitants et font apparaître un recul de la population, qui était de 147 millions d'habitants en 1989, dans les frontières de la Russie actuelle.
Les démographes situent au milieu des années 1960 l'arrêt de l'amélioration de l'espérance de vie et la dégradation des indicateurs. L'espérance de vie, qui était en 1964 de 65,1 ans pour les hommes et 73,6 ans pour les femmes, n'a cessé de diminuer depuis, n'étant en 2001 que de 59 ans pour les hommes et 72,3 ans pour les femmes. L'espérance de vie s'est toutefois améliorée en 2006, passant à 60,4 ans pour les hommes. Le taux de fécondité n'est actuellement que de 1,2 enfant par femme, soit 57 % de celui nécessaire au renouvellement des générations.
Entre 1992 et 2007, on estime que la population de la Russie a diminué de 400 000 personnes par an . Les projections démographiques établies par les Nations-Unies à partir des tendances démographiques récentes retiennent pour hypothèse, à l'horizon 2050, une population ramenée à 101,5 millions d'habitants, soit une diminution de pratiquement 1 million d'habitants chaque année. En 2007, la natalité a toutefois enregistré sa meilleure performance depuis vingt cinq ans, passant de 8,3 °/°° à 11,3°/°°. L'effet du déclin démographique est accentué par la très inégale distribution de la population sur le territoire et le sous-peuplement de très vastes régions, en particulier dans la partie orientale du pays. Cette situation constitue bien évidemment un frein au développement des régions et à la mise en valeur de leurs ressources. Dans ce contexte, la pression démographique chinoise sur les régions de l'extrême orient russe est une source d'inquiétude pour les responsables russes.
* 11 Voir le rapport d'information n° 416 (2007-2008) « Où va la Russie ? », fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, à la suite d'une mission en Russie effectuée du 21 au 25 avril 2008 et présenté par M. Josselin de Rohan, Mme Josette Durrieu, MM. Jean-Pierre Fourcade, Robert Hue, Yves Pozzo di Borgo et Roger Romani.
* 12 Parmi ces « filets de protection », on peut mentionner les résidences secondaires héritées de l'époque soviétique, les fameuses « datchas », qui permettent notamment à de nombreux russes de cultiver certains produits.