2. La suppression des visas
La question des visas constitue depuis longtemps une pierre d'achoppement dans les relations entre l'Union européenne et la Russie.
La Russie souhaite, en effet, depuis déjà plusieurs années, obtenir de l'Union européenne la levée de l'obligation de visa pour ses ressortissants désireux de se rendre dans l'Union européenne, mais cette demande se heurte toujours à l'opposition de certains Etats membres.
Après de laborieuses négociations, la Communauté européenne et la Fédération de Russie sont parvenues à signer deux accords, l'un sur la facilitation de la procédure de délivrance des visas, l'autre sur la réadmission, en mai 2006.
Les accords entre la Communauté
européenne et la Fédération de Russie
Après plus de cinq ans de négociations, la Communauté européenne et la Russie ont signé, lors du sommet de Sotchi le 25 mai 2006, un accord visant à faciliter la délivrance des visas de court séjour, ainsi qu'un accord de réadmission des personnes en séjour irrégulier. Ces deux accords, qui ont été ratifiés par la Russie en février 2007, sont entrés en vigueur en juillet 2007. I. L'accord visant à faciliter la délivrance de visas de court séjour Cet accord de facilitation de la délivrance des visas de court séjour est le premier accord communautaire de ce genre. Il prévoit notamment : - une réduction des frais de visa à 35 euros pour l'ensemble des ressortissants russes, alors que le coût normal pour un visa Schengen est passé, le 1 er janvier 2007, à 60 euros ; - des exemptions de visas pour les ressortissants détenteurs d'un passeport diplomatique ; - une simplification des justificatifs de voyage devant être fournis pour certaines catégories de voyageurs (membres des délégations officielles, hommes d'affaires, journalistes, écoliers, scientifiques, artistes, sportifs, etc.), ainsi qu'une suppression des frais de visa pour plusieurs de ces catégories. II. L'accord de réadmission L'accord de réadmission avec la Russie est le sixième accord de ce type conclu entre la Communauté européenne et un pays tiers. Les accords de réadmission s'inscrivent dans le cadre de la lutte contre l'immigration clandestine. L'obligation de réadmission des ressortissants de pays tiers devrait constituer, en principe, la principale valeur ajoutée des accords communautaires. En l'espèce, la Russie a obtenu que cette obligation soit minimale, en l'assortissant de plusieurs conditions. Tout d'abord, l'accord prévoit qu'il n'y aura obligation de réadmission d'un ressortissant de pays tiers par la Russie que s'il est prouvé : - soit qu'il détient, au moment du dépôt de la demande de réadmission, un visa en cours de validité délivré par la Russie lors de son entrée sur le territoire d'un État membre en provenance directe du territoire de celle-ci ; - soit qu'il possède, au moment du dépôt de la demande de réadmission, une autorisation de séjour en cours de validité délivrée par la Russie ; - soit qu'il a pénétré illégalement sur le territoire des États membres en arrivant directement du territoire russe. De plus, l'obligation de réadmission ne s'appliquera pas pour les ressortissants de pays tiers : - qui n'ont effectué qu'un transit par un aéroport international russe ; - à qui l'État requérant ou un autre État membre a délivré un visa ou une autorisation de séjour, pour autant que la Russie n'ait pas délivré un visa ou une autorisation de séjour pour une durée plus longue ; - qui bénéficient d'une exemption de visa pour entrer sur le territoire de l'État membre requérant. Enfin, la Russie a obtenu que ces dispositions ne s'appliquent que trois ans après l'entrée en vigueur de l'accord (sauf pour les ressortissants de pays avec lesquels elle a conclu des accords bilatéraux de réadmission). |
La Russie demande toutefois d'aller encore plus loin et souhaite obtenir la suppression des visas de court séjour avec l'Union européenne.
Cette question soulève cependant un important clivage entre les Etats membres de l'Union européenne.
Alors que la France était au départ assez réservée, le Président de la République Nicolas Sarkozy s'est fortement engagé, lors de la visite du Président russe Dimitri Medvedev à Paris le 1 er mars 2010, en faveur de la levée à terme des visas de court séjour avec la Russie et de la création d'un « espace humain commun » sur le continent européen. Plusieurs pays, comme la Finlande ou l'Italie, sont également favorables à cette perspective.
Toutefois, comme j'ai pu le constater lors de mes entretiens à Bruxelles, l'Allemagne reste très réticente au principe de la libéralisation du régime de visas avec la Russie , malgré les liens étroits qui existent entre Berlin et Moscou, notamment en matière économique.
Il semblerait que la position allemande s'explique surtout par des considérations de politique intérieure, en raison notamment de récentes affaires de corruption découvertes dans plusieurs consulats allemands situés en Europe orientale, et de craintes concernant la criminalité organisée.
D'autres Etats membres, comme les Pays-Bas, de Danemark ou l'Autriche, mettent également en avant les risques migratoires et sécuritaires.
Plus généralement, les pays d'Europe centrale et orientale voudraient établir un lien entre la levée de l'obligation de visas entre l'Union européenne et la Russie et le processus en cours de suppression des visas de court séjour avec les pays du Partenariat oriental, comme l'Ukraine ou la Moldavie.
Grâce à l'accord trouvé entre la France, l'Allemagne et la Russie, lors du Sommet de Deauville, d'octobre 2010, entre le Président de la République, la chancelière allemande et le Président russe, et malgré l'hostilité de plusieurs Etats membres, des progrès ont été réalisés récemment sur cette question.
Lors du Sommet du 7 décembre 2010, l'Union européenne et la Russie ont accepté le lancement d'un processus progressif et graduel, proposé par la Commission européenne, d'élaboration d'une liste d'« étapes conjointes » destinées à répertorier les critères, les garanties et les mécanismes de vérification nécessaires pour avancer vers la suppression des visas de court séjour.
La formulation retenue, qui écarte toute idée de « feuille de route » ou de « plan d'action », se veut néanmoins très prudente.
De plus, alors qu'un accord sur ces « étapes conjointes » devait être trouvé lors du dernier Sommet Union européenne-Russie, qui s'est tenu les 9 et 10 juin 2011 à Nijni Novgorod, la Commission européenne et les autorités russes ne sont pas parvenus à un accord.
Cela illustre les fortes réticences auxquelles se heurte encore chez certains Etats membres, dont l'Allemagne, l'idée d'une suppression des visas entre l'Union européenne et la Russie, que, pour ma part, j'appelai déjà de mes voeux dans mon précédent rapport de 2007.