C. JUSQU'OÙ ALLER PLUS LOIN ?

Ce panorama de la politique européenne en matière de sûreté nucléaire invite simultanément à la prudence et à l'optimisme.

Prudence compte tenu des obstacles qu'il a fallu surmonter pour parvenir à un commencement de législation européenne en matière de sûreté. Prudence encore pour ne pas calquer des solutions toutes faites sur un domaine très particulier.

Optimisme car la coopération des acteurs de ce secteur est intense et pallie en partie les insuffisances du cadre communautaire. Optimisme enfin à la vue des progrès enregistrés depuis deux ans.

Ce sentiment balancé conduit à regarder en face les obstacles à une intégration européenne plus poussée, notamment la création d'une agence européenne de la sûreté. Il y a les réticences traditionnelles face à l'abandon d'une parcelle de souveraineté et d'indépendance. La sécurité énergétique ne peut pas échapper aux Etats. Mais plus profondément, il faut s'interroger sur la plus-value réelle d'une telle intégration.

Claude Birraux, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, s'est exprimé très clairement contre la centralisation du contrôle de sûreté au niveau d'une agence communautaire, en dépossédant les autorités nationales de leur responsabilité. Une telle évolution aurait l'inconvénient d'affaiblir le contrôle de sûreté de deux manières : en éloignant géographiquement le contrôleur du contrôlé ; en dotant le contrôleur d'un arsenal juridique probablement moins puissant que celui aujourd'hui en vigueur dans les pays les plus exigeants, puisque cet arsenal centralisé résulterait nécessairement d'un compromis européen. Ces critiques rejoignent d'ailleurs en partie les critiques du Sénat sur « l'agenciarisation » de l'Union 17 ( * ) .

Cette analyse a été partagée par les différentes personnes auditionnées. En outre, en brusquant les acteurs du secteur, il existe un risque de casser la dynamique actuelle.

Ces réserves ne signifient aucunement qu'il ne faut rien faire de plus. Le modèle français est sans doute le ou l'un des meilleurs, mais il n'est pas possible de raisonner à l'échelle d'un pays. Il ne sert à rien, ou à pas grand-chose, d'être le meilleur si des pays proches n'atteignent pas un niveau de sûreté équivalent.

Les nouvelles initiatives européennes devront s'appuyer sur ce qui fonctionne depuis près de dix ans, c'est-à-dire la coopération des autorités nationales de sûreté. WENRA, et désormais l'ENSREG, ont acquis une légitimité qui doit être utilisée.

Les réflexions de vos rapporteurs se situent dans le cadre du traité Euratom. Celui-ci permet beaucoup, mais pas tout. Une agence européenne dotée du pouvoir d'autoriser ou d'arrêter une installation nucléaire excéderait probablement les compétences reconnues à la CEEA. On remarquera aussi que le Parlement européen est simplement consulté sur les textes en matière de sûreté nucléaire.

S'il est délicat de délimiter les possibilités ouvertes par le traité 18 ( * ) , on peut avancer que la lecture combinée des articles 30 à 39 :

- permet d'aller plus loin vers l'adoption de normes de sûreté européennes ;

- exclut de déposséder les Etats membres de leurs pouvoirs d'autorisation, de suspension, d'arrêt ou de sanction ;

- ne s'oppose pas au développement de contrôles extérieurs.


* 17 Voir la résolution européenne du Sénat n° 17 (2009-2010).

* 18 La jurisprudence de la Cour de justice de l'Union n'est pas abondante.

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