C. UNE APPROCHE EUROPÉENNE PAR LE BAS : L'INTENSE ET EFFICACE COOPÉRATION DES AUTORITÉS NATIONALES
Faut-il déduire de ce tableau que la sûreté nucléaire fonctionne en vase clos au sein de chaque État ? Cette conclusion serait inexacte. L'Europe de la sûreté nucléaire existe. Elle ne s'est pas construite par le haut, pour les raisons évoquées plus haut, mais par le bas, entre pairs.
1. L'ancienne coopération des exploitants
Les opérateurs ont ouvert le chemin. Dès 1989, les exploitants d'installations nucléaires à travers le monde se sont réunis au sein de la « World Association of Nuclear Operators » ( WANO). Rappelons que les normes de l'AIEA font de l'exploitant ou de l'opérateur le premier responsable de la sûreté. WANO est particulièrement active, puisque des revues par les pairs sur site sont organisées régulièrement dans ce cadre. D'autres enceintes d'opérateurs existent, telles que l'« Institute of nuclear power operations » (INPO) américain ou la « European nuclear installations safety standards » (ENISS).
2. L'émergence d'un pôle des autorités de sûreté
À mesure que des autorités de sûreté nucléaire ont été créées dans certains États, celles-ci ont créé des enceintes informelles d'échanges.
En 1999, les autorités de sûreté d'Europe de l'ouest ont créé l'association « Western european nuclear regulators » (WENRA) .
Ses premiers travaux ont porté sur l'évaluation de la sûreté des réacteurs et l'organisation du contrôle de la sûreté dans les pays candidats à l'Union européenne. Son rapport remis en 2000 à la Commission européenne est à l'origine de la décision de l'Union de soumettre l'adhésion de plusieurs pays d'Europe centrale et orientale à la programmation de la fermeture de certains de leurs réacteurs.
Le second grand chantier de WENRA a été d'élaborer en commun des niveaux de référence sur la sûreté nucléaire. Un peu plus de 300 niveaux de référence ou « Reference levels » ont été adoptés en 2007. Toutes les autorités de sûreté se sont engagées à les transposer avant fin 2010. Un rapport de transposition a d'ailleurs été examiné en 2010. Le bilan est globalement très positif.
WENRA qui comportait dix membres à l'origine, dont la Suisse, s'est ensuite élargie aux autorités de sûreté des nouveaux États membres. Elle compte aujourd'hui 17 membres et 8 observateurs, parmi lesquels les autorités de sûreté autrichienne, russe et ukrainienne.
Ce succès entre acteurs de terrain a créé les conditions du retour des États membres de l'Union européenne autour de la table de négociation après l'échec du paquet nucléaire en 2004. A la suite des conclusions du Conseil européen des 8 et 9 mars 2007, le Conseil a adopté la décision n° 2007/530 Euratom du 17 juillet 2007 créant le groupe européen de haut niveau sur la sûreté nucléaire et la gestion des déchets 15 ( * ) .
Ce groupe, communément appelé « Groupement européen des autorités nationales de sûreté nucléaire » ou ENSREG , a été l'enceinte d'élaboration de la future directive « sûreté » du 25 juin 2009 ainsi que de la proposition de directive « déchets » présentée par la Commission européenne le 10 novembre 2010 et qui est en cours de négociation.
Pour résumer, la répartition des rôles est la suivante. WENRA a la charge du travail technique. L'ENSREG joue un rôle politique de conseiller de la Commission européenne sur les questions de sûreté nucléaire. Du fait de la composition quasi identique de ces deux organisations, la seconde sert de passerelle aux travaux de la première. Vos rapporteurs sont convaincus que cette dynamique « ascensionnelle » doit être le moteur d'une Europe de la sûreté nucléaire plus ambitieuse.
* 15 A la différence de WENRA, l'ENSREG est composé uniquement de représentants nationaux des 27 États membres compétents en matière de sûreté nucléaire et d'un représentant de la Commission européenne qui en assure le secrétariat. Les chefs d'autorité de sûreté nationale y siègent en tant que représentants de leur gouvernement respectif. Ils peuvent donc recevoir des instructions de leurs gouvernements, à l'inverse de ce qui se passe au sein de WENRA.