B. UN ENGAGEMENT AMBIGU EN MATIÈRE DE SOLDE
1. Un objectif de solde « quelle que soit la conjoncture »
Un autre sujet d'interrogation est que le projet de programme de stabilité indique que « le Gouvernement est déterminé à poursuivre sa politique de consolidation des finances publiques afin de ramener le déficit public à 3 % du PIB à l'horizon 2013, quelle que soit la conjoncture ».
Bien que cela ne soit pas précisé, on peut supposer que cette « détermination » concerne non seulement l'objectif de solde de 2013, mais aussi celui des autres années de la programmation.
2. Un objectif de solde effectif serait pourtant de fait inapplicable
Un objectif de solde effectif défini année par année serait pourtant de fait inapplicable.
En effet, à moins de prévoir des marges de sécurité considérables, le Gouvernement ne serait pas en mesure d'effectuer un pilotage infra-annuel suffisamment fin. Le fait que le déficit public pour 2010, évalué à 7,7 points de PIB à l'automne 2010, ait en réalité été de 7 points de PIB, constitue de ce point de vue un cas d'école.
Par ailleurs, les fluctuations de l'activité économique pourraient rendre une telle règle inapplicable d'un point de vue macroéconomique. La politique budgétaire a en effet un impact sur la croissance du PIB et, dans certains cas de figure, le respect de l'objectif de solde impliquerait de réaliser un effort budgétaire tel que la croissance deviendrait très faible, voire négative.
Les estimations dépendent des hypothèses retenues en matière de « multiplicateur budgétaire » 44 ( * ) , mais, selon les estimations usuelles, dans le cas de la France le multiplicateur budgétaire est de l'ordre de 0,5. Il en résulte que pour réduire le déficit de 1 point de PIB, il faut prendre des mesures pour 1,3 point de PIB, qui réduisent la croissance de 0,7 point. Concrètement cela signifie qu'avec une croissance du PIB avant mesures supplémentaires de 0,5 % au lieu de 2,5 %, qui accroîtrait le déficit public d'1 point de PIB, il faudrait prendre des mesures supplémentaires pour 1,3 point de PIB, qui réduiraient le taux de croissance de 0,7 point, et la rendraient légèrement négative.
Ce phénomène serait encore plus marqué si tous les Etats de l'Union européenne poursuivaient un objectif de solde effectif, parce qu'au niveau de l'Union européenne le multiplicateur budgétaire est environ deux fois plus élevé qu'au niveau national. Or, il est vraisemblable que si la France subit un choc négatif sur la croissance, tel sera également le cas deses partenaires. Dans l'exemple retenu, pour réduire le déficit d'1 point de PIB, il faudrait prendre des mesures supplémentaires pour 2 points de PIB, qui réduiraient le taux de croissance de 2 points, et susciteraient une croissance négative de -1,5 %.
La prise en compte de l'effet dépressif de la
réduction du déficit public:
quelques ordres de grandeur
indicatifs
Hypothèse de multiplicateur budgétaire |
Réduction du déficit résultant de mesures de réductions de dépenses ou d'augmentations de recettes d'1 point de PIB |
Mesures de réductions de dépenses ou d'augmentations de recettes nécessaires pour réduire le déficit d'1 point de PIB |
Impact résultant sur la croissance du PIB |
(en points de PIB) |
(en points de PIB) |
(en points) |
|
0,5 |
0,75 |
1,3 |
0,7 |
1 |
0,5 |
2,0 |
2,0 |
1,5 |
0,25 |
4,0 |
6,0 |
2 |
0 |
[montant infini] |
- |
Source : calculs de la commission des finances
Pour ces raisons, la commission de finances et le groupe Camdessus rejettent - comme la quasi-totalité des économistes - l'idée d'une règle exprimée en termes d'évolution du solde effectif, et préconisent une règle définie par un plafond de dépenses et un plancher de mesures nouvelles sur les recettes. Par ailleurs, le Gouvernement s'engage dans la LPFP 2011-2014 à ce que la trajectoire de solde soit respectée dès lors que la croissance n'est pas inférieure à 2 % ( cf . ci-avant).
* 44 Le « multiplicateur budgétaire », ou « multiplicateur keynésien », traduit l'impact sur le PIB d'une évolution donnée du solde public, avant prise en compte de son effet sur la croissance. Ainsi, un multiplicateur budgétaire de 1 indique qu'une diminution ex ante du déficit public augmente la croissance de 1 point.