II. DES RELATIONS INTENSES AUJOURD'HUI FRAGILISÉES
A. UN PARTENARIAT FRUCTUEUX
1. La Suisse est le deuxième partenaire économique de l'Union européenne
Comme le rappelait l'ambassadeur de Suisse en France, M. Ulrich Lehner, lors de son audition devant votre commission 4 ( * ) , « le processus de construction européenne a été pour mon pays un gage de paix, de démocratie et de prospérité. En outre, le potentiel de croissance économique ou le niveau de vie en Suisse ne peuvent plus être dissociés de l'environnement dans lequel nous évoluons . »
A compter de la ratification de l'accord de libre-échange mis en place en 1972, qui a instauré une zone de libre-échange entre la Communauté économique européenne et la Suisse pour les produits industriels, les deux partenaires ont développé des relations économiques fructueuses.
A cet égard, il convient d'insister sur l'importance de l' accord bilatéral sur la libre circulation des personnes , signé dans le cadre des accords bilatéraux I.
En effet, cet accord prévoit :
- l'ouverture contrôlée des marchés du travail : citoyens des États membres de l'Union européenne et ressortissants suisses se voient accorder le droit de choisir librement leur lieu de travail et de domicile sur les territoires des parties.
Déjà évoquées, des périodes transitoires pendant lesquelles des restrictions à l'immigration peuvent être maintenues ont été définies, et, au-delà, une clause de sauvegarde pourra être invoquée pour limiter temporairement les autorisations ;
- l'institution d'un droit de séjour pour les personnes n'exerçant pas d'activité lucrative sur le territoire de l'autre partie ;
- la reconnaissance mutuelle des diplômes professionnels (pour les professions dites réglementées) ;
- la coordination des systèmes nationaux de sécurité sociale.
A l'heure actuelle, l'économie de l'Union européenne et celle de la Suisse sont très intégrées : la Suisse est le deuxième partenaire économique de l'Union européenne après les États-Unis .
Elle est aussi son troisième marché d'exportation , son quatrième partenaire commercial et le troisième investisseur étranger.
Les échanges commerciaux entre partenaires s'élèvent à 700 millions d'euros par jour et les investissements suisses représentent 1 million d'emplois en Europe.
L'Union européenne est, quant à elle, le principal partenaire commercial de la Suisse . Près des deux tiers des exportations suisses sont destinés aux vingt-sept États membres et, inversement, quatre cinquièmes des importations suisses en proviennent.
L'un des symboles de cette coopération fructueuse est le percement du tunnel du Saint-Gothard , achevé le 15 octobre 2010 : long de 57 kilomètres, ce tunnel permettra, à compter de 2017, la circulation de trains circulant à 200 km/heure et garantira la liaison Milan-Zurich en 2 h 40.
Ce projet, d'un coût total de 14 milliards d'euros, devrait donc alléger le trafic routier sur un axe prioritaire des réseaux transeuropéens. Ce projet a été financé aux deux tiers par une redevance sur les poids lourds instaurée dans le cadre des accords bilatéraux I entre l'Union européenne et la Suisse en 1999.
2. La Suisse est aujourd'hui un membre à part entière de l'espace Schengen
Dans le cadre des accords bilatéraux II, la Suisse a signé un accord d'association pour participer aux Règlements Schengen/Dublin le 26 octobre 2004. Cet accord, accepté par le peuple suisse le 5 juin 2005 (par 54,6 % de oui), est entré en vigueur le 12 décembre 2008.
Appartenant aujourd'hui à l'espace Schengen 5 ( * ) , la Suisse bénéficie donc de l'abolition des frontières intérieures pour la libre circulation des personnes et des marchandises .
En fait, la Suisse est partie intégrante de l'ensemble des mécanismes de l'accord de Schengen :
- la politique commune en matière de visas pour les séjours allant jusqu'à trois mois (les ressortissants d'États extérieurs à l'espace Schengen peuvent profiter du visa Schengen et n'ont plus à demander un visa supplémentaire pour visiter la Suisse lorsqu'ils voyagent dans l'Union européenne) ;
- les contrôles douaniers renforcés aux frontières extérieures de l'espace Schengen ;
- l'amélioration de la coopération policière transfrontalière, en particulier par l'échange d'informations facilité par le système d'information Schengen (SIS) ;
- une entraide judiciaire plus efficace. Toutefois, jusqu'alors, en matière fiscale, la Suisse n'accorde l'entraide judiciaire que si le délit à l'origine de la requête représente une fraude fiscale et non pas en cas d'évasion fiscale.
Dans l'hypothèse où l'acquis Schengen serait modifié pour imposer une obligation d'entraide judiciaire même pour les délits de soustraction d'impôt direct, la Suisse a négocié la possibilité d'une dérogation illimitée dans le temps ( opt out ).
L'abolition récente de la distinction entre fraude fiscale et évasion fiscale par la Suisse à l'égard des autres pays dans plusieurs accords bilatéraux récents, pourrait faire évoluer cette position.
Et grâce à la coordination imposée par le Règlement de Dublin, qui détermine quel pays européen est compétent pour l'examen d'une demande d'asile, les demandes d'asile multiples peuvent être évitées.
Mais la Suisse ne se contente pas d'appliquer les règles de l'espace Schengen : tout comme la Norvège et l'Islande, autres États associés, elle participe aux réunions des comités mixtes Schengen du Conseil de l'Union européenne en tant qu' observateur. Elle est donc informée et associée aux décisions.
Ce droit est important car la plupart des décisions au sein de ces comités sont prises par consensus.
Pour les autorités suisses, le bilan de cette adhésion est positif : la mise en oeuvre de cet accord a garanti à la Suisse de participer aux coopérations européennes dans les domaines de la sécurité et de l'asile. Comme l'a rappelé à votre rapporteur l'ambassadeur Henri Getaz, chef du Bureau de l'intégration au département fédéral des affaires étrangères de la Confédération suisse, cette adhésion a ainsi permis « d'éviter une frontière absurde entre l'Union européenne et la Suisse et de maintenir une coopération policière et douanière ancienne » avec les États membres frontaliers.
3. Le soutien de la Suisse à certaines politiques de l'Union européenne
a) Un soutien de longue date à l'élargissement de l'Union européenne et à sa politique de cohésion
Bénéficiant politiquement et économiquement de la stabilité et de la prospérité induites par les accords bilatéraux, la Suisse a estimé qu'elle devait assumer ses responsabilités vis-à-vis de ses voisins et partenaires européens : c'est pourquoi elle a décidé de fournir en 2004 une contribution de 1 milliard de francs suisses (environ 791 millions d'euros) à l'élargissement ou à la cohésion en soutenant des programmes dans les dix nouveaux États membres pendant une durée de cinq ans.
Une contribution supplémentaire de 257 millions de francs suisses (175 millions d'euros environ) a ensuite été instituée au profit de la Roumanie et de la Bulgarie à la suite de leur adhésion.
En pratique, la Suisse développe ses projets de manière autonome avec les États bénéficiaires. Les modalités pratiques de cet engagement ont néanmoins été définies par la Suisse et l'Union européenne dans un mémoire d'entente en février 2006.
b) Une action diplomatique qui peut s'avérer complémentaire à celle de l'Union européenne
Fidèle à sa tradition de neutralité, la diplomatie suisse poursuit sa politique de bons offices auprès de l'Union européenne sur la scène internationale , qui a d'ailleurs été saluée par le Conseil de l'Union européenne dans ses conclusions sur les relations bilatérales de décembre 2010.
Ainsi appuie-t-elle les efforts de l'Union européenne pour apaiser les tensions existant entre la Russie et la Géorgie.
Au Proche-Orient, la Suisse travaille à relancer le processus de paix israélo-palestinien et a pu servir d'intermédiaire entre l'Union européenne et certaines organisations régionales avec lesquelles elle a développé des contacts directs.
* 4 Audition du 17 février 2010.
* 5 Le premier accord de Schengen a été signé par cinq États membres de l'Union européenne en 1985. L'acquis de Schengen a été intégré dans le traité d'Amsterdam entré en vigueur le 1 er mai 1999. Deux États membres de l'Union européenne (Irlande et Royaume-Uni) n'appartiennent pas à l'espace Schengen mais participent au service d'information Schengen (SIS) alors que trois États tiers, Islande, Norvège et Suisse ont adopté l'acquis.