B. UN PARI EN PASSE D'ÊTRE GAGNÉ
En dépit des oppositions, les transferts de personnels prévus par la loi du 13 août 2004 et qui sont en cours d'achèvement, se sont globalement bien déroulés, selon l'avis de tous les experts auditionnés.
Sur les quelque 133 000 emplois en équivalent temps plein initialement estimés, 128 348 ETP ont déjà fait l'objet d'un transfert et d'une compensation.
La preuve tangible de cette réussite se trouve dans le choix massif des agents en faveur de l'intégration dans la fonction publique territoriale qui leur a permis d'améliorer très concrètement leur situation.
Vos rapporteurs considèrent que ces opérations, qui ont représenté un défi généralement sous-estimé, ont fait la démonstration d'un « véritable savoir faire » des collectivités territoriales en matière de ressources humaines et ont permis de donner une nouvelle dimension au service public local.
1. Une opération bénéfique pour les personnels intégrés
L'exercice du droit d'option, massivement favorable à la fonction publique territoriale, témoigne des avantages procurés aux agents par leur changement de statut, tant au plan matériel que de leurs relations avec leurs nouveaux employeurs.
a) Un exercice du droit d'option massivement favorable à la fonction publique territoriale
Après une période d'attentisme, somme toute normale, une très grande majorité des agents a opté avant la fin du délai imparti de deux ans. Si les proportions varient d'une collectivité à l'autre, elles s'établissent globalement selon un ratio de 2/3 d'agents optant pour l'intégration et d'1/3 pour le détachement . La proportion atteint même les 3/4 en faveur de l'intégration pour les agents de l'Équipement.
Les agents qui n'ont pas demandé leur intégration sont généralement ceux qui étaient en fin de carrière dans l'administration d'État et n'avaient pas envie, pour quelques mois ou années, de changer d'administration.
(1) Les personnels de l'éducation TOS
Ce transfert a été le plus gros défi à relever. La loi du 13 août 2004 a transféré aux départements et aux régions le recrutement et la gestion des personnels techniques, ouvriers et de service relevant du ministère de l'Éducation nationale et exerçant les missions dans les collèges et les lycées. Ce transfert, qui a débuté dès la publication du décret n° 2005-1631 du 26 décembre 2005 portant transfert des services ou parties de services du ministère de l'Éducation nationale, s'est achevé par le transfert au 1 er janvier 2009 des derniers optant et des personnels détachés d'office.
L'exercice du droit d'option par les personnels TOS titulaires a connu un succès inespéré: 86,30% des personnels TOS ont exercé leurs droits d'option entre détachement et intégration (soit 77 828 personnels TOS), tandis que le nombre de personnels détachés d'office s'élève à 5 817, soit 6,4% des agents transférables.
S'agissant de la répartition entre intégration au sein de la fonction publique territoriale et détachement sans limitation de durée, la part des personnels ayant opté pour l'intégration est de 68,4% et celle des personnels détachés est de 31,6% (taux comprenant les personnels détachés d'office). A ce transfert des personnels titulaires s'est ajouté le transfert des agents non titulaires de droit public, soit 3 476 ETP.
Au final, 94 804 ETP rémunérés ont été transférés (nombre comprenant les TOS et GTOS titulaires, les agents non titulaires et les emplois disparus), dont 49 729 ETP aux régions et 45 075 ETP aux départements . La proportion des postes vacants après transfert de services est quant à elle de 7%, soit 6 535 personnels TOS.
A ces derniers, il convient d'ajouter les personnels TOS des lycées agricoles.
Ce dernier transfert, qui a débuté dès la publication du décret n° 2006-1756 du 23 décembre 2006 portant transfert des services ou parties de services du ministère de l'Agriculture, s'est achevé cette année par le transfert au 1 er janvier 2010 des derniers personnels optants et des personnels détachés d'office. La loi du 13 août 2004 a également transféré aux régions le recrutement et la gestion des personnels TOS relevant du ministère de l'Agriculture et de la Pêche et exerçant leurs missions dans les établissements publics d'enseignement et de formation agricoles.
Sur les 2 330 agents en fonction, 2 115 agents ont été transférés aux régions à l'issue des trois campagnes de droit d'option. Au sein de ces agents transférés, la proportion de personnels ayant choisi l'intégration à la fonction publique territoriale est comparable, soit 67%, et celle des agents détachés sans limitation de durée (y compris les personnels détachés d'office) est de 33%. La part des postes vacants est quant à elle égale à 9%.
(2) Les personnels du ministère de l'Équipement
La méthodologie des transferts (les intéressés parlent même de « technologie ») suivie par le Ministère en charge de l'Équipement peut être jugée la plus satisfaisante . Assis sur une répartition rationnelle des compétences reposant sur des documents d'orientations stratégiques, ces transferts ont bénéficié d'un accompagnement très précis, piloté par le Secrétaire général du ministère, et d'une forte implication de l'encadrement des services déconcentrés.
Ce ministère a mis en place un dispositif d'accompagnement des réformes avec des instances de suivi au niveau national et des cellules d'accompagnement au niveau local. En complément, un dispositif financier destiné à compenser les pertes de rémunération ou mobilités du fait des réorganisations a été mis en place. Un dispositif d'aide exceptionnel a également permis d'accompagner les situations sociales les plus lourdes.
Les personnels du ministère de l'Équipement transférés en vertu de la loi LRL sont ceux intervenant dans des domaines très variés : les routes départementales, les routes nationales d'intérêt local, les ports départementaux et communaux, le fonds de solidarité pour le logement, les lycées professionnels maritimes, les aérodromes civils, les ports de l'État non autonomes et les ports et voies d'eau intérieurs. Tous les transferts de compétences prévus par les lois de 2003 et 2004 sont aujourd'hui effectués, sauf ceux qui concernent les voies d'eau, pour lesquelles la loi a prévu un transfert à la demande des collectivités.
Le mouvement des personnels routiers est également en voie d'achèvement après un long processus de partage de services. Une série de décrets sont respectivement intervenus le 7 novembre 2006, les 11 mai et 15 novembre 2007, le 19 décembre 2008 et le 23 décembre 2009, avec par conséquent des dates d'exercice du droit d'option différentes selon les domaines.
Aujourd'hui, on peut dire que les personnels des DDE ont été transférés dans leur quasi-totalité puisque les derniers personnels optants des services transférés en 2007 (RD, RNIL, FSL ports départementaux et lycées maritimes), qui représentent 95% des effectifs pouvant être transférés, ont été transférés en 2010 9 ( * ) :
• Services des routes départementales, des routes nationales d'intérêt local, des fonds de solidarité pour le logement, des ports départementaux et des lycées maritimes transférés au 1 er janvier 2007 (décrets des 7 novembre 2006 et 11 mai 2007) :
Sur les 26 634 ETP bénéficiant d'un droit d'option (correspondant à 26 882 agents) et à l'issue des trois vagues de droit d'option, 23 817 ETP, soit 24 019 agents, auraient été transférés soit sur la base d'une demande d'intégration, soit par détachement sans limitation de durée. Au sein des droits d'option exprimés, l'intégration aurait été choisie par 76% des agents. La proportion de postes vacants après transferts de service est de l'ordre de 10,6%.
• Services des routes départementales de Seine-Saint-Denis, des routes nationales d'intérêt local, des ports départementaux, des ports d'intérêt national et des voies d'eau transférés au 1er janvier 2008 (décrets du 15 novembre 2007) :
Après deux campagnes d'option, sur les 664 ETP bénéficiant d'un droit d'option (correspondant à 672 agents), 364 ETP, soit 369 agents, auraient été transférés. L'intégration aurait été choisie par 72% des agents.
• Services des routes nationales d'intérêt local, des voies d'eau et des ports départementaux transférés au 1er janvier 2009 (décrets du 19 décembre 2008) :
Sur les 301 ETP disposant d'un droit d'option (représentant 303 agents), 48,6 ETP, soit 49 agents, auraient exprimé un droit d'option au 31 août 2009 et ont donc été transférés au 1er janvier 2010. L'intégration aurait été à nouveau la position statutaire privilégiée par les agents, qui l'auraient choisie à 92 %.
Le ministère ne reconnaît que très peu de difficultés encore pendantes citant même certains personnels routiers qui auraient souhaité pouvoir intégrer la FPT alors même que le délai est passé ou que les dispositions législatives ne le prévoient pas.
Les difficultés d'ordre réglementaire ou statutaire concernent les agents encore en mise à disposition ou en détachement sans limitation de durée (DSLD). Les difficultés rencontrées sont le plus souvent liées à la disparition au niveau départemental des emplois correspondant aux missions transférées et exercées auparavant par les personnels d'exploitation au sein des DDE. De ce fait, la possibilité de retour à l'État de ces personnels rarement mobiles est rendue plus difficile. Cette situation peut s'avérer problématique dans certains cas particuliers qui conduisent à une interruption du DSLD (congé longue durée, disponibilité pour convenance personnelle ou congé individuel de formation...). Ces difficultés illustrent le fait que les conséquences du choix du DSLD par rapport à l'intégration n'ont pas toujours été bien évaluées par les agents malgré les importantes campagnes d'information et d'explication mise en oeuvre.
Comme l'ont précisé les représentants du ministère, «p our l'ensemble des agents çà s'est bien passé. Les agents ont été repositionnés soit dans les services des départements, soit dans d'autres services de l'État, tous les mouvements étaient validés en CAP, et les agents avaient la facilité de déposer des recours contre l'affectation proposée; on a réussi à négocier un aménagement des postes, on a trouvé des solutions transitoires, c'est un bon indicateur malgré l'ampleur du mouvement. Toutes CAP confondues, il y a eu à peine 300 recours contre leur nouveau positionnement, soit à peine 1 % des agents. »
Le choix d'une méthodologie très précise, pilotée par le Secrétaire général du Ministère et conduite par les services déconcentrés a, de l'avis général, donné de bons résultats.
(3) Les autres transferts
Moins importants numériquement, ces transferts ne sont pas moins révélateurs puisqu'ils confirment l'attrait suscité par la fonction publique territoriale. Comme l'a indiqué la DGCL à vos rapporteurs, les « petits transferts » de quelques dizaines de personnes ont parfois été plus complexes à gérer que des transferts plus importants. Les difficultés ont surtout émaillé les transferts du secteur sanitaire et social.
• Le transfert des personnels en charge des affaires sanitaires et sociales
Il convient de rappeler que la loi du 18 décembre 2003 a transféré aux départements la gestion du RMI et que la loi du 13 août 2004 a confié aux départements et aux régions des compétences dans les domaines de la solidarité, de la santé et de l'action sociale (FSL, FAJ, CLIC, CODERPA et fonds d'aides aux départements ; lutte anti-vectorielle aux deux départements Corse ; formations et bourses sanitaires et sociales aux régions).
Le décret du 20 août 2008 portant transfert définitif des services ou parties de services a fait l'objet d'une modification par le décret du 22 décembre 2008, afin d'intégrer sept départements et deux régions qui n'étaient pas initialement mentionnés.
Néanmoins, ce transfert a connu un important retard , le décret de partage de services n'ayant en effet été publié que le 21 août 2008, alors que les compétences transférées l'ont été dès 2004 pour le transfert du RMI et en 2005 s'agissant des compétences transférées aux départements et régions, en application de la loi du 13 août 2004.
Les difficultés ont été multiples . Le désaccord initial tient à une sous-estimation importante des effectifs à transférer et contestée par les départements, ce qui a conduit à diligenter une mission d'inspection 10 ( * ) . Par ailleurs, les ministères sociaux concernés (santé, solidarité) ont mis beaucoup de temps à se mobiliser et à s'investir pour organiser les transferts. Le solde de la dette au titre des compensations financières liées aux postes vacants n'est intervenu que l'année dernière en LFR pour 2009 (malgré un arbitrage favorable du Premier ministre obtenu dès 2008).
Autre particularité, seuls les départements ont pu bénéficier du transfert d'agents physiques, les régions recevant uniquement la compensation financière des fractions d'emploi et des frais de fonctionnement en raison de la faible consistance des services.
Au 1 er janvier 2011, les derniers personnels optants seront transférés.
A l'issue des deux vagues de droit d'option, sur 336 agents pouvant exercer leur droit d'option, 283 agents ont été transférés aux départements . L'intégration a été la position privilégiée par les optants avec un taux de 94,31%.
• L'inventaire général du patrimoine culturel
La loi du 13 août 2004 a transféré aux régions et à la collectivité territoriale de Corse des missions de gestion et de conduite de l'inventaire général du patrimoine culturel, l'État demeurant l'unique responsable de la définition des normes nationales ainsi que du contrôle scientifique et technique. Le transfert de service est entré en vigueur le 1 er février 2007.
Ce transfert, qui a débuté dès la publication du décret n° 2007-20 du 4 janvier 2007 portant transfert des services ou parties de services du ministère de la Culture, s'est achevé cette année par le transfert au 1 er janvier 2010 des derniers personnels optants et des personnels détachés d'office.
Le transfert des personnels a concerné 214 agents titulaires mis à disposition et 17 agents non titulaires. Selon les informations transmises par le ministère de la Culture et dans l'attente de la prise des arrêtés constatant le montant définitif du droit à compensation résultant du transfert de ces personnels, l'intégration aurait été choisie par 61% des agents . La proportion de postes vacants après le transfert de service serait de l'ordre de 13% environ.
• Les personnels du ministère de l'Agriculture participant à l'exercice des compétences décentralisées dans le domaine de l'aménagement foncier
En application de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, qui a confié au département la responsabilité de la conduite de la procédure d'aménagement foncier agricole et forestier, le transfert des services correspondants s'est opéré en trois vagues, de 2008 à 2010, afin de permettre à l'Etat d'achever les opérations d'aménagement foncier en cours au moment du transfert de compétences.
Pour les services transférés au 1 er janvier 2008 : le transfert de services relatif à la première vague est engagé depuis la parution le 1 er janvier 2008 du décret du 26 décembre 2007 de transfert de service. Ce transfert, qui concerne 48 départements, porte sur 23 emplois pourvus.
Après deux campagnes d'exercice du droit d'option, quatre agents ont demandé leur intégration et un agent a choisi le détachement.
Pour les services transférés au 1 er janvier 2009 : le transfert de ces services est engagé depuis le 1 er janvier 2009, en application du décret du 31 décembre 2008. Ce transfert, qui concerne 24 départements, porte sur 28 emplois pourvus.
A l'issue de la première période d'option, trois agents ont opté pour l'intégration.
• Les personnels des monuments historiques
Le transfert de plusieurs monuments historiques, en application de l'article 97 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, s'est accompagné du transfert des personnels affectés dans ces monuments historiques selon les mêmes conditions que celles prévues au chapitre II du titre V de la loi du 13 août 2004. Un droit d'option était ouvert à ces agents à compter de la date du transfert du monument historique sur le fondement de la convention portant transfert de propriété.
A ce jour, 26 agents ont exercé un droit d'option et 6 postes ont été constatés vacants. Les régions Bourgogne (Château de Châteauneuf) et Centre (Château de Chaumont) et les départements du Bas-Rhin (Château du Haut-Koenigsbourg) et de la Seine-Maritime (Abbaye de Jumièges) ont bénéficié du transfert de plusieurs agents et de la compensation financière qui en résulte.
• Les agents du Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF)
La loi LRL a confié au STIF les compétences en matière de déplacements urbains, d'organisation et de fonctionnement des transports scolaires et de remboursement des frais de déplacement des élèves et des étudiants handicapés. Ces transferts de compétences sont intervenus au 1 er juillet 2005.
Le décret interministériel n° 2009-954 du 29 juillet 2009 acte le transfert au STIF au 1 er septembre 2009 des services déconcentrés de l'Etat (ministères du Développement durable, de l'Intérieur et de l'Éducation nationale) qui participaient à l'exercice des compétences transférées au STIF.
Sur les 18 ETP occupant un emploi au 1 er septembre 2009, six agents du ministère de l'Éducation nationale ont exercé leur droit d'option.
• Les services en charge de la délivrance des autorisations préalables de changement d'usage des locaux destinés à l'habitation en application des articles L. 631-7 et suivants du Code de la construction et de l'habitation
L'article 13 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) transfère au 1 er avril 2009 aux maires des communes de plus de 200 000 habitants, ainsi qu'à ceux des communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le pouvoir, jusque-là exercé par le préfet, de délivrer les autorisations préalables de changement d'usage des locaux destinés à l'habitation dont le régime est codifié aux articles L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation.
Ce transfert de compétence s'accompagne d'un transfert de services, qui doit s'organiser selon les dispositions de la loi LRL. Le X de l'article 13 de la loi du 4 août 2008, complété par l'article 6 de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés, renvoie en effet aux dispositions du titre V de la loi LRL pour la mise en oeuvre de ce transfert.
Compte tenu de la diversité des situations, ce transfert de service se déroule en deux vagues :
- la première vague, dès le 1 er janvier 2010, concerne uniquement la ville de Paris ;
- la deuxième vague au 1 er janvier 2011 pour les communes de plus de 200 000 habitants et les communes de la petite couronne.
Enfin, on notera le bilan du transfert des services à la Ville de Paris : au 1 er janvier 2010, le nombre d'agents titulaires exerçant pour la totalité de leur temps de travail la compétence transférée est de trois pour le ministère de l'Intérieur et les éventuels droits d'option au 31 août 2010 ne prendront effet qu'au 1 er janvier 2011.
b) Une amélioration d'ensemble de la situation des personnels
Les raisons d'un tel succès sont d'abord à rechercher dans l'amélioration des conditions matérielles des personnels et de leurs relations professionnelles.
Il faut saluer, à cet égard, l'attitude des collectivités qui ont choisi de faire prévaloir le principe d'égalité de traitement entre tous les agents en fonction au sein de la collectivité sur les considérations financières.
(1) Les aspects matériels
Ces transferts se sont traduits par une amélioration indéniable des conditions matérielles des agents, avec une élévation de leur rémunération et l'accès à des avantages sociaux inconnus ou inaccessibles auparavant.
Cette augmentation des rémunérations résulte essentiellement de la revalorisation quasi générale des régimes indemnitaires, plus favorables que dans la fonction publique d'État.
Cet aspect indemnitaire est particulièrement évident pour les personnels de l'Éducation nationale, même s'il diffère d'une collectivité à une autre. Le choix a été fait d'un alignement progressif sur les autres personnels sans distinction.
Sur l'importance de cet apport financier, les constats varient. Si dans certaines collectivités cette revalorisation n'atteint que 10 à 20%, ailleurs elle dépasse 50%, comme au conseil général du Nord où elle atteint 60 à 70% sur deux ans. Au conseil régional de Picardie, des agents ont vu leur régime indemnitaire presque doubler, passant de 50 à 90% (sans compter parfois la prime d'évaluation en fin d'année, qui peut représenter jusqu'à un treizième mois). Dans certains cas, le régime indemnitaire des agents aurait triplé. C'est d'autant plus remarquable que cette dépense n'a pas été compensée, ce qui a nécessité un effort financier très important de la part des collectivités.
Par rapport à la rémunération globale de l'agent, cela représente une augmentation substantielle qui peut aller jusqu'à un cinquième de celle-ci.
Même constat pour les agents des DDE : les départements leur ont garanti un niveau de rémunération équivalent à celle perçue à l'État, hors indemnités de service fait (heures supplémentaires et astreintes).
Cela entraîne parfois des effets inattendus ou problématiques. L'augmentation du régime indemnitaire des agents TOS est parfois aussi venue casser la correspondance existant entre la hiérarchie des salaires et la hiérarchie des fonctions dans l'établissement. Dans certains départements, le régime indemnitaire mutualisé pour les personnels de l'Équipement est paru parfois défavorable aux catégories A et B.
Par ailleurs, les collectivités ont mené une politique sociale conforme au droit, là où l'État s'était montré très laxiste alors qu'il est soumis aux mêmes obligations définies par le tronc commun des garanties du statut général des fonctionnaires. Le retard constaté dans l'application des avantages sociaux seraient du, selon les responsables du ministère à l'alignement du régime des TOS sur celui du corps enseignant !
Les agents nouvellement intégrés sont devenus bénéficiaires de l'ensemble des dispositifs préalablement existants dans les collectivités.
En matière de médecine préventive , les collectivités ont en particulier mis en place des visites médicales annuelles obligatoires et systématiques, là où les personnels ne voyaient au mieux un médecin agréé que de temps en temps, avec un souci de prévention des maladies professionnelles.
Quant à la formation , outre les formations obligatoires (formation à l'hygiène et la sécurité, habilitations diverses, formation aux gestes et postures,...), les collectivités ont également proposé des formations de professionnalisation (restauration, accueil, entretien, équipes mobiles). Désormais, la formation est ouverte à tous et dispensée en proximité.
L'enquête menée par le CNFPT atteste l'ampleur des dispositifs rapidement mis en place. Elle témoigne « en creux » d'une pratique auparavant quasi inexistante ou uniquement pour les agents de la restauration. Selon un représentant syndical, « avant il n'y avait pratiquement rien, les chefs de service n'envoyaient pas en formation, c'était une gestion académique ».
Enfin, les agents ont eu, souvent pour la première fois, accès à certaines prestations d'action sociale.
Beaucoup de collectivités sont adhérentes au comité national d'action sociale (CNAS) pour les personnels des collectivités territoriales. Les agents des collèges et des lycées peuvent ainsi, par exemple, adhérer au comité des oeuvres sociales (COS) de la collectivité, l'octroi des prestations étant traditionnellement orienté vers les agents à faible revenu.
Les enquêtes faites auprès de ces organismes révèlent que les chèques vacances en particulier ont rencontré un grand succès parmi les agents et qu'ils représentent souvent le montant le plus important de l'action sociale. Mais d'autres prestations sont aussi devenues accessibles comme les allocations de rentrée scolaire ou de garde d'enfant, les allocations prévoyance, les tickets restaurant pour les journées de permanence et les prêts à taux zéro.
Pour les cas de surendettement ou de difficulté financière, des fonds d'intervention sociale ou de secours exceptionnel sont mobilisés et un suivi spécial par les assistants sociaux est assuré au niveau de la collectivité.
(2) Un nouveau type de relations avec leurs employeurs
Surtout, les agents ont désormais les avantages d'une gestion de proximité. L'environnement de travail de ces personnels a considérablement évolué.
Selon toutes les enquêtes, ils apprécient particulièrement l'écoute et la disponibilité des interlocuteurs qui ont été mis en place par les structures régionales et départementales. La proximité des lieux de décision facilite, pour les agents, le recours à la collectivité employeur. Les agents apprécient d'avoir des interlocuteurs identifiés, disponibles et stables dans le temps.
La réactivité des employeurs est accrue avec une meilleure prise en compte des difficultés individuelles et une volonté de les régler. Les dispositifs mis en place permettent aussi de proposer rapidement des solutions quand des problèmes se présentent. Ils ont aussi accès aux assistants sociaux, médecins, psychologues présents sur place.
Pour être au plus près des personnels, les collectivités ont souhaité mettre en place une communication directe avec les agents. Par conséquent, les agents ont le sentiment d'une reconnaissance de leur travail. L'intérêt qu'a porté la collectivité à leurs profils, aux conditions de travail, à leurs métiers, est perçu comme la preuve d'une véritable considération. La forte mobilisation des politiques lors du transfert a également participé de ce sentiment de reconnaissance.
La reconnaissance passe aussi par une valorisation de leur activité à l'extérieur. L'action de communication d'une collectivité sur les métiers des personnels des établissements d'enseignement à destination du grand public a largement été appréciée par les agents.
Le dialogue social a aussi été favorisé. Les collectivités se sont investies dans des relations de dialogue et de concertation avec les organisations syndicales et, finalement, il y a eu peu de relations conflictuelles entre syndicats et collectivités.
Une nouveauté a beaucoup marqué, pour des raisons autant symboliques que financières : l'arbre de Noël et les voeux du Président du conseil général (ou régional).
Lors de son audition, le Président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, M. Bernard Derosier, a résumé cette révolution ainsi : « Malgré les réticences de départ, l'ensemble des interlocuteurs considèrent aujourd'hui que l'intégration s'est faite dans de bonnes conditions. D'abord, parce qu'il y avait des avantages significatifs à la clé, notamment les avantages matériels, à travers le régime indemnitaire, une évolution de carrière accélérée, des prestations d'action sociale plus étendues, un suivi médical. J'ai vu, à titre personnel, dans mes responsabilités, des agents qui n'avaient pas vu de médecin pendant dix ou quinze ans, et à qui on a proposé une visite tous les deux ans pour vérifier leur état de santé. Cela a considérablement amélioré leurs conditions de travail. Les agents ont également apprécié la gestion de proximité qui prenait généralement les mêmes formes : on les associe à des voeux de début d'année, à des manifestations où ils se retrouvent, alors qu'ils étaient avant complètement ignorés dans leur établissement par leur administration de référence . »
* 9 Doivent être transférés au 1 er janvier 2011 les personnels relevant des services transférés en 2008 ayant opté au cours de la dernière vague de droits d'option des personnels, ceux des services transférés en 2009 ayant opté au titre de la seconde vague de droits d'option et les personnels des services transférés en 2010 ayant opté au titre de la première vague de droits d'option ; ces transferts concernent des effectifs d'une moindre importance par rapport à ceux des services transférés en 2007.
* 10 « Évaluation des transferts de personnels pour l'exercice des compétences décentralisées dans les domaines de la solidarité, de la santé et de l'action sociale » de Patrice O'MAHONY (IGA), Michel RAYMOND (IGAS), Marc-David SELIGMAN (IGAS).