2. Mettre la zone euro à l'abri d'une crise systémique
Les opérateurs financiers se sont rendu compte de l'inertie des dirigeants européens , d'autant plus que ceux-ci ne disposaient alors pas d'outils pour réagir promptement, et ont compris que la faillite d'un État membre n'était plus une hypothèse d'école, ce qui a provoqué une panique sur les marchés .
Les atermoiements des dirigeants européens pendant la crise grecque ont convaincu les marchés que l'Europe n'était pas gouvernée et ont fait naître des doutes sur la solidité et la viabilité de la monnaie unique elle-même, avec d'éventuelles conséquences sur le système financier international. Rappelons que le président des États-Unis est d'ailleurs intervenu pour demander que l'Europe prenne des mesures rapides et adéquates.
C'est pourquoi, afin d'éviter que la crise grecque ne se transforme en crise systémique affectant la stabilité de la zone euro, un mécanisme de stabilisation financière d'une ampleur inédite de 750 milliards d'euros - sa portée est « historique » a déclaré le secrétaire d'État chargé des affaires européennes lors de son audition devant votre commission, le 18 mai dernier - a été mis en place, dans la nuit du 9 au 10 mai 2010.
Ce mécanisme, qui concrétise l'engagement pris par les chefs d'État et de gouvernement de la zone euro dans leur déclaration du 25 mars 2010 de « disposer d'un cadre robuste pour la résolution des crises », a été conçu de la manière suivante :
- un premier volet communautaire , inspiré du mécanisme d'aide à la balance des paiements des États membres qui n'appartiennent pas à la zone euro, prévoit des concours, garantis sur le budget de l'Union européenne, à hauteur de 60 milliards d'euros , fondé sur l'article 122.2 du traité selon lequel : « Lorsqu'un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d' événements exceptionnels échappant à son contrôle , le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière de l'Union à l'État membre concerné [...] ». Cette assistance peut être apportée à tous les États membres. Concrètement, la Commission pourra contracter des emprunts sur les marchés financiers ou auprès des institutions bancaires puis prêter ces sommes aux États membres en difficulté. Des fortes conditionnalités , y compris des engagements en termes d'économies budgétaires, sont attachées à l'octroi des fonds et sont vérifiées régulièrement ;
- un deuxième volet intergouvernemental , qui, dans le cadre d'une structure ad hoc d'une durée de trois ans, dite Special Purpose Vehicle (SPV), bénéficiera de garanties des États membres de la zone euro pouvant aller jusqu'à 440 milliards d'euros , répartis au prorata de leur participation au capital de la BCE, soit une garantie de 88 milliards d'euros pour la France. Les États non membres de la zone euro peuvent participer volontairement à ce mécanisme, la Suède et la Pologne ayant fait part de leur intention d'y contribuer ;
- un troisième volet prévoit des interventions du FMI , jusqu'à la moitié de la contribution européenne, soit 250 milliards d'euros .
Dans le même temps, la BCE a accepté de procéder à des interventions exceptionnelles concernant les secteurs des obligations publiques et privées dans la zone euro, c'est-à-dire en achetant des dettes souveraines sur les marchés secondaires, ce qu'elle avait toujours refusé de faire jusqu'alors.
Ce fonds de stabilisation, qui a été mis en place en quelques jours quand il avait fallu trois mois pour finaliser le plan à la Grèce, vient indéniablement donner un contenu au concept de gouvernance économique en Europe en instaurant un mécanisme concret de solidarité , certes obligée, au sein de la zone euro, en contrepartie de conditions strictes.