2. Les limites d'une politique monétaire unique et de politiques budgétaires multiples
Le policy mix européen est élaboré dans le cadre de l'Union économique et monétaire (UEM), créée par le traité de Maastricht de 1992, qui prévoit la création d'une monnaie unique, appelée à être progressivement partagée par la quasi-totalité des États membres au fur et à mesure de leurs capacités à remplir différentes conditions.
À ce titre, l'UEM s'est dotée d'une politique monétaire unique , définie de façon indépendante par la BCE.
En revanche, la politique budgétaire demeure une compétence des États membres , afin qu'ils puissent l'adapter à d'éventuels chocs asymétriques, même s'ils ont pris l'engagement de respecter un certain nombre de critères de convergence - les fameux « critères de Maastricht » portant sur la limitation du déficit public, de la dette publique, du niveau de l'inflation, des taux d'intérêt de long terme et des fluctuations du taux de change par rapport à la monnaie unique.
Le Pacte de stabilité et de croissance de 1997 a prolongé dans le temps les critères de Maastricht. Ce ne sont plus simplement des critères pour entrer dans la zone euro, mais des critères devant être respectés en permanence après l'adoption de la monnaie unique : déficit public inférieur à 3 % du produit intérieur brut (PIB), dette publique inférieure à 60 % et recherche de l'équilibre budgétaire à moyen terme.
Le Pacte de stabilité et de croissance Le Pacte de stabilité et de croissance était initialement constitué de trois textes : - le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, qui correspond au volet préventif du Pacte ; - le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, qui correspond au volet correctif du Pacte ; - la résolution du Conseil européen sur le Pacte de stabilité et de croissance, annexée aux conclusions du Conseil européen d'Amsterdam des 16 et 17 juin 1997. |
Cet encadrement des politiques budgétaires est fondé sur la volonté d'éviter qu'un État membre ne soit incité à laisser s'accroître son déficit en espérant en faire supporter le coût par les autres États membres. Il s'agit de se prémunir contre ce que les économistes appellent l'aléa moral .
Les États membres ont toutefois, en principe, l' obligation de coordonner leurs politiques budgétaires et économiques nationales , dans le cadre d'une surveillance multilatérale exercée par la Commission européenne et le Conseil.
En matière monétaire, la gouvernance européenne a globalement donné satisfaction. En effet, même si les objectifs assignés par les traités à la BCE ont pu faire l'objet de controverses quant à leur opportunité, ils ont le mérite d'être simples et clairs. La BCE a notamment pour mission de mettre en oeuvre la politique monétaire dans la zone euro et s'est vue assigner un objectif principal, garantir la stabilité des prix, c'est-à-dire une inflation inférieure à 2 %, ainsi que des objectifs secondaires en termes de croissance et d'emploi et de politique de change. À cet égard, la BCE s'est globalement bien acquittée de sa mission en contenant l'inflation et en maintenant des taux d'intérêt relativement bas.
Il n'en va pas de même en matière budgétaire.
D'une part, rappelons qu'il n'existe pas de politique budgétaire unique et la dimension réduite du budget communautaire, qui représente 1 % du PIB de l'Union européenne, soit environ 130 milliards d'euros, ne peut jouer le rôle traditionnellement dévolu à la politique budgétaire, par exemple en matière de stabilisation de la conjoncture. En outre, les rigidités inhérentes au processus de négociation du budget communautaire expliquent la non-réactivité de ce dernier en cas de choc économique.
D'autre part, dès l'origine, le Pacte de stabilité et de croissance , qui constitue l'un des seuls instruments de coordination des politiques économiques, a été critiqué .
Ses dispositions, pour pouvoir être appliquées, font l'objet de procédures de contrôle dont la mise en oeuvre dépend largement du bon vouloir du Conseil , c'est-à-dire des États membres :
- une surveillance multilatérale préventive, qui prend principalement la forme de programmes de stabilité ou, pour les États membres hors zone euro, de convergence, actualisés chaque année, dans lesquels les États membres présentent leurs objectifs budgétaires à moyen terme et qui donnent lieu à l'adoption par le Conseil de conclusions et de recommandations ;
- une procédure corrective, dite pour déficit excessif : le Conseil peut aller jusqu'à prendre des sanctions, par exemple sous forme de dépôts non productifs d'intérêts et d'amendes, si les dispositions du Pacte ne sont pas respectées.
Dès l'origine, la question de la viabilité d'un fédéralisme monétaire sans fédéralisme budgétaire a été posée. Cette situation a indéniablement constitué un facteur de distorsion et de faiblesse préjudiciable à l'économie européenne.
La crise de l'euro a d'ailleurs redonné à cette question son actualité. Elle a placé la zone euro dans une situation très délicate résultant du caractère boiteux de sa conception initiale : alors que la politique monétaire unique rend impossible l'adaptation à la diversité des situations, la forte dégradation des finances publiques fait disparaître toute marge de manoeuvre budgétaire.
Enfin, la zone euro n'étant pas ce que les économistes appellent une zone monétaire optimale, elle n'a pas été capable de résister à un choc asymétrique . Contrairement à la situation prévalant aux États-Unis, par exemple, la mobilité des travailleurs est relativement faible en Europe, l'intégration politique y est peu poussée, et le budget communautaire réduit. Les chocs asymétriques n'y sont donc pas lissés.
Une union monétaire peut difficilement fonctionner sans mécanisme de coordination budgétaire. Or, celui prévu pour la zone euro n'a pas fonctionné.