2. La surveillance budgétaire
Le Pacte de stabilité et de croissance a échoué à assurer le respect des critères de finances publiques et à éviter une crise de l'endettement en Europe.
C'est pourquoi la recherche d'une plus grande discipline budgétaire grâce à un renforcement du Pacte constitue le premier objectif de la réforme de la gouvernance économique, fixé par le groupe de travail présidé par Herman Van Rompuy.
Des progrès substantiels ont été réalisés en ce qui concerne le renforcement de la surveillance budgétaire.
Celle-ci a démontré son inefficacité : le volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance n'est pas suffisamment dissuasif, tandis que son volet correctif, qui comporte un ensemble de sanctions, n'est guère applicable.
Pour être plus efficace, la surveillance budgétaire doit être permanente et intervenir le plus en amont possible. Actuellement, le non respect des critères de finances publiques ne peut être sanctionné que trop tardivement, les sanctions n'intervenant qu'au stade final de la procédure prévue par le Pacte. Or, on l'a vu, les sanctions prévues ne sont pas appliquées.
Volet préventif du Pacte
Un consensus s'est dégagé sur la nécessité d'améliorer le volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance en le rendant plus contraignant afin de détecter le plus tôt possible les risques de dérive du déficit et de la dette publics . Il s'agit en quelque sorte d'aider les États membres à devenir plus vertueux.
Le 29 septembre dernier, la Commission a présenté une proposition de règlement modifiant le volet préventif du Pacte pour renforcer la surveillance des positions budgétaires (6 ( * )).
L'ensemble des Etats membres, et pas seulement ceux de la zone euro, sont appelés, pour atteindre leur objectif budgétaire à moyen terme, à respecter le principe de politique budgétaire prudente , selon lequel la croissance annuelle des dépenses ne devrait pas dépasser un taux de croissance prudent du PIB sur le moyen terme. Le but est d'éviter que des recettes exceptionnelles soient dépensées, alors qu'il convient de les affecter à la réduction de la dette. Les programmes de stabilité ou de convergence seront évalués au regard de ce principe de politique budgétaire prudente. Si un Etat membre ne respecte pas ce principe, il s'expose à recevoir un avertissement de la Commission et, en cas de manquement persistant ou particulièrement grave, une recommandation du Conseil l'invitant à prendre des mesures correctives.
Par ailleurs, les cadres budgétaires nationaux devraient davantage prendre en compte les objectifs fixés par la surveillance budgétaire au niveau communautaire. C'est ce que vise la Commission avec sa proposition de semestre européen ( cf . infra ).
Ces cadres budgétaires seraient également rénovés grâce à l'établissement de normes de présentation communes permettant d'accroître la transparence des informations budgétaires et d'effectuer des comparaisons entre États membres de manière à faciliter l'évaluation des programmes de stabilité ou de convergence.
Le 29 septembre dernier, la Commission a ainsi présenté une proposition de directive sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des Etats membres (7 ( * )). Ce texte vise à fixer des règles détaillées relatives aux caractéristiques que les cadres budgétaires des Etats membres doivent présenter pour garantir l'efficacité de la procédure de déficit excessif. Il détermine des normes européennes minimales à respecter pour favoriser la transparence et faciliter le suivi des évolutions budgétaires, en prévoyant par exemple la publication régulière de données budgétaires afférentes à tous les sous-secteurs de l'administration publique. Les Etats membres devront également adopter une planification budgétaire pluriannuelle à trois ans au moins, comprenant des objectifs budgétaires à moyen terme. Ils devront aussi fournir des informations détaillées sur les fonds extrabudgétaires ou les dépenses fiscales.
C'est également dans le cadre du débat sur la prévention des déficits que la Commission a proposé que les États membres intègrent l' objectif de finances publiques saines dans leur droit national . Il s'agirait pour eux de disposer de procédures budgétaires leur permettant de respecter les dispositions des traités relatives à la discipline budgétaire. Les États membres pourraient ainsi se doter de dispositifs contraignants pour aboutir à cet objectif.
Cette question renvoie au débat sur l' introduction dans les constitutions des États membres d'une règle d'équilibre des finances publiques , comme l'a fait l'Allemagne.
Ce pays a introduit dans la Loi fondamentale, en août 2009, une disposition, qui entrera en vigueur en 2011, qualifiée de « frein aux déficits », qui comporte les deux obligations suivantes :
- à compter de 2016, le déficit structurel de l'État fédéral devra être inférieur ou égal à 0,35 % du PIB ;
- à compter de 2020, les comptes des Länder devront être à l'équilibre structurel.
Concrètement, le gouvernement allemand sera contraint à réduire le déficit budgétaire d'environ 10 milliards d'euros par an jusqu'en 2016. Cette mesure devrait faire reculer l'endettement public de façon significative.
L'idée a été avancée que les États de la zone euro puissent, eux aussi, modifier leur Constitution dans ce sens.
Cette question a également été débattue en France, où le Premier ministre a confié à une commission présidée par Michel Camdessus, Gouverneur honoraire de la Banque de France, la mission d'établir un rapport sur les modalités à retenir pour mettre en oeuvre l'objectif d'équilibre des finances publiques.
Le rapport Camdessus, remis en juin dernier, propose une révision de la Constitution aux termes de laquelle le Parlement voterait des lois-cadre de programmation des finances publiques qui détermineraient les normes d'évolution et les orientations pluriannuelles des finances publiques en vue d'assurer l'équilibre des comptes des administrations publiques, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Une loi organique préciserait le contenu des lois-cadre de programmation des finances publiques, la période qu'elles couvrent et celles de leurs dispositions qui s'imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Cette révision de la Constitution permettrait de fixer une trajectoire impérative de réduction des déficits et la date de retour à l'équilibre structurel des finances publiques.
Pour l'un de vos rapporteurs, M. Richard Yung, la modification de la Constitution ne paraît ni utile ni opportune. Elle transférerait la responsabilité budgétaire ultime à une instance juridictionnelle alors qu'il s'agit de la responsabilité première du Parlement. Elle introduirait une rigidité qui pourrait se révéler néfaste dans certaines situations conjoncturelles. Enfin, elle ferait du solde budgétaire l' ultima ratio de toute politique économique, alors que d'autres critères doivent être pris en compte et d'autres instruments utilisés.
À ce propos, vos rapporteurs sont d'avis que le Pacte de stabilité et de croissance, qui a trop souffert du primat accordé aux seuls paramètres budgétaires, devrait prendre en compte d'autres critères économiques tels que l'emploi, la politique d'investissement ou l'effort de recherche-développement, afin que la situation particulière des États membres puisse être appréhendée lorsqu'il s'agira pour eux de mettre en oeuvre des mesures de redressement. L'application des dispositions du Pacte ne saurait s'affranchir d'une analyse économique d'ensemble permettant de tenir compte, de façon réaliste, de leurs capacités à corriger plus ou moins rapidement les déséquilibres qui les affectent.
Vos rapporteurs estiment également que les critères du Pacte devraient pouvoir être rendus plus flexibles en fonction de la conjoncture économique mondiale. Ainsi, les critères actuels seraient à respecter en période de croissance soutenue, mais seraient modifiés dans un sens moins rigoureux en cas de récession économique ou de crise systémique afin de pouvoir conduire des politiques contracycliques. Il paraît en effet inutile de chercher à respecter des critères qui ne peuvent l'être et il serait préférable d'adapter des règles plutôt que de les voir systématiquement transgressées par les États membres.
Volet correctif du Pacte
Le volet correctif du Pacte de stabilité et de croissance est, pour l'essentiel, axé sur la procédure de déficit excessif qui prévoit un certain nombre de sanctions. Or, ce dispositif, dans les faits, a démontré son caractère inopérant. En outre, il présente le défaut d'être procyclique, puisque les efforts entrepris par un État membre pour ramener son déficit budgétaire en-dessous du seuil de 3 % pourraient avoir des effets récessifs et briser une éventuelle reprise économique.
Vos rapporteurs considèrent que le retour à un déficit de 3 % doit être modulé selon la situation de chaque pays et selon un calendrier approprié, fixé d'un commun accord entre la Commission et l'Etat membre concerné. La distinction entre déficit structurel et déficit lié à l'investissement, l'innovation et la recherche en particulier, doit également être prise en compte.
La procédure de déficit excessif interviendrait plus tôt afin que les États membres qui ne respectent pas le Pacte de manière répétée puissent être sanctionnés plus rapidement.
De même, compte tenu du rôle joué par l'endettement massif des États européens dans le déclenchement et l'aggravation de la crise de la zone euro, une attention accrue sera portée au critère de la dette , à la fois dans la définition des objectifs budgétaires, de telle sorte qu'un État membre plus endetté ait des objectifs budgétaires plus ambitieux, et dans la procédure de déficit excessif.
Concrètement, un État membre présentant une dette publique supérieure à 60 % de son PIB pourrait faire l'objet d'une procédure pour déficit excessif dès lors que son endettement n'a pas suffisamment diminué, dans un délai donné, par rapport à une valeur de référence numérique. De même, si un État membre voit son déficit budgétaire passer en-dessous du seuil de 3 % du PIB, la procédure pour déficit excessif pourrait ne pas être close, dès lors que la trajectoire de son niveau d'endettement laisse supposer que celui-ci ne va pas baisser à l'avenir. La Commission évoque la nécessité d'une diminution annuelle de 1/20 e de l'écart entre le seuil de 60 % et le taux d'endettement effectif. Le lien entre le déficit et la dette, la seconde étant le résultat de la répétition dans le temps du premier, serait ainsi mieux pris en compte. Tel est l'objet de l'une des propositions de règlement que la Commission a présentées le 29 septembre dernier (8 ( * )) .
D'une manière générale, la question du renforcement de la surveillance budgétaire revêt une dimension éminemment politique : jusqu'où les États membres acceptent-ils de donner davantage de pouvoir aux institutions communautaires pour surveiller leur politique budgétaire ? La réponse à cette question prend la forme d'un dilemme : soit le dispositif institué est simple, mais il est brutal et ne permet guère d'apporter une solution très élaborée, soit il est plus sophistiqué, mais il prend alors le risque d'être peu lisible et de représenter une intrusion trop grande dans les politiques budgétaires nationales.
L'accord conclu, le 18 octobre dernier, à Deauville, entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, sous la forme d'une « Déclaration franco-allemande » , constitue une étape importante pour le renforcement du gouvernement économique européen.
* (6) COM (2010) 526 final.
* (7) COM (2010) 523 final.
* (8) COM (2010) 522 final.