CHAPITRE I
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CHRONIQUE D'UNE PANDÉMIE ANNONCÉE

Depuis 1999, l'OMS a mené un travail très actif de préparation à une éventuelle pandémie grippale et a incité les Etats membres à élaborer des plans nationaux de réponse. A partir de 2004, ce travail s'est focalisé sur le risque d'une pandémie H5N1 virulente et à propagation rapide.

Le virus aviaire A (H5N1), apparu en 1997, s'est répandu dans le Sud-Est asiatique en 2003 puis s'est propagé dans plusieurs régions du monde, devenant une panzootie.

La souche H5N1 est peu transmissible à l'homme (quelque 200 cas depuis la mi-2003), mais est dans ce cas très virulente (50 à 60 % de décès).

Elle pourrait donner lieu à une pandémie si elle devenait transmissible de l'homme à l'homme, à la suite d'une mutation ou d'une recombinaison avec un virus grippal humain.

Ce risque existe, mais personne ne peut prédire si et quand il se réalisera. De plus, comme l'observait en 2006 un responsable de l'Organisation mondiale de la santé animale 2 ( * ) (OIE), rien ne permet d'affirmer, s'il devait y avoir une (nouvelle) pandémie de grippe, qu'elle serait provoquée par le H5N1 asiatique : « c'est un bon candidat, mais peut-être pas le meilleur » .

Le virus H5N1 était en tout cas le candidat de l'OMS et, comme le notait le même responsable de l'OIE, « les prédictions alarmistes de certains experts de l'OMS en 2004 ont incité les pays riches à investir massivement dans l'achat de masques, de coûteux antiviraux et de vaccins » 3 ( * ) .

Cette dynamique d'anticipation eut trois conséquences : le niveau de risque élevé sur lequel se sont fondés les plans élaborés par l'OMS et les Etats membres ; le fait que la « pandémie annoncée » est insensiblement devenue une « pandémie attendue » ; la mise en cause de l'OMS, lorsque la pandémie de grippe A (H1N1)v déclarée le 11 juin 2009 s'est révélée bien différente de la pandémie annoncée.

I. L'EFFORT DE PRÉPARATION DES ÉTATS DEVANT L'IMMINENCE D'UNE PANDÉMIE DE GRIPPE H5N1

A. L'ÉLABORATION DES PLANS DE LUTTE CONTRE UNE MENACE SANITAIRE DE GRANDE AMPLEUR

1. Une recommandation de l'OMS dès 1999, mais une accélération des efforts devant l'imminence d'une pandémie de grippe H5N1

Dès sa création en 1948, l'OMS a mis en place, dans le cadre de son « Programme mondial pour la surveillance de la grippe », un réseau de surveillance des virus grippaux reposant sur une centaine de laboratoires nationaux. Ce réseau en compte aujourd'hui 139 répartis dans 101 pays. Il est chargé de fournir une alerte rapide, des évaluations scientifiques et l'information nécessaire pour actualiser la composition des vaccins antigrippaux.

Les réflexions sur le risque de pandémie grippale ont été plus tardives . C'est en 1999 , deux ans après la première manifestation chez l'homme du virus A (H5N1) hautement pathogène à Hong Kong, que l'OMS élabore son premier « Plan mondial de préparation à une pandémie de grippe » , dans lequel elle recommande aux Etats membres de constituer des comités nationaux de prévention des pandémies.

L'appel lancé par l'OMS en 1999 a constitué, comme le soulignait M. Didier Houssin, directeur général de la santé, devant la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la grippe aviaire 4 ( * ) , le point de déclenchement du processus de préparation français qui aboutit, en octobre 2004, au premier plan français « Pandémie grippale ». D'abord classé « confidentiel défense », ce plan sera rendu public en mai 2005 après une première réactualisation.

Mais les efforts de préparation des Etats membres s'intensifient surtout à partir de 2005/2006 compte tenu de l'inquiétude grandissante face aux flambées épizootiques brutales et massives d'influenza aviaire en Asie.

La souche H5N1 est encore peu transmissible à l'homme, mais sa très forte virulence chez les oiseaux et les mammifères (soit un taux de létalité de 61 % 5 ( * ) ), fait redouter une pandémie particulièrement meurtrière si le virus devenait transmissible d'homme à homme, à la suite d'une mutation ou d'une recombinaison avec un virus grippal humain.

Dans ses premières simulations, l'Institut de veille sanitaire (InVS) évalue alors l'impact d'une pandémie, pour la France - sur la base des pandémies historiques et en l'absence de toute intervention sanitaire - compris entre 9 et 21 millions de malades, 91 000 et 212 000 décès, et entre 500 000 et un million de personnes qui pourraient développer des complications nécessitant une hospitalisation 6 ( * ) .

Ces inquiétudes sont relayées par les propos alarmistes d'experts, comme l'épidémiologiste Michael Osterholm qui indiquait en 2005 que, sans préparation adéquate, « le coût humain, même si l'épidémie se révèle modérée, sera dévastateur et on ne peut imaginer le coût des désordres économiques mondiaux durant plusieurs années » 7 ( * ) .

Le plan de l'OMS, réactualisé en 2005, se fait dès lors plus explicite : « chaque pays est instamment prié d'élaborer ou de mettre à jour un plan national de préparation à la grippe conformément aux recommandations figurant dans ce document » 8 ( * ) .

Un nouveau plan français, le plan gouvernemental de prévention et de lutte « Pandémie grippale », est ainsi élaboré le 6 janvier 2006, qui annule et remplace le précédent.


* 2 M. Jean-Luc Angot, alors directeur général adjoint de l'OIE, « la société internationale et les grandes pandémies », Actes des 14 èmes rencontres internationales d'Aix-en-Provence, octobre 2006 (éditions Pédone, 2007).

* 3 Ibidem.

* 4 Assemblée nationale - Mission d'information sur la grippe aviaire : mesures préventives - rapport n° 2833 - XII ème législature - Audition du 2 novembre 2005.

* 5 M. Antoine Flahault, « Epidémiologie des pandémies grippales », revue des maladies respiratoires, volume 25 n° 4.

* 6 InVS, « Estimation de l'impact d'une pandémie grippale et analyse de stratégies », rapport d'activité 2005.

* 7 M. Michael Osterholm, « Préparation pour la prochaine pandémie », New England Journal of Medicine, 2005, n° 352.

* 8 OMS, « Plan mondial OMS de préparation à une pandémie de grippe » - 2005.

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