Annexe 5 - Résolution 1749 (2010) - La gestion de la pandémie H1N1 : nécessité de plus de transparence
1. L'Assemblée parlementaire est alarmée par la façon dont la grippe pandémique H1N1 a été gérée non seulement par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) mais aussi par les autorités de santé compétentes tant au niveau de l'Union européenne qu'au niveau national. Elle s'inquiète notamment de certaines répercussions de décisions et d'avis ayant entraîné une distorsion des priorités au sein des services de santé publique à travers l'Europe, un gaspillage de fonds publics importants et l'existence de peurs injustifiées relatives aux risques de santé encourus par la population européenne en général.
2. L'Assemblée fait état d'un grave manque de transparence dans les prises de décisions liées à la pandémie, qui soulève des préoccupations concernant l'influence que l'industrie pharmaceutique a pu exercer sur certaines décisions parmi les plus importantes concernant la pandémie. L'Assemblée craint que ce manque de transparence et de responsabilité ne fasse chuter la confiance accordée aux conseils des grands organismes de santé publique. Cela pourrait se révéler désastreux en cas d'une nouvelle maladie de nature pandémique qui pourrait être beaucoup plus grave que la grippe H1N1.
3. L'Assemblée rappelle ses précédents travaux sur la bonne gouvernance dans le secteur de la santé publique dans les Etats membres du Conseil de l'Europe, en particulier les Recommandations 1725 (2005) sur l'Europe face à la grippe aviaire - mesures préventives dans le domaine de la santé et 1787 (2007) sur le principe de précaution et la gestion responsable des risques. Dans la Recommandation 1908 (2010) sur le lobbying dans une société démocratique (Code européen de bonne conduite en matière de lobbying), l'Assemblée note que les activités de lobbying non réglementées ou occultes peuvent constituer un danger et miner les principes démocratiques et la bonne gouvernance.
4. Au niveau des aspects positifs, l'Assemblée salue le processus d'examen et d'évaluation de la gestion de la crise H1N1 lancé récemment - ou sur le point de l'être - par l'OMS, par les institutions européennes s'occupant des questions de santé et par un certain nombre de gouvernements et de parlements nationaux. L'Assemblée encourage vivement toutes les parties concernées à poursuivre et à renforcer le dialogue entre organismes de santé publique, à tous niveaux, et à procéder à l'avenir à des échanges plus réguliers sur la bonne gouvernance dans le secteur de la santé.
5. Malgré la volonté affichée de l'OMS et des organismes européens de santé publique concernés d'engager un dialogue et de lancer une enquête sur la gestion de la pandémie, l'Assemblée déplore sérieusement leur réticence à partager certaines informations essentielles et, en particulier, à publier les noms et déclarations d'intérêt des membres du Comité d'urgence de l'OMS et des organes consultatifs européens directement responsables des recommandations relatives à la gestion de la pandémie. Par ailleurs, l'Assemblée regrette que l'OMS n'ait pas été réactive à réviser ou réévaluer sa position quant à la pandémie et les véritables risques de santé encourus, malgré l'évidence écrasante que la gravité de la pandémie avait été largement surestimée par l'OMS au départ. En outre, l'Assemblée déplore l'attitude hautement défensive prise par l'OMS, que ce soit en ne voulant pas reconnaître le changement apporté à la définition de la notion de pandémie, ou par un manque de volonté à réviser son pronostic de la pandémie.
6. A la lumière des préoccupations largement répandues qui ont été soulevées par la gestion de la grippe H1N1, l'Assemblée en appelle aux autorités sanitaires au niveau international, européen et national - et notamment à l'OMS - afin de répondre de manière transparente aux critiques et inquiétudes émises pendant la pandémie H1N1 :
6.1. en modifiant le mandat de leurs organes de gouvernance générale et organes consultatifs spéciaux dans tous les cas nécessaires, en vue de garantir la plus grande transparence et le plus haut niveau de responsabilité démocratique dans le domaine des décisions de santé publique ;
6.2. en s'accordant, de manière transparente, sur un ensemble commun de définitions et de descriptions relativement aux pandémies de grippe, avec le concours d'un groupe d'experts varié, en vue d'une compréhension cohérente de tels événements dans le monde entier ;
6.3. en modifiant et en actualisant les lignes directrices existantes sur la coopération avec le secteur privé ou, en l'absence de lignes directrices, en en élaborant, afin de garantir :
6.3.1. qu'un large éventail d'expertises et d'avis soient pris en compte, y compris les avis contraires d'experts particuliers et les avis d'organisations non gouvernementales ;
6.3.2. que les déclarations d'intérêt des experts concernés soient rendues publics sans exception ;
6.3.3. que les organisations externes participantes soient tenues de préciser leurs liens avec les leaders d'opinion ou avec d'autres experts susceptibles d'être exposés au risque de conflits d'intérêts ;
6.3.4. que quiconque exposé au risque de conflits d'intérêts soit exclu des prises de décisions sensibles ;
6.4. en améliorant les stratégies de communication dans le domaine de la santé publique en tenant compte du contexte social actuel, caractérisé par un large accès aux nouvelles technologies, et en collaborant étroitement avec les médias pour éviter de donner dans le sensationnel et les discours alarmistes en matière de santé publique ;
6.5. en balisant et en préparant le terrain en vue d'un usage adéquat du principe de précaution sanitaire à l'avenir, notamment par l'élaboration de stratégies de communication pleinement transparentes et assorties de mesures d'éducation et de formation ;
6.6. en partageant les résultats des enquêtes sur la pandémie de grippe H1N1 de façon la plus transparente et complète possible entre les parties prenantes concernées, notamment l'OMS, les institutions européennes (l'Union européenne et le Conseil de l'Europe), les gouvernements et parlements nationaux, les organisations non gouvernementales et le public européen dans son ensemble, afin de tirer les leçons de cette expérience, veiller à ce que les responsabilités soit assumées pour toute erreur commise et restaurer la confiance dans les décisions et les conseils de santé publique.
7. L'Assemblée invite en outre l'OMS et, le cas échéant, les institutions sanitaires européennes concernées, à s'engager dans des échanges européens de manière plus régulière sur la question de la bonne gouvernance dans le secteur de la santé :
7.1. en participant à des débats plus réguliers de l'Assemblée parlementaire sur des sujets en rapport avec la bonne gouvernance dans le secteur de la santé publique ;
7.2. en contribuant activement aux travaux intergouvernementaux entrepris au niveau du Conseil de l'Europe en matière de bonne gouvernance dans le secteur de la santé publique.
8. L'Assemblée en appelle également aux Etats membres afin::
8.1. d'user de leurs moyens de contrôle démocratique, par le biais des systèmes de gouvernance internes de l'OMS et des institutions européennes, pour garantir la bonne mise en oeuvre de la présente résolution ;
8.2. de lancer des processus d'évaluation critique au niveau national si ce n'est déjà fait ;
8.3. d'élaborer des systèmes de garantie contre l'influence abusive d'intérêts particuliers, si ce n'est déjà fait ;
8.4. d'assurer un financement stable pour l'OMS ;
8.5. d'envisager l'établissement d'un fonds public pour soutenir des études, des essais et des avis d'experts indépendants, qui pourraient être financés par le biais d'une contribution obligatoire de l'industrie pharmaceutique ;
8.6. de garantir que le secteur privé ne tire pas un profit abusif des alarmes de santé publique et ne parvienne à se dégager de ses responsabilités en vue de privatiser ses gains, tout en partageant les risques. A cette fin, les Etats membres devraient être disposés à élaborer et à faire appliquer des lignes directrices nationales claires régissant les relations avec le secteur privé, ainsi qu'à coopérer entre eux dans le cadre des négociations avec les grandes firmes internationales chaque fois qu'il y a lieu.
9. L'Assemblée invite les parlements nationaux à soutenir les politiques nationales visant à améliorer les systèmes de gouvernance dans le secteur de la santé publique et à garantir leur participation aux processus nationaux appropriés d'évaluation et d'élaboration des politiques afin de maintenir un niveau de responsabilité démocratique aussi élevé que possible.
10. Enfin, l'Assemblée invite l'industrie pharmaceutique, sociétés et associations comprises, à réviser leurs règles et leur fonctionnement en matière de coopération avec le secteur public, en vue de garantir le plus haut degré de transparence et de responsabilité sociale de la part des entreprises lorsque de grandes questions de santé publique sont en jeu.