Annexe 4 - Recommandation 1927 (2010) - L'islam, l'islamisme et l'islamophobie en Europe
1. Se référant à sa Résolution 1743 (2010) sur l'islam, l'islamisme et l'islamophobie en Europe, l'Assemblée parlementaire souligne l'importance particulière que revêt, pour le Conseil de l'Europe et ses États membres, le renforcement de l'action qu'ils mènent dans ce domaine. Le Statut du Conseil de l'Europe lui donne pour mission prioritaire d'oeuvrer en faveur de la liberté de pensée, de conscience et de religion, tout en luttant contre l'intolérance religieuse et la discrimination ainsi que contre les attaques de ses valeurs au nom de la religion. Il convient que les États membres s'inspirent de la présente recommandation et de la Résolution 1743 (2010).
2. Pour pouvoir édifier jour après jour une société démocratique régie par l'Etat de droit et les droits de l'homme universels, le Conseil de l'Europe doit redoubler d'efforts de manière à inscrire ces valeurs dans la culture européenne. L'action culturelle et éducative menée par le Conseil de l'Europe est une condition indispensable, d'une part, à l'intégration européenne fondée sur des valeurs communes et, d'autre part, à la parfaite compréhension et au respect scrupuleux des droits de l'homme, notamment les droits et libertés politiques, sociaux et culturels. Le Conseil de l'Europe devrait également s'employer à encourager d'autres parties du monde à adopter et promouvoir les valeurs qu'il défend.
3. Du fait de son Statut, de sa compétence territoriale et de son expérience, le Conseil de l'Europe devrait tenir lieu de tribune paneuropéenne pour l'examen des stratégies communes de renforcement de la stabilité démocratique, confrontée à l'islamisme, à l'islamophobie et aux autres extrémismes politiques en Europe. Aussi l'Assemblée demande-t-elle au Comité des Ministres :
3.1. de veiller, à l'aide du budget général et des contributions volontaires, à assurer le financement adéquat des activités normatives, d'assistance et de coopération exercées au profit des États membres et des régions voisines dans les domaines de la culture et de l'éducation, ainsi que des migrations et des réfugiés ;
3.2. de renforcer leurs activités afin de veiller à ce que la connaissance de l'islam et d'autres croyances soit enseignée à l'école et au moyen d'une éducation dispensée tout au long de la vie, et que les établissements d'enseignement supérieur et de recherche en Europe fassent de l'islam une matière d'enseignement afin de former des universitaires, des enseignants ainsi que des responsables religieux ;
3.3. d'oeuvrer pour étendre géographiquement les traités du Conseil de l'Europe portant sur la culture et l'éducation, en les ouvrant à la signature d'Etats tiers, notamment d'Eurasie, d'Afrique du Nord et du Proche-Orient ; cela vaut tout particulièrement pour la Convention sur la reconnaissance des qualifications relatives à l'enseignement supérieur dans la région européenne (STE n° 165), la Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (STCE n° 199), la Convention européenne sur la télévision transfrontière et le Protocole portant amendement à celle-ci (STE n° 132 et 171) ;
3.4 d'étudier les possibilités d'ouverture du champ d'application géographique de la Convention culturelle européenne (STE n° 18) aux États non européens, par exemple en rédigeant un protocole sur l'éducation aux droits de l'homme et à la démocratie à cette convention ;
3.5 d'oeuvrer activement en faveur de l'adhésion des États d'Afrique du Nord et du Proche-Orient au Centre européen pour l'interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud) du Conseil de l'Europe et de renforcer notamment les programmes portant sur l'égalité entre les femmes et les hommes, en particulier la lutte contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes et la promotion de la participation des femmes dans la prise de décision publique. Dans ce contexte, l'Assemblée se félicite de l'adhésion du Maroc et du Cap Vert au Centre Nord-Sud ;
3.6 d'envisager d'ouvrir la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) à la participation d'Etats tiers, notamment d'Afrique du Nord, du Proche-Orient et d'Eurasie ;
3.7 d'envisager d'ouvrir la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STE n° 106) à la signature des États tiers, notamment d'Afrique du Nord, du Proche-Orient et d'Eurasie ;
3.8 de mettre en place des programmes d'action communs au Conseil de l'Europe et à l'Alliance des civilisations des Nations Unies ;
3.9 de poursuivre l'action importante qu'il mène en faveur du dialogue interculturel et de sa dimension religieuse, notamment les « Rencontres du Conseil de l'Europe sur la dimension religieuse du dialogue interculturel » qu'il organise régulièrement, et d'accroître la participation de l'Assemblée afin d'intensifier le rôle de la coopération interparlementaire dans ce processus ;
3.10 d'inviter les États membres qui ne l'ont pas encore fait à signer et à ratifier la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant (STE n° 93) et la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (STE n° 144) ; l'intégration sociale et politique des migrants et des ressortissants étrangers, qui sont bien souvent musulmans, sont une condition essentielle de la cohésion et la stabilité démocratiques ;
3.11 d'oeuvrer à l'élaboration, par tous les États membres, d'approches politiques communes à l'égard des États non européens qui soutiennent l'islamisme en Europe et d'inviter, à cet égard, les États membres qui ne l'ont pas encore fait à signer et ratifier la Convention européenne pour la répression du terrorisme et le Protocole portant amendement à celle-ci (STE n° 90 et 190), ainsi que la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196), en vue de renforcer la coopération politique et juridique dans ce domaine ;
3.12 d'inviter la Suisse à adopter un moratoire sur son interdiction générale de la construction des minarets de mosquées et à abroger dès que possible cette interdiction, qui constitue une discrimination à l'égard des communautés musulmanes au regard des articles 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE n° 5) ; la construction des minarets doit être possible, au même titre que celle des clochers, et soumise au respect des conditions de sécurité publique et d'urbanisme ;
3.13 d'inviter les États membres à ne pas adopter une interdiction générale du port du voile intégral ou d'autres tenues religieuses ou particulières, mais à protéger les femmes contre toute violence physique et psychologique ainsi que leur libre choix de porter ou non une tenue religieuse ou particulière et de veiller à ce que les femmes musulmanes aient les mêmes possibilités de prendre part à la vie publique et d'exercer des activités éducatives et professionnelles; les restrictions légales imposées à cette liberté peuvent être justifiées lorsqu'elles s'avèrent nécessaires dans une société démocratique, notamment pour des raisons de sécurité ou lorsque les fonctions publiques ou professionnelles d'une personne lui imposent de faire preuve de neutralité religieuse ou de montrer son visage ;
3.14 de redoubler d'efforts afin qu'une convention sur la lutte contre la violence faite aux femmes, y compris la violence domestique, voit le jour le plus rapidement possible ;
3.15 d'inviter les États à garantir la liberté d'expression des femmes en sanctionnant d'une part toute forme de contrainte, d'oppression ou de violence obligeant les femmes à porter le voile ou le voile intégral, en créant d'autre part les conditions sociales et économiques permettant aux femmes d'opérer des choix éclairés par la promotion de politiques effectives d'égalité des chances entre les femmes et les hommes, qui incluent notamment l'accès à l'éducation, la formation, l'emploi et le logement.