III. L'ENJEU DE LA FIXATION DU DROIT DE TIMBRE À UN JUSTE NIVEAU
Aux termes de l'article 953 du code général des impôts (CGI) , la délivrance d'un passeport biométrique donne lieu au règlement d'un droit de timbre par le demandeur.
Ce droit de timbre s'élève à :
- 89 euros pour un adulte ;
- 45 euros pour un mineur de quinze et plus ;
- 20 euros pour un mineur de moins de quinze ans.
Il est par ailleurs modulé si le demandeur fournit lui-même ses photographies d'identité, une réduction étant alors accordée à hauteur de 3 euros depuis le 1 er janvier 2010 6 ( * ) .
D'après les éléments recueillis par la Cour des comptes auprès de la direction du budget, le produit total de ce droit s'élève en prévision pour 2009 à 192 808 000 euros (contre 128 333 100 euros en 2008). Une part de ce produit est affectée à l'ANTS (131 millions d'euros en 2009 et 107,5 millions d'euros en 2010).
La loi de finances pour 2009 précitée a considérablement augmenté ce droit de timbre qui auparavant était fixé à :
- 60 euros pour un adulte ;
- 30 euros pour un mineur.
Ainsi que le rappelle la Cour des comptes dans son rapport, ce droit de timbre fait partie des « impositions de toute nature ». Dès lors, il ne s'agit pas d'une redevance appelant une équivalence ou une corrélation entre le montant demandé à l'usager et le coût du service rendu . La Cour précise que « l'Etat n'a pas à justifier juridiquement le montant d'un droit de timbre en excipant d'arguments tenant au coût réel d'un service public ».
Pour autant, ainsi que l'a rappelé votre rapporteure spéciale en préambule, c'est bien ainsi que le Gouvernement lui-même a justifié l'augmentation du timbre fiscal .
Citant une réponse en date du 14 octobre 2008 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales à notre collègue député Michel Liebgott, la Cour corrobore ce constat : « le sujet a, il est vrai, été quelque peu brouillé par la position du Gouvernement (...) ».
Cette justification par le Gouvernement pose bien évidemment problème, et cela d'autant plus que le fondement économique de son raisonnement apparaît démenti par les conclusions de l'enquête de la Cour des comptes .
Ainsi, le droit de timbre pour un passeport biométrique pour un adulte ne fournissant pas sa photo d'identité (89 euros) excède largement le coût moyen de ce passeport calculé par la Cour (55 euros). Qui plus est, cet écart de 34 euros est très nettement supérieur à celui qui existait en 2008 dans le cas du passeport électronique et qui se montait à 22 euros .
La moyenne des droits de timbre acquittés pour le passeport biométrique, obtenue par une pondération selon que le demandeur est majeur, mineur de plus de quinze ans ou mineur de moins de quinze ans, dépasse également le coût moyen du passeport biométrique : 69 euros contre 55 euros, soit encore un écart de 14 euros. La Cour souligne que « ce dépassement est nouveau dans son ampleur : du temps du passeport électronique, le droit de timbre moyen (40 euros) n'excédait le coût estimé (38 euros) que de 2 euros, soit environ 5 % ; il est désormais de l'ordre de 14 euros, soit environ 20 % ».
La Cour des comptes fait également observer que « l'augmentation en valeur absolue du droit de timbre (+ 29 euros) (...) est supérieure à la variation du coût réel entre passeport biométrique et passeport électronique (+ 17 euros) ».
Au regard de l'ensemble de ces éléments, votre rapporteure spéciale s'interroge donc sur la logique qui a présidé à la forte augmentation du droit de timbre à l'occasion du passage au passeport biométrique . Elle estime que, même si aucun lien juridique n'existe entre le montant de ce droit et le coût du passeport, il n'est néanmoins pas possible de déconnecter totalement le montant de l'imposition frappant l'usager de la réalité économique du coût du passeport. De manière plus ou moins explicite, le Gouvernement l'a d'ailleurs reconnu lors de son argumentation visant à justifier l'augmentation du droit de timbre .
Aussi, votre rapporteure spéciale considère que la discussion du projet de loi de finances pour 2011 sera l'occasion de revenir sur le juste niveau de ce droit de timbre .
Reprenant les éléments de comparaison internationale fournis par la Cour des comptes et tirés d'une étude du Home Office britannique réalisée sur 47 pays, elle remarque d'ailleurs que « seuls quatre pays de l'échantillon pratiquent des droits supérieurs à ceux de la France pour le passeport adulte (la Turquie, la Suisse, l'Australie, le Japon) ». Si l'on tient compte de la durée de validité du passeport dans chacun des pays passés en revue, « la France reste l'un des pays où cet impôt est le plus élevé (8,90 euros), mais n'arrive plus qu'en onzième position dans l'échantillon (derrière la Turquie, la Suisse, la Nouvelle-Zélande, la Belgique, l'Australie, la Malaisie, le Japon, le Canada, les Pays-Bas et la Finlande) ».
* 6 Un euro en 2009.