II. LES FACTEURS EXPLICATIFS DU RENCHÉRISSEMENT DU COÛT DU PASSEPORT LORS DU PASSAGE À LA BIOMÉTRIE

Le rapport de la Cour des comptes permet de mieux comprendre le processus de formation du coût du passeport biométrique et, partant, de mettre en évidence les facteurs expliquant l'augmentation du coût du passeport à l'occasion du passage à la biométrie.

Contrairement à une intuition certainement assez répandue mais tout à fait erronée ainsi que le démontrent les conclusions de la Cour, la fabrication en tant que telle du document d'identité ne représente pas la majeure partie du coût du passeport. Le coût de fabrication ne se monte en effet qu'à 13,16 euros et ne constitue donc que 23,9 % du coût moyen total .

De ce point de vue, la transition à la biométrie n'a pas constitué un facteur d'alourdissement du coût moyen du passeport et les conclusions de la Cour amènent même à conclure dans un sens inverse : le coût de fabrication du passeport biométrique est inférieur à celui du passeport électronique (14,36 euros) .

A cet égard, il convient de souligner que la Cour ajoute que « ce coût (de fabrication) reste très en-dessous des éléments connus de fabrication dans d'autres pays d'Europe » . Elle cite notamment les cas du Portugal (25 euros), de la Belgique (27 euros), de l'Allemagne (35 euros) et de l'Italie (50 euros), même si de telles comparaisons restent sujettes à caution dans la mesure où les tarifs communiqués ne recouvrent pas des périmètres de prestation rigoureusement identiques. En tout état de cause, la Cour indique qu' « il n'apparaît pas de surcoût imputable à la situation de monopole de l'Imprimerie nationale » .

La Cour des comptes identifie en revanche trois facteurs principaux à l'origine du renchérissement du passeport avec le passage à la biométrie.

Tout d'abord, le saut technique réalisé entre le passeport électronique et le modèle biométrique n'a été atteint qu'au prix d'investissements nouveaux et importants s'accompagnant d'une « maintenance considérablement accrue ». Il contribue, selon la Cour, pour environ 30 % à l'augmentation enregistrée depuis l'entrée en application du passeport biométrique.

Il faut en effet souligner que, parmi les coûts généraux identifiés par l'enquête de la Cour, les amortissements des investissements initiaux (hors le raccordement aux mairies) représentent un coût de 5,17 euros dans le cas du passeport biométrique. Ce coût était négligeable s'agissant du passeport électronique (0,08 euro). De même, tandis qu'aucune dépense de maintenance ne pesait sur le coût du passeport électronique, la maintenance des applications et les coûts de structure se montent à 2,17 euros pour le passeport biométrique.

Ensuite, un deuxième facteur d'aggravation du coût du passeport réside dans l'accroissement du temps global consacré à chaque dossier par les agents publics , du stade du dépôt au retrait. La Cour des comptes estime que cet allongement du temps dédié au traitement des dossiers explique environ 35 % de la hausse du coût du passeport.

L'analyse des charges de personnel vient conforter ce constat. Ainsi, dans les préfectures, les charges directes de personnel sont passées de 6,83 euros à 8,77 euros et les charges indirectes de personnel liées aux fonctions support ont progressé de 3,03 euros à 3,89 euros. A la préfecture de police de Paris, l'évolution est encore plus marquée puisque les charges de personnel ont cru de 9,83 euros pour culminer à 27,60 euros. Dans les consulats, ces charges atteignent 38,90 euros contre 31,60 euros en 2008. Enfin, dans les communes, ces mêmes charges ont également augmenté de manière conséquente : 5,98 euros en 2008 mais 11,26 euros en 2009.

Ce constat de l'accroissement du temps passé sur chaque dossier par les agents publics et, corrélativement, des dépenses en personnel ne va pas sans susciter une certaine inquiétude . En effet, au sein de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) vise notamment à permettre une réduction des emplois en préfecture en s'appuyant sur un recours plus large aux nouvelles technologies . Ainsi en va-t-il par exemple des politiques conduites dans le cadre du nouveau système d'immatriculation des véhicules (SIV), de la transmission dématérialisée des actes des collectivités territoriales au contrôle de légalité (programme ACTES) ou, précisément, de l'entrée en application du passeport biométrique. Il est espéré des nouvelles technologies des gains de productivité suffisamment conséquents pour pallier les suppressions d'emplois.

Cet espoir n'est manifestement pas confirmé par la réalité de la mise en place du passeport biométrique telle qu'elle ressort de l'enquête de la Cour des comptes. Non seulement le passage à la biométrie et la modernisation de l'infrastructure informatique conduite sous l'autorité de l'ANTS ne débouchent pas sur des économies de charges de personnel, mais le mouvement est même inverse. L'entrée en application du passeport biométrique n'a pour l'instant non seulement pas permis de réduire le temps passé sur chaque dossier par les agents publics, mais il l'a augmenté .

Le troisième et dernier déterminant de la hausse du coût du passeport, selon la Cour des comptes, renvoie à l'effet arithmétique dû à la diminution constatée des demandes de passeport en 2009 : les coûts fixes sont répartis sur un moindre nombre de passeports. Alors qu'en 2008 3 210 976 passeports électroniques avaient été délivrés, l'année 2009 n'a enregistré que 2 425 250 passeports biométriques ( Cf. annexe du rapport de la Cour des comptes). A cet égard, la Cour estime qu'« il est raisonnable de penser que la baisse du nombre de passeports biométriques délivrés par rapport à celui des passeports électroniques est, pour une part, due à un effet prix ». Votre rapporteure spéciale considère en outre que la crise économique et financière qui frappe notre pays depuis le deuxième semestre 2008 explique également, en partie, la baisse des demandes de passeport.

Au-delà de ces trois facteurs clefs relevés par la Cour des comptes, il convient de noter l'apparition d'un nouveau poste de dépense intervenant dans la formation du coût du passeport biométrique. Il s'agit de la dotation pour les titres sécurisés prévue à l'article L. 2335-16 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Créée par la loi de finances pour 2009, cette dotation vise à indemniser les communes pour « l'activité générée par les demandes de titres émanant des citoyens ne résidant pas dans la commune d'implantation » 5 ( * ) .

Sous le régime du passeport électronique, cette indemnisation n'existait pas. Elle est une conséquence directe du choix retenu dans l'organisation du maillage territorial au regard des communes d'installation des stations d'enregistrement nécessaires au traitement des demandes et à la délivrance des passeports biométriques. En 2009, elle pèse pour 7,52 euros dans le coût moyen du passeport biométrique.


* 5 Même si l'enquête de la Cour des comptes n'avait pas pour objectif d'évaluer la justesse du niveau d'indemnisation des communes participant au dispositif du passeport biométrique via l'installation sur leur territoire d'une ou plusieurs station(s) d'enregistrement, le rapport transmis à votre commission constate toutefois que « la dotation pour les titres sécurisés correspond en 2009 à un coût unitaire de 7,52 euros et celle pour l'équipement de 0,78 euros, soit 8,30 euros par titre ce qui, tout en étant inférieur au coût brut moyen (16 euros), couvre le différentiel des charges de 6 euros entre passeport électronique et passeport biométrique en ce qui concerne les communes ».

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