3. Garantir l'indépendance de l'expertise et de la recherche
L'un des grandes difficultés du dialogue autour des grands ouvrages technologiques est la mise en cause de l'expertise. Elle est à la fois discréditée et sacralisée. Par rapport à cette difficulté, il convient de conforter l'indépendance de la démarche scientifique.
a) L'expertise entre discrédit et sacralisation
M. Jean-François Béraud, Secrétaire général de la Commission nationale du débat public (CNDP) soulignait, lors de l'audition publique du 29 janvier 2009, que les maîtres d'ouvrage et les experts ont beaucoup perdu en crédibilité. Leurs explications fondées sur la bibliographie scientifique, ne sont pas crues par le public. L'expert est souvent soupçonné d'avoir un lien caché avec le maître d'ouvrage. Par ailleurs, le fait que certains experts apparaissent comme enfermés dans leurs certitudes diminue leur capacité à convaincre, le public se sentant dicter ce qu'il doit penser.
Selon M. Béraud « Quand l'expert est trop définitif sur sa position, la réaction du public est de dire : ` En fait, on ne nous dit pas tout'. Et quand il fait part de ses doutes, on pense que ` Puisqu'il ne sait pas tout c'est donc que quelque part, on n'est pas sûr qu'il n'y ait pas de risque' ».
Dans le même temps, l'expertise est sacralisée. Dans les problématiques scientifiques ou technologiques où l'expertise tient potentiellement un rôle essentiel, beaucoup voudrait lui faire jouer un rôle qui n'est pas le sien : proposer une décision validée scientifiquement et donc indiscutable. L'expert serait celui qui fonde le choix politique en Raison.
Sur des sujets complexes et incertains, l'expert peut jouer le rôle pernicieux de suppresseur d'incertitude par la simplification qu'il opérerait des recherches en cours et par la proposition d'une solution politique unique. Il viderait la science de son doute salutaire et la politique de la délibération démocratique.
A contrario , mais avec le même arbitraire et la même simplification, l'expert peut à dessein entretenir le doute et l'incertitude pour empêcher de prendre certaines décisions. Rien ne serait suffisamment sûr et certain pour pouvoir agir. L'environnement ne serait pas assez sain, il faudrait toujours prendre plus de précaution...
L'expertise n'obéit d'ailleurs pas à des critères très stricts. Des tribunaux peuvent faire appel à des personnes qui ne sont pourtant pas considérées comme tel. Des ONG ou des cabinets peuvent se prévaloir d'une expertise qui n'obéit pas au critère scientifiquement reconnu de la « peer review ».
Cette offre d'expertise vient répondre à la demande du public, mais aussi à l'incapacité publique d'en proposer une qui soit plus visible et plus crédible.