III. LE REGROUPEMENT DES ADMINISTRATIONS PARISIENNES SUR LE SITE DE BALARD
Le ministère de la défense a radicalement infléchi ses choix immobiliers concernant son administration centrale en 2008 , en lançant le projet de regroupement des états-majors et services centraux, autour du ministre et de son cabinet, sur le site de Balard dans le XVe arrondissement de Paris, déjà partiellement occupé par l'armée de l'air et divers services.
Jusqu'alors, le ministère était engagé dans le projet du « pôle stratégique de Paris » (PSP) , visant principalement à réorganiser l'outil de commandement de niveau stratégique dans les bâtiments de l'îlot Saint-Germain. Ce projet avait lui-même connu certaines évolutions, avec la décision d'installer au Mont-Valérien, et non au ministère lui-même comme initialement prévu, les infrastructures nécessaires à un quartier général d'opération (OHQ - Operation Headquarter ) destiné à la conduite d'opérations militaires multinationales. L'un des axes principaux du projet PSP visait à transférer sur le site de l'Ecole militaire l'état-major de l'armée de terre, et à moderniser dans le même temps les moyens de commandement stratégiques relevant de l'état-major des armées. Des travaux en ce sens avaient commencé à être engagés.
L' abandon du projet PSP au profit du projet Balard est apparemment le produit des réflexions engagées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le regroupement de l'essentiel de l'administration centrale sur une même aire géographique apparaissant comme un vecteur privilégié de rationalisation des structures et d'optimisation des soutiens.
Mais la perspective d'une libération par le ministère de plusieurs emprises situées à Paris intra muros paraissait également de nature à mettre en place une opération financière jugée intéressante pour la trésorerie du ministère . La vente anticipée des emprises actuelles à une société de portage devait procurer des recettes utiles pour le financement des besoins de paiement à court terme, alors que le recours à un partenariat public-privé pour la construction et le soutien du futur siège du ministère devait permettre d'en amortir le coût sur une longue durée sans imposer de lourds investissements immédiats. On a vu précédemment que le premier volet de ce schéma n'a pu être mené à bien, faute d'accord sur le montant de la vente.
Reposant sur le regroupement de 10 000 personnes sur deux parcelles situées de part et d'autre de l'avenue de la Porte de Sèvres - l'une déjà construite et dont plusieurs bâtiments sont en cours de rénovation et l'autre, moins densifiée, où sera édifié un bâtiment neuf destiné à devenir le nouveau siège du ministère - le projet Balard offre l'occasion d'une réorganisation en profondeur de l'organisation des états-majors et services centraux combinant réduction globale des effectifs et nouvelle répartition entre les implantations à Paris, dans la proche banlieue et en province.
La phase d'études préalable et de conception de ce projet majeur aura été particulièrement brève . Elle s'est déroulée sur 2008 et le début de 2009, la définition du programme ayant été arrêtée en juillet 2009 pour une remise des dossiers en septembre de la même année et un choix de l'opérateur en février 2011. Le choix du site, du périmètre du regroupement et des modalités de réalisation est intervenu dans des délais très rapides.
A l'examen, il apparaît que ce projet présente de nombreux avantages et peut effectivement permettre une optimisation de l'organisation centrale du ministère de la défense. Il suscite clairement de fortes attentes au sein de ce dernier. Toutefois, le bénéfice global pour l'Etat - au plan financier - ne pourra véritablement être évalué qu'au vu des conditions dans lesquelles pourront être négociées les emprises actuelles, notamment l'îlot Saint-Germain, qui constitue la plus importante d'entre elles.
A. L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE DU PROJET
1. La réunion de la quasi-totalité des effectifs parisiens sur un site unique
La réunion sur le site de Balard, dans le XVe arrondissement de Paris, de la quasi-totalité des états-majors et services centraux du ministère, constitue le principal projet immobilier actuel du ministère de la défense. Les près de 20 000 personnes aujourd'hui employées à Paris et dans sa banlieue sur une vingtaine de sites seraient ramenées à moins de 15 000, dont 10 000 sur le site de Balard et le reste en banlieue.
Le tableau ci-après, réalisé par les rapporteurs, permet de comparer, à titre indicatif, les effectifs parisiens actuels du ministère de la défense et ceux prévus pour 2014.
Les effectifs de l'administration centrale du ministère de la défense aujourd'hui et en 2014 : quelques ordres de grandeur
2008 |
2014 |
|||||
Balard |
Banlieue |
Total |
||||
Effectifs définitifs |
Dt Parcelle Ouest |
Dt Parcelle Est |
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Organismes directement rattachés aux ministres et services du SGA |
5 000 |
1 500 |
1 000 |
500 |
||
États-majors et organismes associés |
8 500 |
4 500 |
3 000 |
1 500 |
||
Direction générale pour l'armement |
4 500 |
3 000 |
1000 |
2 000 |
||
Soutien |
1 000 |
500 |
500 |
|||
Total |
18 000 |
10 000 |
5 500 |
4500 |
4 000 |
14 000 |
Source : d'après le ministère de la défense
Actuellement, les structures centrales du ministère de la défense sont éclatées entre une vingtaine de sites, dont quatre principaux :
- le ministre, le SGA, l'état-major des armées (EMA) et l'état-major de l'armée de terre (EMAT) occupent l'« îlot Saint-Germain », dans le VIIe arrondissement de Paris (le ministre - hôtel de Brienne - au 14, rue Saint Dominique ; l'EMA et l'EMAT au 231, boulevard Saint Germain) ;
- l'état-major de la marine se trouve à l'Hôtel de la Marine (au 2, rue Royale, dans le VIIIe arrondissement de Paris) ;
- l'état-major de l'armée de l'air occupe la Cité de l'Air, sur la parcelle est du site de Balard ;
- la DGA a quitté en 2007 la parcelle est pour le site de Bagneux.
Les principales emprises de l'administration centrale du ministère de la défense mi-2009
NB : le fort d'Issy a été vendu à la commune d'Issy-les-Moulineaux le 30 novembre 2009.
Source : ministère de la défense
Cette situation n'est manifestement pas optimale. Elle ne correspond à l'esprit ni du décret n° 2009-869 du 15 juillet 2009 24 ( * ) , qui a renforcé les pouvoirs du chef d'état-major des armées vis-à-vis des autres chefs d'état-major, ni de la RGPP, qui implique la recherche de synergies. Encore aujourd'hui, l'Hôtel de la Marine porte l'inscription de « Ministère de la Marine ».
Le principe du regroupement des principales structures dirigeantes du ministère sur un site unique doit donc être approuvé.
Dans le cas des immeubles parisiens, seuls subsisteraient en-dehors de Balard :
- la « caserne Mortier » de la DGSE, dans le XXe arrondissement de Paris ;
- l'hôpital militaire du Val de Grâce ;
- l'Ecole militaire ;
- l'Hôtel des Invalides ;
- l'Hôtel de Brienne, qui devrait être utilisé par le ministère de la défense en vue de réceptions.
La réorganisation des états-majors et services centraux qui accompagne le projet Balard se traduira par des réductions d'effectifs directement liées au regroupement géographique, notamment l'optimisation des soutiens, ou consécutives à d'autres réformes issues de la RGPP. Elle se traduira également par des redéploiements de directions ou services de Paris intra muros vers la proche banlieue ou vers la province. Ainsi, les directions du personnel de l'armée de terre et de l'armée de l'air quitteront Paris pour Tours et la direction du personnel de la marine s'installera à Houilles.
On constate ainsi une convergence entre ce grand projet immobilier et une nouvelle architecture du haut commandement militaire dont les grandes lignes sont désormais connues. Elle s'articulerait autour de l'Etat-major des armées, des trois Etats-majors d'armée et de cinq grandes directions interarmées spécialisées par métiers : les ressources humaines ; les relations internationales ; les capacités et le budget ; les soutiens ; les opérations. Les structures de direction et de pilotage se trouveraient réunies à Balard, les services gestionnaires étant plutôt redéployés en banlieue ou en province. Des quatre états-majors actuels subsisterait un noyau beaucoup plus réduit et concentré pour la première fois en un même lieu.
* 24 Décret relatif aux attributions du ministre de la défense, du chef d'état-major des armées et des chefs d'état-major de l'armée de terre, de la marine et de l'armée de l'air.