III. PEUT-ON SE PASSER DES ADJUVANTS ET DES CONSERVATEURS ?
A. L'UTILISATION D'ADJUVANTS EST UN CHOIX QUI PEUT ETRE DISCUTE TECHNIQUEMENT
Plusieurs adjuvants existent, selon qu'ils contiennent du mercure, de l'aluminium ou du squalène.
L'utilisation de tels produits est critiquée par certains qui craignent leur accumulation dans l'organisme.
Les études réalisées jusqu'à présent sur leurs effets sont peu nombreuses. Or ce serait important d'avoir des idées plus précises sur le niveau dangereux pour l'homme de la concentration de mercure, d'aluminium ou de squalène dans son organisme.
Les défenseurs des adjuvants font remarquer que beaucoup de vaccins couramment utilisés en contiennent déjà. Novartis utilise ainsi du squalène depuis douze ans dans tous ses vaccins contre la grippe. Plus de 40 millions de doses ont été produites avec cet adjuvant.
Il n'est pas nécessaire d'utiliser des adjuvants pour produire des vaccins, mais ces adjuvants présentent deux avantages : ils permettent de produire plus de vaccins avec la même quantité d'antigène. Ils augmentent l'immunité des patients.
La France a justifié son choix par la grande question d'une éventuelle pénurie de vaccins au plan mondial. Cette situation n'est pas exclue par les Américains qui pourtant n'ont jamais utilisé d'adjuvant dans leurs vaccins contre la grippe, qu'elle soit saisonnière ou pandémique.
La réponse à cette question dépend de plusieurs facteurs :
- de l'intensité et de la contagiosité de la grippe,
- du nombre de personnes qui souhaitent se faire vacciner,
- du nombre de doses nécessaires pour que le vaccin soit efficace,
- des méthodes de production des vaccins,
- de la longueur des essais cliniques,
- du délai nécessaire à l'Autorisation de Mise sur le Marché (AMM).
Ces facteurs n'ont pourtant pas été déterminants lors de la décision prise par l'Union européenne de n'autoriser que des vaccins avec adjuvants, alors que les Etats-Unis faisaient le choix inverse.
Dans les deux cas, les autorités sanitaires ont repris les dispositions qu'elles appliquent lors de la grippe saisonnière. La crainte que la grippe ne soit particulièrement sévère en Europe a sans doute joué un grand rôle dans la décision retenue par l'Union européenne.
B - L'UTILISATION DU THIOMERSAL EST DAVANTAGE CONTESTEE
Il s'agit d'un conservateur qui a pour objet de garantir l'absence de champignons et de bactéries, mais qui fait l'objet de nombreuses polémiques.
Son utilisation a été la conséquence d'un choix technique, lié à la distribution en dix doses, et à la nécessité de réaliser le mélange sur le lieu de vaccination au moment de la préparation des doses individuelles. La livraison en dix doses a été en France argumentée par l'éventuelle pénurie mondiale.
Il est nécessaire de mener des recherches rigoureuses sur les conséquences de son utilisation.
Les réticences à son égard proviennent de soupçons (non confirmés à ce jour) de liens avec des autismes de l'enfant, des risques de troubles neurologiques (mais pas à faible dose), et de l'accumulation de mercure dans les tissus.
Elles découlent aussi des prises de position de l'AFSSAPS et de leur évolution qui trouble certains.
L'AFSSAPS, le 4 juillet 2000, mettait en garde contre les effets potentiels du thiomersal :
« Le thiomersal est un composé contenant du mercure, utilisé depuis de nombreuses années comme conservateur dans les médicaments en particulier dans les vaccins. Une exposition répétée au mercure, par les aliments ou les médicaments, doit faire l'objet d'une attention particulière en raison de son accumulation potentielle dans différents organes.
Aux Etats-Unis, afin d'étudier l'éventuelle toxicité des faibles doses de mercure apportées par le thiomersal contenu dans certains vaccins, les CDC (Centers for Disease Control and Prevention) ont coordonné la réalisation de deux études épidémiologiques pour rechercher l'existence d'une association entre la dose cumulée de mercure apportée par les vaccins aux nourrissons dans les six premiers mois de vie et la survenue d'atteintes neurologiques et rénales. Les observations rapportées dans ces études n'ont pas permis de conclure à l'existence d'un risque associé au thiomersal, et de nouvelles études sont nécessaires.
L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) rappelle que par précaution l'Agence Européenne d'Evaluation des Médicaments (EMEA) a demandé en juillet 99 aux industriels de travailler au retrait du thiomersal utilisé comme conservateur dans les vaccins.
Dans une mise au point du 4 juillet 2000, le Comité des Spécialités Pharmaceutiques (CSP) de l'Agence Européenne d'Evaluation des Médicaments (EMEA):
1. a rappelé sa décision rendue publique le 8 juillet 1999 de promouvoir l'utilisation de vaccins ne contenant pas de thiomersal chez les nourrissons et les jeunes enfants,
2. a exigé que les laboratoires producteurs de vaccins soumettent leur plan d'action pour achever de retirer le thiomersal des vaccins,
3. a estimé que, pour la santé de la population générale et des enfants, le bénéfice de l'utilisation des vaccins contenant du thiomersal reste très largement supérieur au risque actuellement non démontré associé aux faibles doses de thiomersal,
4. a recommandé l'utilisation de vaccins sans thiomersal, quand ils étaient disponibles, pour la vaccination des nouveau-nés.
L'Afssaps s'associe à toutes ces positions et a demandé aux laboratoires de retirer au cours des prochains mois le thiomersal des vaccins concernés. Afin d'aider les prescripteurs, l'Afssaps précise en annexe, la liste des vaccins disponibles en France contenant ou non du thiomersal, et utilisés au cours de la première année de la vie. Ces informations sont consultables sur le site internet de l'Afssaps (afssaps.sante.fr).
Depuis lors, l'AFSSAPS a actualisé ses commentaires. Elle a publié en octobre 2009 les informations suivantes :
« Le thiomersal est un composé contenant du mercure qui est utilisé de longue date comme conservateur dans les médicaments, en particulier dans les vaccins. Il contribue à prévenir la contamination bactérienne des vaccins, et il est considéré à ce jour comme l'une des substances les plus efficaces pour cette prévention. Il a été également établi que le thiomersal contribuait à améliorer la stabilité des médicaments.
Ces propriétés sont particulièrement utiles dans le cadre de campagnes de vaccination où des conditionnements multidoses sont utilisés et où les doses ne sont pas administrées de façon immédiate et simultanée à plusieurs patients.
A la fin des années 90, une préoccupation est apparue, notamment aux Etats-Unis, à partir de l'hypothèse selon laquelle l'exposition précoce au thiomersal pourrait être associée à des déficits neuropsychologiques chez les enfants, ainsi qu'à des atteintes rénales.
Les études scientifiques effectuées pour éprouver cette hypothèse n'ont pas confirmé l'existence d'une association causale entre l'exposition précoce à cette substance et des problèmes neuropsychologiques ultérieurs en phase de pré-adolescence, notamment l'autisme (cf en particulier New England Journal of Medicines 27-09-2007).
L'Afssaps en France, l'Emea à l'échelon européen et l'OMS au niveau mondial ont évalué à plusieurs reprises cette question, depuis 10 ans. Ces analyses convergent pour considérer que l'existence du risque neurologique n'est pas établie au plan scientifique sur la base des études épidémiologiques existantes, sans que ces études permettent pour autant de l'écarter. D'un point de vue toxicologique, les vaccins contiennent des doses minimes de thiomersal, entre 0.003% et 0.01%, soit au maximum 25-50ug/dose. A ces doses, et dans la situation et les conditions d'emplois, tout risque de toxicité est a priori exclu.
Par ailleurs, le thiomersal est un allergène de contact, et on estime que 10 à 12 % de la population lui serait allergique. Des réactions allergiques après vaccination ont été rapportées dans la littérature, mais plus de 90 % des patients qui ont une allergie de contact au thiomersal ne développent aucune réaction allergique à l'administration du vaccin. Ces risques de sensibilisation sont mentionnés dans le résumé des caractéristiques du produit des vaccins concernés, et se rencontrent avec d'autres conservateurs.
Aucune étude relative à l'éventuel impact sur le développement embryonnaire et foetal en cas de vaccination de la femme enceinte n'est disponible. Des études montrent en revanche que l'exposition alimentaire, notamment via le poisson, au méthylmercure, moins rapidement éliminable dans l'organisme que l'éthylmercure produit par la métabolisation du thiomersal, ne présente pas de risque de toxicité pour la femme enceinte.
Dans une logique de précaution, les laboratoires producteurs de vaccins ont été incités par les agences française et européenne et par l'OMS à développer des vaccins uni-doses ne contenant pas de thiomersal en vue d'une utilisation en pédiatrie. Cependant les diverses évaluations des autorités sanitaires françaises, européennes et internationales convergent pour considérer que, compte tenu de ces propriétés en tant que conservateur indispensable dans les présentations de vaccins multi-doses, les bénéfices de l'utilisation du thiomersal l'emportent sur le risque toxicologique théorique ».