2. La veille et la surveillance sanitaires se sont déroulées comme en métropole.
C'est une antenne de l'Institut national de veille sanitaire -la CIRE- qui en est chargée.
La surveillance a été renforcée à partir de l'alerte de l'OMS du 24 avril 2009. Un dispositif initial a été mis en place, dans un contexte où l'on ne connaissait rien sur le virus. Ce dispositif est renforcé à partir du 23 juillet.
Les constatations sont précises : les statistiques collectées montrent que le pic de la grippe survient lors de la semaine 36.
Entre les semaines 30 et 38, on dénombre :
- 132 302 consultations en ville pour infections respiratoires aigues (IRA)
- 104 067 A(H1N1) symptomatiques
- 331 personnes hospitalisées
- 25 cas graves
-7 certificats de décès mentionnant cette grippe.
Des faits marquants sont mis en évidence :
- Cette épidémie est survenue en période habituelle de recrudescence de circulation du virus grippal.
- La rentrée scolaire n'a pas eu d'impact significatif sur la courbe épidémique.
- La grippe a eu un intensité modérée (elle a représenté 1,4 fois l'activité des médecins sentinelles en période de recrudescense saisonnière).
- La souche pandémique a été hégémonique par rapport aux autres souches de type A.
- Les taux de formes graves et de létalité sont faibles, mais concernent aussi des sujets jeunes.
- Le taux d'attaque est de 12,85 %, chiffre probablement sous-estimé car il ne prend pas en compte les prises en charge hospitalières, ni les asymptomatiques.
- Une deuxième vague liée à l'épidémie dans l'hémisphère Nord est possible, mais peu probable en l'absence de mutation virale.
3. Comme en métropole, les soins ont été organisés en deux phases, mais ont concerné plus de personnes
Au début de la pandémie, tous les patients suspects ont été hospitalisés et isolés, avant que ne se mettent en place des centres dédiés. A partir du 23 juillet, les patients ont été orientés vers les médecins de ville. Seulement les personnes présentant des formes graves ont été traitées en hôpital.
- La première phase a été la plus difficile, car il fallait tout à la fois surveiller, comprendre et réagir, dans un contexte où circulaient des virus de la grippe différents. Au début, la grippe B était dominante, puis l'on a observé des cas graves de H3N2 avant que le H1N1 finisse par l'emporter. La crainte de beaucoup était que les équipements hospitaliers n'aient pas la capacité d'accueil suffisante, ne fut-ce que quelques jours.
Le virus était mal connu. Les premiers cas étaient venus de l'Australie et du Canada. Le protocole appliqué a alors été calqué sur celui prévu pour le H5N1, qui prévoyait un signalement hospitalier, un isolement et une mise en quarantaine.
Les équipements disponibles avaient été prévus, et sont de qualité : à l'hôpital de Saint Pierre par exemple, le laboratoire est aux normes P3, avec sas et pression négative. La gestion des déchets est individualisée. C'est une performance dans un établissement ancien dont les pavillons à étage ne comportent même pas d'ascenseurs.
Les premiers cas ont pu être isolés correctement. Les prélèvements nécessaires ont été effectués, ce qui a permis de décider en fonction des résultats si le patient pouvait ou non sortir. Les conditions d'accueil à l'hôpital sont cependant critiquées, car de nombreuses chambres comportent trois lits.
Les médecins de ville ont critiqué cet « hospitalocentrisme », en rappelant qu'ils avaient fait face au chikungunia, dès le début.
- Lors de la deuxième phase, les hôpitaux ont distribué des masques à tous les médecins traitants.
Ceux-ci pouvaient prescrire du Tamiflu s'ils le souhaitaient, ce médicament étant disponible en pharmacie à partir de la fin août.
Une exception a été faite pour le Tamiflu pédiatrique, qui ne pouvait être prescrit que par les pédiatres de deux hôpitaux, ce qui a fait l'objet de critiques, du fait de la suractivité qui leur était imposée.
Sur les trois mois où la pandémie a été active, 2600 prélèvements ont été opérés. Ces prélèvements ont été analysés dans un premier temps en laboratoire P3, puis en P2. Le nombre de tests et de réactifs a été jugé suffisant.
- Sur ces deux phases, il n'y a jamais eu de surcharge des services des urgences qui étaient prêts et communiquaient régulièrement, toutes les semaines, avec l'InVS. Les équipements de réanimation ont été en nombre insuffisant pendant une période très courte. Le groupe hospitalier Sud Réunion a eu ainsi du mal à faire venir du matériel spécialisé de métropole (un ECMO, utilisé pour l'oxygénation extracorporelle) alors que l'EPRUS en avait en stock.
En trois mois, ont été dépensés à La Réunion 70 000 euros pour financer les réactifs du H1N1. Au début, les prélèvements ont été systématiques. Il était possible de traiter 75 prélèvements par jour, pas plus car il fallait les grouper et pouvoir analyser aussi les prélèvements qui ne concernaient pas le H1N1.
Puis les prélèvements se sont espacés, car ils n'ont pas de sens en phase épidémique, sauf pour les cas graves.
La difficulté du traitement des prélèvements tient d'une part à la nécessité de les grouper pour pouvoir les analyser, d'autre part à la nécessité de traiter aussi les autres virus grippaux.
Une seule patiente enceinte asthmatique négligée a eu la grippe qui l'a conduite à rester trois jours en réanimation. Aucune observation particulière n'a été faite sur les femmes enceintes.
Entre le 15 août au 20 septembre, de 13 à 20 % de la population a été repérée comme ayant eu la grippe. 4% des personnes infectées ont plus de 60 ans. Seuls 13 patients ont connu des formes graves, et 4 en sont décédés.
Les médecins ont largement remarqué que les masques étaient inadaptés. Ils ont estimé qu'ils ne pouvaient pas porter de masque FFP2, peu pratiques. Ces masques sont restés inutilisés à La Réunion, tant dans les cabinets médicaux que dans la rue ou à l'école.
Des retards ont eu lieu dans la distribution des masques aux cliniques. Les médecins généralistes ne les ont obtenus qu'au pic de l'épidémie. Les solutions hydro-alcooliques n'ont pas été disponibles en quantité suffisante.
Comme en métropole plus tard, les médecins libéraux et les professions médicales n'ont pas été associés à la définition des mesures à prendre. Ils ne pouvaient pas non plus vacciner en cabinet en décembre 2009 les Réunionnais qui souhaitaient se prémunir du virus avant d'aller passer les fêtes en métropole.