D - LA RÉSULTANTE DE CES ACTIONS : ÉTAT DE L'INFORMATION DISPONIBLE
Il est important de se rappeler que la situation a beaucoup évolué et que les décisions ont été prises en fonction de l'information disponible. C'est pourquoi il est intéressant de comparer la situation à la mi-octobre, au moment où le virus se développait mais où il n'y avait aucun vaccin sur le marché, et celle à la fin janvier, où la situation est redevenue quasi-normale.
Ces deux dates correspondent, par ailleurs, à la validation par l'Office parlementaire de l'étude de faisabilité présentée par ses deux rapporteurs, et à l'élaboration de leur rapport d'étape.
1. A la mi-octobre 2009
Que pouvait-on trouver sur Internet alors que l'on assistait à une croissance de la pandémie, à la mi-octobre 2009, un peu moins de deux mois avant le pic pandémique ?
Voici quelles étaient les données disponibles sur l'état de la pandémie au plan mondial et français. Toutes étaient moins alarmistes qu'on ne l'avait pensé pendant l'été.
a) Les données fournies par l'OMS
Les informations disponibles sur le site de l'OMS à cette date remontent au 27 septembre 2009. L'OMS signale qu'il y a eu plus de 340 000 cas confirmés en laboratoire de la grippe pandémique H1N1 de 2009 et plus de 4100 décès qui lui ont été signalés.
Selon les informations diffusées, la transmission du virus de la grippe continue à augmenter dans les régions tempérées de l'hémisphère Nord et reste active dans les régions tropicales des Amériques et de l'Asie. Dans les régions tempérées de l'hémisphère austral (Chili, Argentine, Nouvelle-Zélande), la transmission de la grippe est largement retournée aux valeurs de départ. Elle a même diminué de manière substantielle en Australie et en Afrique du Sud.
28 virus résistants de cette grippe ont été détectés et caractérisés dans le monde. Tous ces virus présentent la même mutation H275Y qui confère la résistance à l'antiviral oseltamivir, mais pas au zanamivir antiviral. Aucun nouveau virus résistant n'a été officiellement notifié à l'OMS au cours de la semaine écoulée. Dans le monde, plus de 10 000 échantillons cliniques (échantillons et des isolats) du virus pandémique H1N1 ont été testés et jugés sensibles à l'oseltamivir.
NOMBRE D'INFECTIONS CONFIRMÉES ET DE DÉCÈS
Région |
Total cumulatif |
|
à compter du 27 Septembre 2009 |
||
Cas |
Décès |
|
Bureau régional OMS pour l'Afrique (AFRO) |
8352 |
42 |
Bureau régional OMS pour l' Amérique (AMRO) |
137147 |
3020 |
Bureau régional OMS pour la Méditerranée orientale (EMRO) |
12008 |
74 |
Bureau régional OMS pour l'Europe (EURO) |
Plus de 56000 |
Au moins 176 |
Bureau régional OMS pour l'Asie du Sud Est (SEARO) |
33594 |
413 |
Bureau régional OMS pour le Pacifique occidental (WPRO) |
96197 |
383 |
Total |
Plus de 343.298 |
Au moins 4108 |
b) Les données françaises
L'InVS publie chaque semaine des données sur la progression de la grippe en coordonnant les informations des Sentinelles et des GROG.
- Le réseau Sentinelles évaluait de la façon suivante la situation lors de la semaine du 28/09/2009 au 04/10/2009
« En France métropolitaine, la semaine dernière, l'incidence des syndromes grippaux vus en consultation de médecine générale a été estimée à 217 cas pour 100 000 habitants (soit 136 000 nouveaux cas), au-dessus du seuil pandémique (102 cas pour 100 000). Cette incidence, au-dessus du seuil mais d'intensité modérée, est stable depuis maintenant 4 semaines.
Au niveau régional, dix-sept régions avaient dépassé le seuil épidémique la semaine dernière. Les incidences les plus élevées ont été notées en : Champagne-Ardenne (539 cas pour 100 000 habitants), Nord-Pas-de-Calais (415), Poitou-Charentes (340), Rhône-Alpes (329), Basse-Normandie (232) et Provence-Alpes-Côte-d'Azur (226).
Concernant les cas rapportés, la semaine dernière, l'âge médian était de 24 ans (2 mois à 88 ans); les hommes représentaient 48% des cas. Les tableaux cliniques rapportés par les médecins Sentinelles ne présentaient pas de signe particulier de gravité (taux d'hospitalisation des cas rapportés inférieur à 1,1%). Quatre demandes d'hospitalisation dont 2 pour complications (respiratoires), et 2 pour mesures préventives (1 femme enceinte et 1 enfant dont la mère est enceinte et pour lequel il y a eu une demande de prélèvement).
L'excès de cas rapportés la semaine dernière, dans le contexte de la pandémie A(H1N1)2009, comparativement aux mêmes semaines des années passées, a été estimé à 116 000 cas environ. Ces chiffres doivent être interprétés en tenant compte du contexte de forte médiatisation, qui peut être à l'origine d'un excès de consultations chez des personnes qui n'auraient pas consulté en « temps normal ».
- L'information fournie par les GROG était complémentaire.
Les GROG ont diffusé les informations suivantes pour la semaine du 28 septembre au 4 octobre 2009 (semaine 40) sous le titre : « Le nombre de cas de grippe reste stable » .
« Selon les données du Réseau des GROG, la semaine dernière,
• sur les 1.115.000 cas d'infections
respiratoires aiguës (IRA), la grippe A(H1N1)2009 a
représenté seulement 39.800 cas soit environ 3% des consultations
médicales pour IRA,
• en médecine générale,
1 patient sur 8 a consulté pour IRA (soit 3 IRA/jour/médecin),
• en pédiatrie, 1 patient sur 6 a
consulté pour IRA (soit 4 IRA/jour/médecin).
Dans les prélèvements GROG, les virus respiratoires saisonniers responsables des IRA non grippales sont surtout le rhinovirus, incriminé dans environ 36% des cas et les entérovirus.
Le nombre des infections respiratoires aiguës s'est stabilisé. La part de la grippe dans ces IRA reste faible mais constante, confirmant que le virus A(H1N1)2009 est présent dans toutes les régions métropolitaines, prêt à provoquer une vague épidémique ».
c) Comment interpréter ces données ?
Ces statistiques ne sont bien sûr qu'un indicateur d'une réalité plus complexe. Toutes les personnes atteintes ne se manifestent pas. Parmi celles qui consultent dans notre pays, on estime à l'époque que seules 5% d'entre elles sont vraiment atteintes par la grippe, les autres souffrant de syndromes respiratoires (les virus de la grippe - qu'elle soit saisonnière ou pandémique - ne représentent qu'une infime partie des virus respiratoires existants). Il en serait autrement si la pandémie se développait. Enfin le diagnostic sans sérologie ne permet pas à 100% de qualifier la grippe d'un patient de pandémique ou saisonnière.
Au-delà des statistiques, il apparaît que le virus n'a pas muté de manière significative. Il est contagieux, mais moins qu'on ne le pensait si l'on s'en réfère à ce que l'on a constaté en Nouvelle Calédonie ou à La Réunion. Les données disponibles sur l'Australie, la Nouvelle Zélande et l'Amérique du Sud montrent néanmoins qu'il est plus contagieux que celui de la grippe saisonnière classique.
Le problème n'est pas tant dans la virulence du virus que dans l'extrême rapidité de son développement potentiel et dans le grand nombre d'infections qu'il pourrait provoquer. Cette année, le virus dominant dans le monde est celui de la grippe, dont la diffusion dépasse celle de la grippe saisonnière.
C'est pourquoi il est envisagé de mener des campagnes de vaccination de grande ampleur dans plusieurs pays, dont la France et les Etats-Unis.
Le Royaume-Uni a adopté jusqu'à présent une attitude différente, en distribuant largement le Tamiflu -un médicament anti-viral-, sans qu'il y ait forcément besoin de prescription médicale, ce qui est susceptible de poser à terme un certain nombre de problèmes. En Belgique, les médecins sont à la fois prescripteurs et distributeurs de médicaments.
Les vaccins vont être prochainement disponibles, tant aux Etats-Unis que dans l'Union européenne. Ils sont de même utilisés de façon importante en Chine, au Japon et en Australie.
Les autorités françaises considèrent, au vu de ces données, qu'elles n'ont pas à mettre en oeuvre la phase la plus contraignante du plan de lutte contre la pandémie, alors que l'OMS en est déjà arrivée à son niveau maximal, le 6. En restant mi-octobre au niveau 5A, elles gardent la possibilité de pouvoir s'adapter de manière progressive à l'évolution des évènements, et de graduer les mesures de prévention en fonction de la gravité des circonstances. Rappelons qu'en France, le niveau 6, au vu du plan consigné, aurait imposé l'arrêt d'une partie des transports publics et la fermeture de toutes les écoles.