C. DES ÉLÉMENTS JUSTIFIANT DE MAINTENIR CETTE VIGILANCE
1. La place réduite des questions européennes dans la vie politique allemande
L'arrêt « Maastricht » soulignait que l' « influence nécessaire du Bundestag » sur la politique européenne était favorisée par l'article 23 de la Loi fondamentale, qui venait d'être introduit, et par la loi d'application subséquente. Il s'agissait là d'un des arguments conduisant à rejeter le grief d'atteinte au principe de démocratie. En même temps, cet argument constituait un appel à un exercice effectif du contrôle parlementaire, condition pour que le raisonnement adopté par la Cour ait toute sa force.
Or, il semble que les questions européennes aient continué à occuper une place réduite dans la vie politique et parlementaire allemande (5 ( * )) .
Traditionnellement, la construction européenne n'est pas un domaine où les différences entre les deux plus grandes forces politiques sont très marquées. Mais l'existence d'une « grande coalition » entre ces deux plus grandes forces, au cours des quatre dernières années, a sans doute contribué à limiter plus encore le débat européen.
La construction européenne est solidement ancrée en Allemagne, car elle a été le cadre de la réintégration du pays dans la communauté internationale, puis de sa réunification il y a vingt ans. De plus, l'Allemagne, en tant que pays le plus important de l'Union, exerce une influence importante dans la vie de l'Union européenne, et particulièrement au sein du Parlement européen. La structuration des forces politiques en Europe s'est largement faite à partir de celle de la vie politique allemande. De cette situation naît une présomption de confiance qui ne favorise pas la vigilance et le contrôle.
Ainsi, à la suite de plusieurs cas où la transposition en droit allemand du mandat d'arrêt européen avait abouti à des situations extrêmement contestables, il est apparu que le contrôle parlementaire avait été insuffisant tant lors de la négociation que de la transposition du texte. Lorsqu'elle a été saisie, la Cour constitutionnelle a été amenée à annuler la loi de transposition, jugeant que le législateur allemand n'avait pas utilisé la marge de manoeuvre que lui laissait la décision-cadre pour concilier le mandat d'arrêt européen et la protection des droits fondamentaux garantis par la Constitution allemande. Sans remettre en cause le principe même du mandat d'arrêt européen, la Cour a exigé une nouvelle loi et, dans l'attente, a interdit l'extradition de citoyens allemands sur la base de la loi transposant le mandat d'arrêt européen. Une nouvelle loi a finalement été adoptée un an plus tard.
Mais cet épisode avait fait apparaître que le Parlement allemand n'exerçait pas toujours dans leur plénitude ses pouvoirs de contrôle sur la politique européenne.
* (5) On pourrait assurément faire le même constat pour la France, même si le référendum sur le traité constitutionnel a fait pénétrer pour un temps les thèmes européens dans la vie politique nationale.