EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 24 juin 2009, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission des finances a entendu une communication de Mme Michèle André, rapporteure spéciale, sur les titres sécurisés et l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) .

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a présenté les principales conclusions de la mission de contrôle budgétaire, menée en application de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et dans le cadre de ses fonctions de rapporteure spéciale des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », sur les titres sécurisés et l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

Cette mission s'inscrit dans la continuité des travaux menés par le Sénat à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2009. A l'automne dernier, la problématique des titres sécurisés s'est posée de manière cruciale aux élus, et en particulier aux communes à qui allait incomber la tâche de délivrer le nouveau passeport biométrique.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a rappelé que la commission a joué un rôle essentiel dans la préservation des intérêts légitimes des communes. Par un amendement co-signé par elle-même et le rapporteur général, M. Philippe Marini, l'indemnisation des communes retenues pour être équipées de stations d'enregistrement a pu être augmentée de manière substantielle, quoique encore insuffisante. Elle est passée de 3 200 euros par station à 5 000 euros.

De même, les préoccupations des professionnels de la photographie ont pu être prises en compte. La loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 a autorisé les maires à débrancher les appareils photographiques incorporés aux stations d'enregistrement, préservant ainsi le marché des photographes, dont une part importante du chiffre d'affaires dépend des photos d'identité.

Eu égard à l'augmentation importante du timbre fiscal requis pour un passeport (qui est passé de 60 euros pour un adulte à 89 euros en loi de finances pour 2009), Mme Michèle André a estimé nécessaire de poser un diagnostic sur ce passage à une nouvelle génération de titres d'identité.

Elle a souhaité analyser le « cycle » des titres d'identité, de la demande initiale à la délivrance finale. Son étude l'a amenée à identifier un certain nombre de dysfonctionnements, d'incertitudes et, même, de zones d'ombre, qui demeurent à ce jour.

Elle a souligné que la notion de titre sécurisé renvoie naturellement aux titres d'identité, mais aussi à la nouvelle carte grise instituée dans le cadre du nouveau système d'immatriculation des véhicules (SIV). Pour cette dernière, la sécurisation n'est pas liée à l'introduction d'un composant électronique, mais à la sécurisation de la production, de l'acheminement et du support physique du titre.

Elle a rappelé que le nouveau SIV est entré en application le 15 avril dernier pour les véhicules neufs. S'il paraît aujourd'hui opérationnel s'agissant des véhicules neufs, le ministère de l'intérieur a néanmoins différé, au 1 er octobre 2009, son application pour les véhicules d'occasion.

Elle a indiqué que son système informatique souffre, en effet, de lacunes et de défaillances, qui rendent nécessaires de nouveaux tests. Déjà, la transition concernant la délivrance de certificats d'immatriculation pour les véhicules neufs s'était opérée avec quelques difficultés du côté des constructeurs, faute d'une concertation suffisante. Le risque étant d'entraver les transactions sur le marché automobile, on peut regretter qu'un « Plan B » n'ait pas été prévu avec, par exemple, la conservation de l'immatriculation temporaire en WW. Par ailleurs, l'ergonomie de ce système informatique nécessite encore quelques progrès : par exemple une meilleure visualisation de l'écran de saisie des données et la possibilité d'une relecture en mairie.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a précisé que ces difficultés ne sont, toutefois, pas entièrement imputables à l'ANTS, puisque l'agence n'a repris ce projet qu'en cours de route et qu'il était auparavant conduit par un autre prestataire.

Elle a souligné que l'émergence de la nouvelle génération de titres d'identité et de voyage renvoie aux préoccupations accrues, de la part de nombre d'Etats, en matière de sécurité intérieure et de sécurisation des transports internationaux depuis le 11 septembre 2001.

Elle a relevé que les avantages attendus de cette nouvelle génération de titres concernent tant les usagers que l'administration. Ils portent, en premier lieu, sur une meilleure protection des données d'identité contre la fraude. Cette sécurisation s'applique aussi bien aux titres eux mêmes qu'au processus de leur délivrance. La lutte contre la contrefaçon et contre la falsification des documents d'identité représente ainsi un objectif prioritaire de cette politique.

Elle a ajouté que la conservation des données d'identité dans un système d'information doit permettre, au stade du renouvellement du titre, de s'assurer que le demandeur est bien la personne initialement connue du système sous cette identité. En outre, la transmission, sous forme dématérialisée, des actes de l'état-civil entre la mairie de naissance et la mairie de demande vise à répondre à un objectif de sécurisation des procédures touchant à l'identité des personnes.

Elle a indiqué qu'il est attendu de l'entrée en application de cette nouvelle génération de titres d'identité et de voyage une simplification administrative, une plus grande efficience des services, et une meilleure qualité du service rendu à l'usager. En effet, la nouvelle chaîne de traitement des demandes permet un suivi en temps réel des différentes étapes de la délivrance, depuis le dépôt de la demande jusqu'à sa remise. En cela, elle doit permettre de réduire le délai de délivrance du titre, grâce à une meilleure traçabilité des différentes étapes et à la transmission des données sous forme numérique.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a expliqué que les nouveaux titres sécurisés comportent des données de deux ordres. D'une part, certaines données sont directement inscrites sur le document : nom, prénom, date et lieu de naissance, photo... D'autre part, un composant électronique, c'est-à-dire une puce, est incorporée au document d'identité lui-même. Cette puce reprend les données présentes sur le document, ainsi que l'image numérisée de l'empreinte digitale de deux doigts. C'est ce dernier point qui justifie le recours au terme de titre « biométrique ». Les données contenues dans la puce électronique sont protégées, notamment, par des mécanismes de cryptographie rendant théoriquement impossible leur lecture à distance.

Elle a rappelé que l'installation, dans les communes, des stations d'enregistrement, nécessaires à la délivrance des passeports biométriques, a débuté par une phase expérimentale, dès l'automne dernier, et s'est poursuivie par phases successives jusqu'à ces derniers jours. En application du règlement européen du 13 décembre 2004, la France est en effet tenue, comme ses partenaires européens, d'opérer la transition au passeport biométrique d'ici au 28 juin, soit dans trois jours.

Elle a souligné la place centrale de l'ANTS dans le dispositif. Cette agence a été créée à la suite de la publication d'un audit de modernisation, en octobre 2006.

Etablissement public administratif interministériel placé sous la tutelle du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, l'ANTS a pour mission :

- la définition des normes techniques relatives aux titres ;

- le développement, la maintenance et l'évolution des systèmes et des réseaux informatiques permettant la gestion des titres et la transmission des données ;

- l'achat, pour le compte des administrations de l'Etat, des titres sécurisés ;

- l'acquisition et la mise à disposition des administrations, des matériels et des équipements nécessaires à la gestion et au contrôle de l'authenticité et de la validité des titres.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a indiqué que l'agence exerce ses missions depuis le 1er mars 2007 pour le passeport électronique, et, depuis le 1er juin de la même année, pour le passeport biométrique et la carte nationale d'identité électronique. Le transfert de compétences concernant le SIV est intervenu plus récemment, le 10 septembre 2008, tandis que l'ANTS exerce ses missions concernant le visa biométrique depuis le 8 décembre 2008. Le rapport issu de l'audit de modernisation envisageait également de confier à l'ANTS la compétence pour le permis de conduire et les titres permettant l'accueil et le séjour des étrangers en France, dont le titre de séjour. Toutefois, à ce jour, ces transferts n'ont pas encore été réalisés.

Elle a précisé que la montée en puissance de l'agence est prévue sur la période 2007-2010. En 2007, le financement de l'ANTS reposait sur 45 millions d'euros de taxes affectées, provenant des droits de timbre sur les passeports, et 0,8 million d'euros de subventions pour charges de service public.

En loi de finances pour 2009, ce financement s'appuie sur une fraction des droits de timbre sur les titres d'identité et de voyage, pour un montant de 131,2 millions d'euros s'agissant du passeport et de 12,5 millions d'euros s'agissant de la carte nationale d'identité. Il comprend également une fraction de la taxe sur l'immatriculation des véhicules (43 millions d'euros) et de la redevance pour cette immatriculation (28 millions d'euros). Par ailleurs, ce financement est complété par une subvention s'élevant à 52,8 millions d'euros pour charges de service public, retracée dans le programme « Administration territoriale » de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a indiqué que le budget prévisionnel de l'agence pour 2009 se monte à 262,7 millions d'euros. Cette enveloppe budgétaire se décompose en 54 millions d'euros pour l'investissement, 202 millions d'euros pour le fonctionnement et 6,7 millions d'euros de frais de personnel.

Elle a observé que les dépenses d'investissement de l'ANTS croissent fortement depuis 2007, afin de faire face à la montée en charge des programmes et à l'équipement des mairies, des préfectures et des consulats. Par ailleurs, un centre d'appel téléphonique vient d'être mis en place à Charleville-Mézières.

Elle a relevé que les dépenses de fonctionnement, qui comptent pour 76,9 % du budget total de l'agence, s'expliquent notamment par l'achat et le transport des titres, produits et personnalisés à l'Imprimerie nationale à Douai, ce poste représentant à lui seul 160 millions d'euros. Ces dépenses comprennent également l'aide à l'installation des stations d'enregistrement versée aux communes.

Depuis sa création, l'agence a mis en oeuvre une politique de recrutement adéquate à sa montée en charge progressive. Pour 2009, la loi de finances prévoit un plafond d'emplois à 116 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT). Au 14 avril 2009, les effectifs de l'agence s'élevaient à 100 personnes et quelques recrutements étaient encore en cours.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a remarqué que, en matière de gestion des ressources humaines, l'une des spécificités de l'ANTS réside probablement dans la proportion de contractuels qu'elle gère. En effet, elle s'appuie aujourd'hui sur 64 contractuels, ce qui peut paraître important. Mais il lui a fallu rechercher des compétences spécialisées dans le domaine des technologies et des systèmes d'information. Elle a également recruté des personnels pour des fonctions de téléconseillers, l'ANTS comptant 34 téléopérateurs. Car la prime d'incitation à la mobilité, mise en place par l'agence, n'a permis de pourvoir qu'une vingtaine de postes sur les 93 ouverts au sein du service de gestion installé à Charleville Mézières.

Elle a indiqué que l'implantation de l'agence est double, partagée entre Charleville-Mézières, pour son activité de centre d'appel et de gestion, et Levallois Perret, qui accueille un sixième de ses effectifs. La localisation dans la capitale des Ardennes répond non seulement à un souci d'aménagement du territoire, mais aussi à une préoccupation de réduction des coûts et de fidélisation des personnels.

Parmi les principaux interlocuteurs de l'ANTS dans le cycle de production des titres d'identité, Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a souligné le rôle essentiel de l'Imprimerie nationale. Celle-ci a en effet su faire évoluer ses métiers et s'adapter aux exigences technologiques nouvelles, résultant notamment des projets menés par l'agence.

Elle a salué la démarche volontariste, menée par l'Imprimerie nationale et ses personnels, ayant permis la modernisation incontestable de cet établissement.

Du point de vue des résultats obtenus, Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a estimé qu'il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions définitives. Toutefois, quelques éléments d'appréciation peuvent, d'ores et déjà, être mis en lumière.

Tout d'abord, elle s'est s'interrogée sur le maillage du territoire par 2 000 communes s'étant, selon le ministère de l'intérieur, portées volontaires pour l'accueil des stations d'enregistrement. En la matière, la notion de « volontariat » peut être sujette à caution, dans la mesure où les communes n'ont pas vraiment toujours eu le choix.

Elle a rappelé que le montant de l'indemnisation des communes accueillant les stations d'enregistrement a été fixé, en loi de finances pour 2009, à 5 000 euros par station. Mais ce montant est forfaitaire, et ne prend donc pas en considération les situations spécifiques de chaque commune. Par ailleurs, cette indemnisation, indexée sur l'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF), ne vise à couvrir que le coût supplémentaire induit par les demandes d'usagers non résidents de la commune. L'Etat part du principe qu'il ne lui revient pas d'indemniser la commune pour les titres délivrés à ses résidents, cette mission relevant de la charge du maire en tant qu'officier d'état civil.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a ajouté que le caractère forfaitaire de l'indemnisation ne prend en compte ni la spécificité des « villes-centres » (comme Clermont-Ferrand, par exemple), ni le caractère plus ou moins touristique de la commune, ni les horaires d'ouverture des mairies plus ou moins attractifs pour les usagers (ouverture le samedi matin, par exemple). Il va pourtant de soi que tous ces éléments sont autant de facteurs devant être pris en considération pour apprécier le nombre de passeports susceptibles d'être délivrés dans une commune. Ainsi, par exemple, pour le premier trimestre 2009, la ville de Beauvais a estimé que le nombre de demandes émanant de personnes non résidentes sur son territoire s'élevait à 46 % des demandes totales pour le passeport biométrique.

Par ailleurs, elle a souligné le caractère crucial de l'évaluation du coût de fonctionnement, pour les communes, des stations d'enregistrement. Les débats, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, s'étaient déjà largement faits l'écho de profondes divergences en la matière selon les acteurs.

Elle a indiqué que la variable principale déterminant ce coût de fonctionnement correspond au temps passé par l'agent de mairie à l'occasion de la délivrance d'un titre. A cet égard, les estimations divergent grandement. Du côté du ministère de l'intérieur et de l'ANTS, on estime ce temps à environ 10 minutes, après un certain délai d'apprentissage. Lors de son audition par la commission des finances, le mardi 16 juin, dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement pour 2008, Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a d'ailleurs, à nouveau, évoqué un temps de l'ordre de 9 minutes. Mais, du côté des mairies, les remontées du terrain sont beaucoup moins optimistes. Il paraît raisonnable d'évaluer le temps consacré à la totalité de la procédure à 20-25 minutes. Celle-ci comprend en effet le temps d'accueil, celui de la saisie des données puis le temps de remise du document avec, au préalable, une vérification de l'identité. Encore cette estimation ne tient-elle pas compte du temps simplement passé aux renseignements, téléphoniques ou sur place, auprès des usagers.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a jugé absolument nécessaire de rediscuter le montant de l'indemnité aux communes, après une évaluation plus précise de la charge pesant sur elles. Le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, s'est engagé à conduire un audit, dont les conclusions pourraient être portées à la connaissance des parlementaires à la fin de l'année ou, plus vraisemblablement, dans le courant de l'année 2010. La discussion de la loi de finances pour 2010 constitue un rendez-vous important pour cette question. Le calcul de l'indemnité doit en effet pouvoir prendre en compte non seulement le temps réel consacré par les agents en mairie à la délivrance des titres, mais aussi une évaluation précise du nombre de demandeurs extérieurs à la commune.

Elle a estimé qu'une autre difficulté réside dans la prise de photo en mairie. Celle-ci est facultative et a été laissée à la discrétion des maires à l'issue des débats en loi de finances pour 2009. Or, selon l'Association pour la promotion de l'image (API), les photographes professionnels, comme les usagers et les agents en mairie, sont confrontés à de réelles difficultés. Parmi celles-ci, on peut évoquer le rejet de photos prises chez les professionnels, des problèmes de normes des photos d'identité, ou encore le refus de prendre les enfants en photo. Il est impératif que ces obstacles soient levés au plus vite par une concertation étroite entre l'ANTS, le ministère, les collectivités et les professionnels de la photographie.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a regretté vivement que cette concertation n'ait pas eu lieu en amont du projet, ce qui aurait permis d'éviter les difficultés actuelles pouvant conduire jusqu'à des délais d'attente de six à huit semaines avant d'obtenir un passeport.

Elle a constaté que ces réglages sont d'autant plus urgents que l'activité de délivrance des passeports est fortement saisonnière. Or, comme la presse l'a rapporté, des phénomènes d'embouteillage sont actuellement à déplorer dans les mairies, confrontées à un accroissement considérable du nombre de demandeurs en cette période de l'année. Le passage à la nouvelle génération de titres biométriques ne doit pas avoir pour conséquence une dégradation de la qualité du service rendu à l'usager.

Elle a rappelé que ce service a un prix. Avec la loi de finances pour 2009, le montant du timbre fiscal pour un passeport d'adulte est passé de 60 euros à 89 euros, soit une augmentation de près de 50 %. Selon le gouvernement, cette hausse vise simplement à couvrir le coût plus élevé d'un passeport biométrique.

Toutefois, Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a déploré que cet argument ne soit pas démontré. Aucun coût complet du passeport biométrique n'a pu lui être communiqué. L'estimation du coût de production, qui lui a été indiquée lors de sa visite à l'Imprimerie nationale à Douai, est de l'ordre de 11 euros. L'évaluation du prix d'achat du passeport et de son acheminement, qui lui a été transmise par l'ANTS, est située entre 15 euros et 15,50 euros. Certes, d'autres coûts s'imputent (amortissement des investissements, frais de fonctionnement de l'ANTS...), mais on reste loin des 89 euros. L'application rigoureuse d'une comptabilité analytique est urgente, afin de justifier clairement, auprès du citoyen, le montant du timbre fiscal dont il s'acquitte.

Enfin, Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a jugé ne pas pouvoir passer sous silence certaines implications, en matière de respect de la vie privée et de protection des libertés publiques. Dans un avis rendu le 11 décembre 2007, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) exprime des interrogations sur le système mis en place, dans le cadre de l'entrée en vigueur du passeport biométrique, en particulier au sujet de la conservation des données biométriques et de l'habilitation pour y accéder. Surtout, le règlement européen de décembre 2004 n'impose la saisie que de deux empreintes digitales. Or, la procédure mise en place en France pour le passeport biométrique s'appuie sur l'enregistrement de huit empreintes.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , s'est interrogée, au même titre que la CNIL, sur un tel niveau d'exigence.

Elle a souligné que l'ensemble de ces questions mérite une attention d'autant plus grande que, après le passeport biométrique, il est envisagé une carte nationale d'identité biométrique.

En conclusion, Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a noté que l'émergence d'une nouvelle génération de titres sécurisés marque une étape importante. Elle ouvre un champ inédit, sur lequel travaille actuellement l'ANTS, dans le domaine de la reconnaissance et de la sécurisation de l'identité sur Internet. Les futurs titres d'identité pourraient en effet contribuer à un essor sans précédent du développement de la e-administration et des e transactions.

Elle a jugé que d'une manière générale, l'entrée en vigueur du nouveau SIV, comme celle du passeport biométrique, se déroulent dans des conditions, pour l'instant, globalement satisfaisantes. Aucun « plantage » total du système n'est à déplorer. Pour autant, certains « plâtres » n'ont pas pu être évités. Elle souhaite que sa mission soit notamment l'occasion de tirer le signal d'alarme et d'y remédier.

Enfin, d'un point de vue strictement budgétaire, Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a conclu à l'urgence de la mise en place d'une réelle comptabilité analytique en matière de titres sécurisés. Cette comptabilité permettra une évaluation précise des coûts, seule base solide de justification du montant de la taxe acquittée par l'usager.

Elle a en outre estimé que la question du montant de l'indemnisation des communes accueillant les stations d'enregistrement reste en suspens. L'enjeu réside, notamment, dans le choix de la méthode de calcul. Il paraît souhaitable que le forfait actuel soit remplacé par une indemnité calculée au prorata des titres délivrés en année n-1 ou n-2. Cette méthode serait en mesure de pallier les inégalités choquantes entre communes, qui ne manqueront pas de se produire si le système du forfait est maintenu.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a considéré que cette question devra revenir à l'ordre du jour des échanges avec le Gouvernement, à l'occasion de la discussion de la prochaine loi de finances pour 2010.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Jean Arthuis, président , s'est interrogé sur le caractère plus ou moins spontané des candidatures des communes s'étant proposées pour l'accueil des stations d'enregistrement.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a indiqué que, lors de l'appel à candidatures, il a été suggéré aux communes un découpage géographique visant à délimiter leurs zones d'attraction. Cette vision était toutefois en décalage avec la réalité, selon laquelle le demandeur d'un passeport peut s'adresser à n'importe quelle commune sur l'ensemble du territoire. Du fait de l'affluence de demandeurs leur étant extérieurs, un certain nombre de communes voient d'ailleurs leurs services débordés.

M. Jean Arthuis, président , a estimé que la suppression des sous-préfectures peut être le corollaire du transfert de ce type de compétences aux communes.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a souligné que les communes ayant passé une convention avec l'Etat en matière de délivrance de titres d'identité peuvent revenir sur cet engagement. Elle a ajouté que certaines mairies, comme celle de Chantilly par exemple, sont contraintes d'augmenter leur effectif pour faire face à cette nouvelle mission.

M. Jean Arthuis, président , a rejoint Mme Michèle André dans sa demande de la mise en place d'une véritable comptabilité analytique dans le domaine des titres sécurisés.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a répété qu'une telle comptabilité est nécessaire et elle a rappelé qu'elle n'a obtenu aucune réponse à ses demandes de justification d'une hausse de près de 50 % du droit de timbre fiscal pour le passeport.

M. Jean Arthuis, président , s'est en outre inquiété du devenir de la profession de photographe, au regard du dispositif mis en place dans le cadre du passeport biométrique.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a souligné les efforts accomplis par cette profession pour se conformer aux normes édictées par le ministère et elle a souligné le risque de mécontentement des photographes en réaction à la situation ainsi créée.

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » pour la commission des lois , a indiqué que l'estimation d'un délai moyen de neuf à dix minutes pour le traitement de la demande d'un passeport biométrique, ne tient compte ni du dialogue nécessaire entre l'usager et l'agent, ni du temps passé lors du retrait du passeport. Les communes ne sont pas opposées à assumer la mission de délivrance du passeport, à condition d'être indemnisées au coût réel.

Face à l'allongement actuel des files d'attente devant les guichets en mairie, il a suggéré que la prise de rendez-vous puisse se faire par Internet, comme certaines communes le font déjà, et que le téléchargement du document administratif de demande soit possible.

A son tour, il a souligné le nombre important de rejets, par l'Imprimerie nationale, de dossiers du fait de photos d'identité non réglementaires, notamment dans le cas des enfants ou des personnes de couleur prises sur un fond foncé. Le photographe professionnel pourrait délivrer la photo d'identité sur un support numérique afin de réaliser des gains de temps et d'efficacité. Cette solution passe par l'équipement en lecteur adapté des stations d'enregistrement actuelles.

M. Jean-Jacques Jégou a indiqué que, dans son département, certaines communes se sont fait concurrence pour obtenir leur station. Il s'est interrogé sur le principe de l'indemnisation des communes au titre de la délivrance du passeport.

M. Jean Arthuis, président , a rappelé que cette indemnisation s'élève à 5.000 euros par station et vise à couvrir les demandes émanant d'usagers extérieurs à la commune.

M. Jean-Jacques Jégou a souligné la condamnation de l'Etat à payer une amende pour les quatre dernières années, au cours desquelles la délivrance des titres a été transférée aux communes et s'est opérée sans base légale.

Il a regretté la complexité du dispositif actuel pour l'usager, qui doit s'acquitter de 88 euros s'il peut produire deux photos d'identité, et de 89 euros dans le cas contraire. Il a précisé que, devant une telle situation, la mairie risque de servir d'exutoire à l'irritation des usagers.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a déploré que cette question n'ait pas fait l'objet d'une concertation en amont avec tous les acteurs concernés.

M. Jean-Jacques Jégou a insisté sur le risque de blocage du système ainsi que sur le temps effectif passé à délivrer un passeport. Ce temps est de trente minutes pour remplir le dossier administratif, puis de vingt minutes consacrées au traitement du dossier.

M. Philippe Dallier a indiqué que le département de Seine-Saint Denis n'a pas encore procédé à la mise en place de ce dispositif, mais qu'il le fera d'ici au 28 juin 2009. Il s'est inquiété de la situation dans ce département, où certaines communes n'ont pas accepté les stations et où les demandeurs risquent de ne remplir le formulaire qu'avec beaucoup de difficultés.

Il déplore que l'Etat n'ait pas su adapter ses méthodes de travail et que la responsabilité du passeport incombe désormais, aux yeux de l'opinion publique, aux maires.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a rappelé que cette situation est la conséquence de la position prise par les députés, en commission mixte paritaire (CMP), lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2008.

Mme Nicole Bricq a annoncé qu'elle a conduit une enquête dans son département auprès de huit communes. Ces communes assument leur responsabilité en matière de délivrance de titres mais souffrent de graves problèmes de personnels et de stationnement, liés à l'afflux des demandeurs.

M. Jean Arthuis, président , a estimé que pour pallier ce manque de personnel, il conviendrait de redéployer les effectifs des sous-préfectures.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a considéré que ces activités de délivrance de titres auraient pu être maintenues dans les sous-préfectures.

M. Alain Anziani a remarqué que les sous-préfectures s'occupent encore, notamment, des étrangers.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a rappelé que les conventions passées entre l'Etat et les communes peuvent être dénoncées, sous réserve du respect de certains délais, par les communes.

M. Jean-Jacques Jégou a déploré que l'Etat s'en remette à la pression populaire, susceptible de peser sur les élus locaux en faveur du maintien en fonctionnement des stations d'enregistrement.

M. Jean Arthuis, président , a rappelé que le maire de la commune est officier d'état civil. Il a toutefois regretté le manque de lisibilité du barème qui varie entre 88 et 89 euros, selon que le demandeur d'un passeport fournit sa photo d'identité ou pas. Il a en outre souhaité que le photographe professionnel puisse, à l'avenir, fournir à son client un support numérique réutilisable en mairie et que, à cette fin, les stations d'enregistrement soient équipées d'un lecteur adapté.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a souligné le caractère « rudimentaire » de l'équipement de ces stations et a relevé que certaines mairies rencontrent des problèmes d'utilisation des « douchettes » permettant la lecture de l'imprimé rempli par le demandeur.

M. Jean Arthuis, président , s'est inquiété de la procédure visant à enregistrer huit empreintes de l'usager.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale , a répercuté les réserves de la CNIL sur cette question. Si l'ANTS dispose d'une réelle expertise en matière de développement technologique, elle n'a pas été en mesure de lever les interrogations sur le sujet du nombre d'empreintes prises, en dépit de demandes d'explication récurrentes. Les enseignements tirés du passage au passeport biométrique sont d'autant plus importants que la prochaine étape pourrait être une carte nationale d'identité biométrique. A cet égard, il est permis de douter de la nécessité d'introduire des données biométriques dans ce titre d'identité, dès lors qu'il n'est pas requis pour voyager.

La commission a ensuite donné acte, à l'unanimité, à Mme Michèle André, rapporteure spéciale, de sa communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information .

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