2. Le dispositif prévu par la loi de finances pour 2009
Afin d'indemniser les communes accueillant une ou plusieurs stations, l'article 136 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 a créé une « dotation relative à l'enregistrement des demandes et à la remise des titres sécurisés ». Cette dotation est désormais inscrite à l'article L. 2335-16 du code général des collectivités territoriales (CGCT).
Elle s'élève à 5.000 euros par an et par station en fonctionnement dans la commune au 1er janvier de l'année 2009 .
Pour ce qui concerne les stations installées entre le 1 er janvier et le 28 juin 2009, elle est fixée à 2.500 euros .
A compter de 2010, le montant de cette dotation évoluera, chaque année, en fonction du taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF).
Dans le cadre du dispositif retenu par l'article 136 précité, le terme d'« indemnisation » peut surprendre. Nombre d'élus locaux lui préféreraient sans doute celui de « compensation » . Pourtant, le choix effectué correspond à une ligne constamment tenue par l'Exécutif selon laquelle le maire, en matière de titres d'identité et de voyage, agit au nom de l'Etat en application de l'article L. 2122-27 du CGCT. Cette analyse conduit ainsi à exclure toute forme de compensation « à l'euro l'euro » qui serait induite par un transfert de compétences de l'Etat vers les communes.
Votre rapporteure spéciale estime cette position contestable et juge à tout le moins nécessaire une révision du mode de calcul de la dotation relative à l'enregistrement des demandes et à la remise des titres sécurisés.
3. La révision nécessaire du mode de calcul de la dotation aux communes
La dotation aux communes présente plusieurs limites qui appellent une refonte , une fois une première évaluation tirée du fonctionnement des stations et de la charge de travail supplémentaire qu'elles font peser sur les mairies.
Tout d'abord, pour les raisons évoquées supra , la dotation ne vise à indemniser les communes que pour l'activité générée par les demandes de titre émanant de citoyens ne résidant pas dans la commune d'implantation de la station .
En outre, le niveau de l'indemnisation accordée par l'Etat aux communes est insuffisant et ne couvre pas toutes les charges incombant aux mairies . D'une part, le montant alloué ne tient pas compte du coût des aménagements que les mairies ont très souvent dû faire pour adapter leurs locaux à l'accueil des stations (travaux, sécurisation des locaux...). D'autre part, l'hypothèse sur laquelle se fonde le calcul de la dotation paraît erronée et ne correspond pas à la réalité.
Le mode de calcul de la dotation : les hypothèses théoriques Les hypothèses retenues par le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et par l'ANTS pour calculer le montant de l'indemnisation devant être versée aux communes peuvent se résumer de la manière suivante. Une station d'enregistrement a la capacité de traiter entre 2.000 titres et 4.000 titres par an. Un chiffre moyen de 2.500 titres par an peut ainsi être arrêté. La proportion de titres correspondant à des demandes extérieures est estimée à 30 % , soit un nombre de titres égal à 800 par an. Le traitement de 800 titres représente, en temps de travail, 12.000 minutes, en comptant 15 minutes par titre . Le temps passé sur une demande de passeport a d'ailleurs vocation à se ramener rapidement à 10 minutes, grâce aux effets d'apprentissage qui ne manqueront pas de se produire dans les services d'état civil des mairies. Sur la base de 1.600 heures de travail par an, le temps consacré aux demandes extérieures représente donc l'équivalent de 0,125 ETPT d'un agent de catégorie C . Dès lors, l'indemnité à accorder à la commune correspond environ à 3.200 euros par station et par an (1.600 euros pour les stations installées entre le 1 er janvier 2009 et le 28 juin 2009). C'est d'ailleurs ce montant qui figurait initialement dans le projet de loi de finances pour 2009, avant que le Gouvernement ne dépose, en première lecture au Sénat, un amendement visant à revaloriser la dotation à hauteur de 5.000 euros (2.500 euros pour les stations installées entre le 1 er janvier et le 28 juin 2009). Source : ANTS |
Le mode de calcul choisi par le ministère et l'ANTS repose donc sur l'hypothèse fondamentale suivante : un agent municipal passe en moyenne 10 à 15 minutes pour traiter une demande de passeport biométrique .
Lors de son audition par votre commission, le 16 juin 2009, dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement pour 2008, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, alors Mme Michèle Alliot-Marie, a d'ailleurs confirmé que « le délai de traitement moyen en mairie pour une demande de passeport biométrique est de 9 minutes, même s'il peut aller jusqu'à 20 minutes dans certains cas ».
En pratique, tel ne paraît pourtant pas être le cas . Ainsi qu'a pu le constater votre rapporteure spéciale, en particulier à l'occasion d'un déplacement sur le site pilote de la mairie de Chantilly 47 ( * ) , le temps de traitement s'approche plus vraisemblablement de 25 minutes . Il convient en effet de bien prendre en compte toutes les étapes de l'opération et pas seulement l'enregistrement des données : l'accueil et le renseignement de l'usager, la prise d'empreintes, la prise de photo éventuelle, l'enregistrement du dossier et, enfin, la remise du passeport à l'usager quelques jours plus tard après vérification de son identité. Confronté à des publics difficiles, l'agent municipal peut même se voir contraint de passer un temps beaucoup plus long (aide pour remplir le dossier, prises multiples de photo...).
Dans une tentative de simulation réalisée en août 2008 48 ( * ) , l'AMF estime à 16.650 euros le coût supporté par une commune traitant 2.500 demandes par an, sur la base de 25 minutes consacrées à chaque dossier et d'un coût salarial moyen de 16 euros de l'heure.
Dans une logique où seules les demandes des usagers ne résidant pas dans la commune seraient prises en compte pour le calcul de la charge incombant à la commune et où ces demandes extérieures représenteraient 30 % du total des dossiers (soit 800 passeports), le coût s'élèverait alors à 4.995 euros .
Une autre hypothèse de calcul retenue par le ministère et l'agence doit assurément être revue à la hausse : la proportion de demandes extérieures à la commune d'accueil de la ou des station(s). Initialement cette proportion avait été estimée à 30 %. Ainsi, lors de l'audition précitée, Mme Michèle Alliot-Marie a annoncé que « le nombre de demandes émanant d'usagers n'habitant pas la commune de délivrance s'élève à 50 % ».
Au total, votre rapporteure spéciale estime absolument nécessaire de remettre à plat le mode de calcul de la dotation relative à l'enregistrement des demandes et à la remise des titres sécurisés .
Ce redimensionnement pourrait utilement s'appuyer sur l' audit de fonctionnement des stations que s'est engagé à mener le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, alors Mme Michèle Alliot-Marie, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009. En séance devant votre assemblée, le 5 décembre 2008, le ministre a en effet indiqué qu'elle était « prête (...) à procéder à une évaluation après quelques mois, de sorte que la charge soit justement compensée, par exemple pour les personnes extérieures à la commune. » 49 ( * ) .
Toutefois, les conclusions de cet audit ne devraient pas être connues avant le début de l'année 2010. Dans l'attente, votre rapporteure spéciale considère que cette question devra être réexaminée dès la discussion du projet de loi de finances pour 2010 .
Le caractère forfaitaire de la dotation ne prend en effet en compte ni la spécificité des « villes-centres » (qui reçoivent un grand nombre de demandes « extérieures »), ni le caractère plus ou moins touristique de la commune , ni les horaires d'ouverture des mairies plus ou moins attractifs pour les usagers (ouverture le samedi matin, par exemple). Il va pourtant de soi que tous ces éléments sont autant de facteurs devant être pris en considération pour apprécier le nombre de passeports susceptibles d'être délivrés dans une commune. Ainsi, par exemple, pour le premier trimestre 2009, la ville de Beauvais a estimé que le nombre de demandes émanant de personnes non résidentes sur son territoire s'élevait à 46 % des demandes totales pour le passeport biométrique.
Etant donné l'ensemble de ces éléments, votre rapporteure spéciale considère que le calcul de l'indemnité doit pouvoir prendre en compte non seulement le temps réel consacré par les agents en mairie à la délivrance des titres, mais aussi une évaluation précise du nombre de demandeurs venant de l'extérieur de la commune.
Dans cette perspective, il paraît souhaitable que le forfait actuel (fixé à 5.000 euros) soit remplacé par une indemnité calculée au prorata des titres délivrés en année n-1 ou n-2 . Cette méthode serait en mesure de palier les inégalités choquantes entre communes, qui ne manqueront pas de se produire si le système du forfait est maintenu.
Plus généralement, votre rapporteure spéciale s'interroge sur l'opportunité d'avoir transféré la compétence de la délivrance des titres d'identité aux communes . Cette responsabilité aurait en effet tout à fait judicieusement pu incomber aux préfectures et aux sous-préfectures, en venant enrichir leur champ de compétences à l'heure où la révision générale des politiques publiques (RGPP) amène à conduire une réflexion de fond sur les nouvelles missions de ces administrations déconcentrées et sur l'évolution de leur rôle dans les territoires.
* 47 Le 26 novembre 2008.
* 48 Cf. Annexe 8.
* 49 Journal officiel - Débats du Sénat en date du 5 décembre 2008.