II. PANORAMA DU PRIX DU LAIT
A. PRÉSENTATION GÉNÉRALE
1. L'évolution dans le temps
En trois ans, entre 2007 et 2009, après une période marquée par une baisse lente mais constante, le prix du lait dans l'Union européenne a connu une volatilité considérable, avec une hausse de 43 % en dix-huit mois, suivie d'une baisse de 32 % en quinze mois.
le prix du lait dans les 15 anciens ÉTATS membres
Ces évolutions étaient inattendues. Le choix de la concurrence totale a fait entrer les marchés dans une espèce d'errance imprévisible comme en témoigne la lecture rétrospective des rapports « prospectifs » de la Commission, rédigés à un an d'intervalle et tous deux passablement erronés.
2006
Les forces de marché constituent aujourd'hui le facteur le plus déterminant (des prix). On s'attend à ce que ces changements (baisse des soutiens au secteur du lait) fassent baisser le prix du lait dans la lignée des réductions de prix d'intervention et ce qu'ils s'alignent davantage sur les prix mondiaux.
Commission - « lait et produits laitiers dans l'UE » - Août 2006
2007
Le prix moyen des produits laitiers sur les marchés mondiaux devraient fortement augmenter au cours de la prochaine décennie par rapport à la décennie écoulée.
Commission - Rapport de la Commission du Conseil « perspectives de marché dans le secteur du lait et de produits laitiers - COM (2007) 800 final - 12.12.2007
À deux reprises, l'analyse de la Commission - comme les autres - s'est montrée erronée. Quand elle programmait une baisse, il y eut une hausse. Quand elle programmait une hausse, il y eut une baisse... Que s'est-il passé ?
Pourquoi la hausse brutale des prix en 2007 ?
Après plusieurs années - dizaines d'années - d'excédents de production, la consommation mondiale de produits laitiers excède la production. La consommation européenne de fromage augmente régulièrement mais, surtout, la demande mondiale est tirée par la Chine. La consommation y est certes insignifiante par rapport aux standards européens, mais est multipliée par trois en cinq ans, pour atteindre 9 litres de lait par habitant (contre 90 litres pour le lait et 330 litres pour les produits laitiers en Europe ).
L'offre mondiale est insuffisante. La production de Nouvelle Zélande, a été très mauvaise en 2007. L'offre européenne stagne et même diminue légèrement. Depuis 2006, plusieurs États membres - la France et le Royaume-Uni, la Hongrie- n'épuisent pas leur quota. Au Royaume-Uni, la baisse organisée des prix a découragé les producteurs. En France, on ne peut exclure le fait que la baisse des prix de 2003, ajoutée à l'annonce de la fin des restitutions et celle de l'abandon des quotas laitiers, ait constitué de puissants facteurs de démobilisation de la profession laitière.
Enfin, comme le reconnaît la Commission, dans le contexte de l'introduction des DPU indépendants des productions, « des alternatives plus rentables que la production laitière sont apparues, tant à l'intérieur qu'à extérieur du secteur agricole ». La réforme a donc pu être suivie de la conversion d'élevages vers la culture de céréales, voire comme en Allemagne, vers les cultures destinées aux biocarburants (cf. Revue laitière française n° 677 décembre 2007).
La pression du marché se traduit d'abord sur la poudre de lait, puis, par contagion, sur l'ensemble des produits laitiers. L'envolée des prix est brutale : + 51 % en Allemagne, + 77 % en Irlande, + 33 % en moyenne dans l'Union européenne en 2007, + 34 % en France. L'embellie dure un an.
Pourquoi la baisse des prix fin 2008 ?
La crise économique est l'explication commode, mais partielle.
La baisse est d'abord la conséquence de la hausse précédente. Au niveau des prix atteints, plusieurs industriels de l'agro-alimentaire ont cherché des produits de substitution, telles que les matières grasses d'origine végétale.
Dans le contexte plutôt déstabilisant de la réforme de 2003, la réponse des éleveurs à la hausse des prix n'a pas été immédiate. Beaucoup ont préféré attendre que la hausse soit pérenne. L'augmentation des productions, nécessairement décalée (il faut deux ans avant qu'une vache ne produise du lait) est intervenue peu de temps avant que le marché ne donne ses premiers signes d'inflexion.
Le mouvement est aggravé de façon impromptue par l'affaire du lait maternisé contaminé à la mélamine qui stoppe net la consommation de lait de un milliard de consommateurs.
La crise vient amplifier un mouvement entamé et inéluctable. Les produits qui « tiraient » le marché - fromage, lait fermenté - sont devenus trop chers pour une nouvelle clientèle assommée par la crise. Les produits qui résistent sont les produits de base, avec une pression sur les prix déjà évoquée.
Enfin, une fois encore, la poudre de lait est l'indicateur maître. Les prix s'effondrent, entraînant l'ensemble du secteur. C'est donc l'amplitude des variations et leur rapidité qui sont les plus marquantes.