D. DES DISPOSITIONS DE TRANSPOSITION SECTORIELLES ENCORE PONCTUELLES
L'abandon par le gouvernement français d'une loi-cadre de transposition conduit à instiller plusieurs dispositions de nature technique à l'occasion de l'examen de différents projets ou propositions de loi afin de mettre la législation française en conformité avec les prescriptions de la directive.
Cette méthode est sans doute moins lisible, tant pour les parlementaires que pour l'opinion publique, mais elle permet, en « technicisant » la transposition, d'éviter l'apparition de polémiques stériles.
Jusqu'à présent, la « directive services » a été partiellement transposée en France par plusieurs dispositions figurant dans des lois récemment adoptées par le Parlement, ou en cours de discussion.
C'est le cas de la loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008.
Son article 8 a confié la mise en place des guichets uniques aux centres de formalités des entreprises ( cf . le III ci-après). L'article 60 de la LME, sans être directement lié à la « directive services », vise à mettre un terme à un contentieux récurrent concernant les dispositions relatives au capital des sociétés d'exercice libéral que la Commission européenne juge contraires au droit communautaire. Cet article relève de 25 % à 49 %, sauf pour l'exercice d'une profession de santé, le plafond de la part du capital des sociétés d'exercice libéral pouvant être détenue par des tiers non professionnels. On rappellera que, sur ce même point, le Parlement n'a pas adopté la disposition du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires qui prévoyait d'assouplir les règles relatives à la détention du capital des laboratoires de biologie médicale. Enfin, l'article 102 de la LME a également réformé la réglementation française relative à l' urbanisme commercial , qui portait atteinte au principe de concurrence et prévoyait le recours à des tests économiques, explicitement prohibés par la « directive services ».
La Commission européenne estime toutefois que la LME aurait probablement pu être utilisée pour réaliser une transposition plus complète de la directive. Le contexte était en effet différent, la crise économique ne s'étant pas encore manifestée et l'époque n'étant marquée par aucune campagne électorale.
La proposition de loi visant à encadrer la profession d'agent sportif et modifiant le code du sport, adoptée par le Sénat le 4 juin 2008, mais pas encore examinée par l'Assemblée nationale, prévoit de faciliter l'activité d'agent sportif par les ressortissants communautaires, tout en la soumettant au même encadrement que l'activité des agents ayant obtenu leur licence en France (2 ( * )) .
Le Sénat a également adopté en première lecture, le 8 avril dernier, le projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques, qui réforme le régime juridique applicable en matière d'organisation et de vente de voyages et de séjours. Afin de respecter la « directive services », les agents de voyage ne seront plus tenus d'exercer de façon exclusive leur activité.
Le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires précité comporte des dispositions tendant à simplifier les régimes d'autorisation applicables aux établissements et services sociaux et médico-sociaux relevant de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles.
L'exposé des motifs de la proposition de loi tendant à modifier la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques assigne explicitement à ce texte l'objectif de mettre en conformité le régime juridique des ventes aux enchères avec la « directive services » (3 ( * )) . L'examen de cette proposition de loi n'a toutefois pas encore été inscrit à l'ordre du jour des assemblées.
Par ailleurs, le gouvernement prépare un projet de loi sur le réseau consulaire, qui comporterait des dispositions sectorielles concernant notamment les agents artistiques, les experts comptables et les marchés d'intérêt national, ainsi que des dispositions de nature transversale visant à transposer le chapitre de la « directive services » relatif à la coopération administrative . Les discussions interministérielles sont en cours, mais il n'est pas impossible que ce texte soit complété par des dispositions concernant l'activité des services à la personne relevant du code du travail.
Des négociations ont également été engagées avec plusieurs professions réglementées .
Rappelons que la « directive services » s'applique à tous les services fournis par les professions règlementées, sauf celles qui sont explicitement exclues de son champ, comme les notaires, les huissiers de justice ou les professions de santé. En outre, si l'article 45 du traité prévoit que les activités participant à l'exercice de l'autorité publique ne sont pas couvertes par les dispositions relatives à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services, cette exclusion recouvre uniquement des activités directement et spécifiquement liées à l'exercice de l'autorité publique et ne concerne pas des professions entières. La Cour de justice des Communautés européennes a ainsi jugé que les activités des avocats ne relèvent pas du champ d'application de l'article 45 ; elles entrent donc dans le champ de la « directive services ». La Cour s'est prononcée dans le même sens en ce qui concerne les entreprises de sécurité privée, mais celles-ci ont été explicitement exclues du champ de la directive.
Certaines professions vont disparaître, par exemple les conseils en propriété industrielle et les avoués près les cours d'appel , qui vont être fusionnés avec les avocats. Ainsi, l'article 32 de la proposition de loi relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées, adoptée par le Sénat le 11 février dernier, mais pas encore examinée par l'Assemblée nationale, procède à la fusion des professions d'avocat et de conseil en propriété industrielle (4 ( * )) . Par ailleurs, le 3 juin dernier, le Gouvernement a déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale un projet de loi portant fusion des professions d'avocat et d'avoué près les cours d'appel.
Le numerus clausus applicable aux offices des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation a été supprimé par un décret du 22 avril 2009 relatif à l'évolution des professions juridiques et judiciaires.
Insistons sur le fait que l'évolution éventuelle de certaines professions réglementées n'est pas nécessairement liée à la transposition de la « directive services ». C'est le cas des notaires. Rappelons-le, cette profession a été explicitement exclue du champ de cette directive. Mais, de façon tout à fait indépendante de cet exercice de transposition, la Commission européenne a engagé une action contentieuse contre la France, au motif que notre pays réserve l'accès et l'exercice de la profession de notaire aux seuls nationaux, sans justification selon elle. Il est donc essentiel de ne pas confondre des exercices distincts. Les conditions d'exercice des professionnels du droit en France, auxquelles le président de la République a demandé à M e Jean-Michel Darrois de réfléchir, n'ont qu'un lien extrêmement ténu avec la transposition de la « directive services ».
On le voit, ces différentes mesures de transposition restent pour l'instant ponctuelles , d'autant plus que la plupart d'entre elles n'ont pas encore été adoptées de façon définitive. De ce point de vue, des incertitudes demeurent quant à la capacité du gouvernement de faire voter suffisamment de dispositions législatives de transposition d'ici la fin de l'année.
* (2) Proposition de loi n° 310 (2007-2008), déposée par M. Jean-François Humbert et plusieurs de ses collègues le 6 mai 2008.
* (3) Proposition de loi n° 210 (2007-2008), déposée par MM. Philippe Marini et Yann Gaillard le 12 février 2008.
* (4) Proposition de loi n° 31 (2008-2009), déposée par M. Laurent Béteille le 15 octobre 2008.