2. Les conclusions du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France
La commission du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, présidée par MM. Alain Juppé et Louis Schweitzer et dont les conclusions ont été publiées en juillet 2008, met en avant l'importance capitale de la diplomatie d'influence dans le contexte d'une compétition globale des idées accélérée par le développement des modes de communication numériques :
- afin d'éviter que les termes de la réflexion sur les enjeux globaux soient posés par d'autres pays, aujourd'hui les États-Unis et demain peut-être l'Asie, la France doit se saisir de façon plus proactive des débats internationaux , en misant sur le dynamisme de ses milieux politiques, économiques, culturels, scientifiques et artistiques. Dans le renouvellement de ses stratégies d'influence, la France doit développer et s'appuyer sur un réseau d'experts placé auprès du ministère des affaires étrangères , le cas échéant sous la forme de comités consultatifs associant formellement des personnalités extérieures issues de l'entreprise, de l'Université et du monde de la recherche et des milieux culturels, sur le modèle des conseillers du commerce extérieur . Cette recommandation plaide, selon vos deux commissions, pour la généralisation des conseils scientifiques auprès des opérateurs dans l'élaboration et la mise en oeuvre de nos orientations stratégiques en matière d'action culturelle extérieure ;
- l'intensification de la compétition globale dans les domaines de la recherche et de l'enseignement supérieur doit conduire la France à réinvestir le marché de plus en plus concurrentiel de la formation des futures élites mondiales . Dans cette logique, il faut faire de l'enseignement français à l'étranger une filière privilégiée de recrutement des étudiants étrangers dans l'enseignement supérieur en France, en s'appuyant sur le réseau de l'AEFE. Vos deux commissions déduisent de ce constat que la coopération universitaire, scientifique et technique doit constituer le coeur de métier d'un opérateur unique chargé de la promotion de la mobilité internationale distinct d'une agence chargée des partenariats culturels, comme cela est suggéré par la révision générale des politiques publiques ;
- face à la « diversification des vecteurs culturels et de communication », la place du français comme langue internationale d'usage d'Internet constitue ainsi un enjeu de première importance. Dans le cadre de la dématérialisation croissante des supports de diffusion des biens culturels (musique, image et écrit), la politique culturelle extérieure de la France doit donc intégrer et valoriser Internet comme un vecteur culturel à part entière . Il est en effet ressorti des auditions conduites par vos deux commissions que notre pays accuse un retard préoccupant par rapport à d'autres pays, tels que l'Espagne, dans l'utilisation d'Internet comme vecteur d'influence culturelle, en particulier pour l' enseignement de notre langue ;
- il est indispensable de substituer à une politique d'offre culturelle à dimension universelle une politique plus sélective, hiérarchisée et différenciée selon les pays . Vos deux commissions sont ainsi convaincues que notre politique culturelle extérieure doit s'efforcer de décliner et d' adapter ses objectifs et ses projets en fonction des priorités et des spécificités propres aux grands ensembles régionaux ;
- la fusion des SCAC et des instituts et centres culturels devrait permettre « aux premiers de disposer de la souplesse de gestion et de l'autonomie financière des seconds tout en diminuant les coûts fixes de notre action culturelle » ;
- l'opérateur unique de l'action culturelle extérieure doit être pleinement responsable de la mise en oeuvre de la politique qui lui est confiée : la gestion du réseau culturel et du personnel qui le compose devraient relever de sa compétence . Le statut de ce nouvel opérateur devrait concilier le caractère régalien de notre diplomatie culturelle (qui rend peu transposable à la France la délégation pure et simple à une structure comme le British Council) et une gestion réellement assouplie. À cet égard, le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) est considéré par la commission du Livre blanc comme la formule juridique la plus pertinente ;
- au total, la réforme de la gestion du dispositif culturel français à l'étranger doit impérativement préserver les trois atouts du système existant, libellés par la commission du Livre blanc de la façon suivante :
1. la prise en compte de la demande locale , qui est favorisée par la déconcentration du système et permet de différencier l'offre et les modes de gestion selon les pays ; 2. l' autonomie financière dont bénéficient localement les instituts et centres culturels qui les encourage à s'autofinancer ; 3. l'articulation de leur action avec les priorités politiques dont l'ambassadeur a la charge ; |
- enfin, en matière de gestion des ressources humaines , la commission du Livre blanc juge impératif de :
1. reconnaître le métier de l'action extérieure comme une des filières professionnelles de la fonction publique ; 2. développer des spécialisations tout au long de la carrière avec trois principaux profils : un profil économique et européen, un profil « affaires politiques et sécurité » et un profil « communication et influence » qui pourrait couvrir la communication et les politiques en matière de culture, d'enseignement et d'attractivité ; 3. développer la formation initiale et continue qui doit être envisagée comme une obligation autant qu'un droit, et valorisée en conséquence ; 4. renforcer la mobilité externe et interne en rendant obligatoire dans la carrière l'affectation dans une autre administration que le MAEE et en favorisant le recrutement au sein de ce dernier de personnes issues de l'Université ou du secteur privé ; 5. améliorer la politique d'affectation et la gestion des carrières sur la base d'une charte de la gestion des ressources humaines qui intègrerait une plus grande objectivité des critères de sélection et une transparence accrue des procédures de nomination , ainsi que l'augmentation de la durée moyenne d'affectation afin de stabiliser les fonctions de pilotage. |