IV. LA MOBILISATION DES ENTREPRISES

La mission souhaite insister sur la nécessaire implication des chefs d'entreprise pour résoudre le problème de l'emploi des jeunes.

Comme l'ont rappelé les économistes Pierre Cahuc, Gilbert Cette et André Zylberberg dans un récent rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) 60 ( * ) , « la situation des jeunes Français est caractéristique d'une configuration « insiders/outsiders » où les personnes plus âgées, ayant un emploi, poussent le salaire minimum vers le haut afin d'accroître leur propre rémunération. Ils empêchent de la sorte de nombreux jeunes peu qualifiés d'accéder au monde du travail et refusent de payer pour les dédommager en leur interdisant le bénéfice du RMI ». Une prise de conscience collective est nécessaire pour briser cette « barrière » à l'emploi des jeunes.

A. FAUT-IL SUBVENTIONNER L'EMBAUCHE DES JEUNES ?

Face à ce constat, une première réponse peut consister à faire baisser le coût de l'embauche d'un jeune pour l'entreprise. L'éventualité d'un « Smic jeune » doit être écartée : elle ne serait sans doute pas socialement acceptable, comme l'a montré l'échec du contrat d'insertion professionnelle (CIP) en 1994, et poserait un problème d'équité entre les générations.

Une voie plus réaliste pourrait consister à « subventionner » l'embauche de jeunes salariés par les entreprises par le versement d'une aide de l'État. C'est cette solution qui a été appliquée, entre 2002 et 2007, avec le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (Seje).

Le Seje a été instauré en 2002 et présenté, à l'époque, comme une alternative aux « emplois-jeunes » : alors que la majorité sortante avait multiplié les emplois dans le secteur non marchand, la nouvelle majorité souhaitait inciter à l'embauche de jeunes dans le secteur privé.

Présentation du dispositif de Soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (Seje)


• Dans la première version du dispositif, l'Etat versait, pendant trois ans, une prime mensuelle aux entreprises du secteur marchand qui embauchaient un jeune âgé de 16 à 22 ans, sans diplôme ou avec un diplôme inférieur au baccalauréat, en CDI à temps plein ou à temps partiel. Cette prime, dont le montant était de 225 euros la première année, était réduite de moitié la troisième année et était cumulable avec l'allègement général de cotisations sociales sur les bas salaires (allègement « Fillon »).


• Le plan de cohésion sociale de 2005 a recentré le dispositif sur les jeunes les moins qualifiés, en modulant l'aide de l'Etat en fonction du niveau de qualification du jeune recruté : pour les salariés ayant un niveau de formation inférieur à la dernière année de CAP-BEP, le montant de la prime était porté à 300 euros par mois, en cas d'embauche à temps complet avec un niveau de rémunération égal au Smic (le montant de la prime étant toujours réduit de moitié la troisième année). En outre, le bénéfice du Seje était élargi au cas d'embauche d'un jeune de 23 à 25 ans révolus, titulaire du Civis, et ayant les plus faibles niveaux de qualification.


• La loi pour l'égalité des chances et la loi sur l'accès des jeunes à la vie active ont encore élargi, en 2006, les critères d'éligibilité au Seje : le contrat de travail pouvait désormais être signé avec tout jeune âgé de 16 à 25 ans d'un niveau de formation inférieur au baccalauréat, mis aussi avec tout jeune âgé de 16 à 25 ans révolus, de niveau baccalauréat ou supérieur, s'il résidait en zone urbaine sensible (Zus) ou était titulaire du Civis ou, de façon transitoire, s'il était chômeur depuis plus de six mois à la date du 16 janvier 2006 (pour une embauche réalisée avant la fin de l'année 2006). Le versement du Seje était également accordé en cas d'embauche du jeune en contrat de professionnalisation, le cumul avec les avantages propres à ce contrat étant alors autorisé. L'aide de l'Etat était en outre portée à 400 euros mensuels (200 euros en cas de conclusion d'un contrat de professionnalisation). La durée de versement était en revanche réduite de trois à deux ans (un an à taux plein puis un an avec un taux réduit de 50 %). La modulation de l'aide en fonction du niveau de qualification était supprimée.

La loi de finances pour 2008 a finalement supprimé le Seje. Le gouvernement avait alors estimé à 83 millions d'euros l'économie budgétaire réalisée.

Ce bref rappel illustre, de façon presque caricaturale, l'instabilité de certaines de nos règles en matière de politique de l'emploi : on peut se demander comment les employeurs ont pu suivre les méandres des nombreuses évolutions du régime juridique du Seje...

Les données statistiques disponibles suggèrent qu'ils ont pourtant été assez sensibles aux incitations financières accordées par l'État.

Entre juillet 2002 et décembre 2007, 441 000 jeunes ont été embauchés dans le cadre du dispositif, la plupart du temps avec un salaire proche du Smic. Lorsque le montant de l'aide a été modulé, en 2005, pour encourager le recrutement des jeunes les moins qualifiés, les embauches de jeunes peu qualifiés ont augmenté plus rapidement que celles de l'ensemble des jeunes concernés par la mesure. En revanche, à partir du printemps 2006, dès lors que les critères d'éligibilité ont été élargis à des publics plus qualifiés, la part des jeunes non qualifiés dans les embauches a diminué, pour ne plus représenter que 15 % du total en 2007. Le comportement d'embauche des entreprises a donc bien varié en fonction des incitations financières décidées par l'État.

Si le comportement d'embauche des entreprises a été affecté par le Seje, il est cependant difficile d'estimer quel pourcentage de ces embauches aurait été effectué de toute façon. Cette mesure s'est probablement accompagnée d'un fort « effet d'aubaine », coûteux pour les finances publiques. Ceci explique la décision du gouvernement de proposer, fin 2007, la suppression du Seje, les jeunes éloignés de l'emploi pouvant toujours conclure un CIE.

* 60 « Salaire minimum et bas revenus : comment concilier justice sociale et efficacité économique ? », par Pierre Cahuc, Gilbert Cette et André Zylberberg, rapport du CAE, juillet 2008, p. 5.

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