C. LES SOLUTIONS : UNE NOUVELLE AMBITION POUR LE SERVICE CIVIL
1. Les pièges dans lesquels ne pas tomber
a) Première erreur à ne pas commettre : rendre le service civil obligatoire
L'idée de rendre le service civil obligatoire est conforme aux principes et aux objectifs républicains (don d'une partie de son temps à la Nation et mélange des « classes sociales ») se heurte à des obstacles théoriques et pratiques majeurs, parmi lesquels on peut citer les exemples suivants :
- au vu de la dette que laissent les générations actuelles d'adultes aux jeunes, il paraît difficile d'imposer à la jeunesse d'aujourd'hui des obligations supplémentaires ;
- s'il s'agit d'un service civil, les jeunes recrutés ne risquent-ils pas de menacer grandement les jeunes arrivant sur le marché du travail et souhaitant bénéficier d'un revenu professionnel ? C'est une objection forte que la Confédération générale du travail a soulevé devant votre mission lors de son audition du 28 avril 2009 ;
- le coût pour l'État de ce dispositif serait prohibitif (autour de 3 milliards d'euros) ;
- et le problème des jeunes qui n'adhéreraient pas au dispositif serait complexe à résoudre.
De même, il apparaît que la souplesse dans la durée du volontariat (3, 6 et 9 mois) emporte l'adhésion des jeunes qui se répartissent équitablement entre les trois options (respectivement 37, 33 et 30 %).
b) Deuxième écueil à éviter : supprimer la journée d'appel à la défense
La journée d'appel de préparation à la défense (JAPD) est une session de formation théorique obligatoire pour tous les jeunes Français âgés de 18 ans 133 ( * ) , sur les questions relatives à la défense nationale, aux volontariats, aux préparations militaires et aux engagements dans l'armée.
Au cours de cette journée, sont tout d'abord effectuées les nécessaires formalités administratives qui permettent à la direction du service national (DSN) de compléter les données issues du recensement. Une série d'enseignements sur les principes généraux de la défense et ses moyens est menée. Un enseignement particulier est consacré au « devoir de mémoire ». Une évaluation des acquis scolaires fondamentaux est organisée au cours de la journée afin notamment de détecter les difficultés particulières de lecture et, éventuellement, d'orienter les jeunes Français concernés vers les structures sociales adaptées ou vers l'inspection académique pour les appelés encore scolarisés. Enfin, les jeunes bénéficient d'une Initiation à l'alerte et aux premiers secours (IAPS), intégrée dans la JAPD par la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004.
Cette journée présente l'avantage de donner aux jeunes une connaissance de l'armée et de les sensibiliser à l'importance de la défense initiale. A cet égard, la journée remplit son rôle de « substitut républicain » à la suppression du service militaire. En outre, elle leur permet d'acquérir de nouveaux savoirs sur les équipements et de disposer de compétences en matière de premier secours, ce qui est important puisque la France connaît un retard certain sur cette question (seulement 7 % des Français seraient formés aux premiers secours).
CONTENU DE LA JOURNÉE D'APPEL À LA DÉFENSE En début de matinée sont effectuées les nécessaires formalités administratives qui permettent à la direction du service national (DSN) de compléter les données issues du recensement. La journée comporte ensuite une série d'enseignements sur les principes généraux de la défense et ses moyens. Des cadres militaires, d'active et de réserve, participent à cette journée. Ils personnalisent ainsi le lien armée-Nation par une rencontre directe entre les jeunes Français et les acteurs de la défense au quotidien. Les modules d'information de la journée permettent d'aborder l'aspect global et multiforme de la défense pour montrer qu'elle est l'affaire de tous, sans distinction, que les acteurs soient ou non sous l'uniforme. Un enseignement particulier est consacré au « devoir de mémoire » de façon à maintenir vivant le souvenir du sacrifice des générations précédentes au service de la Nation. Les sites militaires, pour la plupart, organisent une courte visite de leurs installations ou la présentation de matériels. Enfin, une évaluation des acquis scolaires fondamentaux est organisée au cours de la journée afin notamment de détecter les difficultés particulières de lecture et, éventuellement, d'orienter les jeunes Français concernés vers les structures sociales adaptées ou vers l'inspection académique pour les appelés encore scolarisés. Source : www.defense.gouv.fr |
Pour l'État, l'évaluation menée sur les acquis fondamentaux donne des informations extrêmement intéressantes pour connaître l'efficacité et les limites du système scolaire. Les enseignements tirés sont nombreux et permettent d'élaborer de nouvelles stratégies pour lutter contre les phénomènes d'illettrisme. Ceux-ci sont repérés et peuvent faire l'objet d'une prise en charge via une orientation vers les dispositifs deuxième chance, les missions locales ou l'Agence nationale contre l'illettrisme 134 ( * ) .
Notons que le département des Yvelines a, par exemple, mis en place un système d'orientation de l'ensemble des appelés en difficulté d'insertion vers les missions locales . C'est une expérience très intéressante dans la mesure où un enjeu majeur pour les pouvoirs publics est de suivre les jeunes en difficulté entre leur sortie du système scolaire et leur arrivée dans une mission locale. Comme l'a noté M. Martin Hirsch lors de son audition par la mission du 28 avril 2009, « en cas d'échec, le « passage de témoin » - entre l'éducation nationale, les missions locales, plus généralement, et le service public de l'emploi - est souvent mal assuré. Il en résulte une situation préoccupante pour certains jeunes qui sont « abandonnés » par le système, sans prise en charge » . Le JAPD constitue, selon la mission, une voie pertinente pour améliorer ce passage de témoin.
Ces atouts plaident sans aucun doute pour le maintien du dispositif qui concerne 700 000 jeunes par an pour un coût avoisinant les 140 millions d'euros.
Parce que la JAPD est le seul dispositif à réunir l'ensemble d'une classe d'âge chaque année, elle est l'outil parfait pour informer les jeunes sur des éléments qui sont essentiels à leur bonne insertion professionnelle, et dans la société dans son ensemble.
C'est la raison pour laquelle la mission estime qu'il faut renforcer son contenu en y intégrant :
- un bilan de santé pour chaque appelé, prévu par le plan « Santé des jeunes » évoqué précédemment. Ce dispositif préventif sera ainsi un recours pour les jeunes qui ont été mal suivis (détection de myopie...) et un outil d'alerte sanitaire utile à la fois pour les jeunes et pour l'Etat dans sa définition de la politique publique de santé ;
- et un outil de détection des jeunes éloignés du système scolaire et du monde professionnel , qui seraient immédiatement orientés vers les missions locales et les permanences d'accueil, d'orientation et d'information (PAIO).
La décision d'intégrer ces nouveaux outils pourrait avoir pour effet de faire passer la JAPD à un jour et demi , plutôt qu'une seule journée, et donc d'en augmenter le coût financier. Au vu de son intérêt, notamment en matière de prévention, la mission considère que ce choix serait pertinent et susceptible d'entraîner des économies à moyen terme pour l'État.
Elle estime en outre qu'une réflexion devrait être menée sur l'extension aux jeunes étrangers installés de manière durable sur le territoire français (visas long séjour) d'une partie des modules constitutifs de ce dispositif.
* 133 Ou jusqu'à 25 ans pour les jeunes naturalisés entre 18 et 25 ans.
* 134 Un protocole d'accord national, signé par les ministères de la Défense, de l'Éducation nationale, des Affaires sociales, le Conseil national des missions locales, l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme et la Fondation Caisses d'Épargne pour la solidarité en 2005 prévoit la prise en charge effective et immédiate des jeunes en difficulté à l'issue de la JAPD dans le cadre du dispositif d'accompagnement « Savoirs pour réussir ».